INTERVIEW. Fatoumata Kaba, ambassadeur de Guinée en Ethiopie: « le président Alpha Condé a rallumé la flamme de l’Union et de l’intégration africaine »

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C’est dans sa résidence cossue située à Senien Magazaga sur les hauteurs d’Addis-Abeba que l’Ambassadeur de la Guinée en Ethiopie a choisi de parler aux médias guinéens, partis couvrir le 28è sommet de l’Union africaine. Mme Sidibé Fatoumata Kaba -qualifiée par la ministre des Affaires étrangères Makalé Camara de « cheville ouvrière » pour le retour en force de la Guinée sur le devant de la plus prestigieuse institution africaine- a ouvert son cœur aux journalistes. Présidence guinéenne de l’UA, la gestion de l’Ambassade, la vie des Guinéens dans les pays sous son contrôle (Ethiopie, Tanzanie, Kenya, Ouganda, Djibouti), rien n’a été occulté par Mme Sidibé.  Celle qui dit accepter avec beaucoup d’humilité les félicitations de sa hiérarchie pour le come-back de son pays entend continuer le combat pour offrir à l’Afrique la plus belle présidence en exercice de l’UA confiée désormais au président guinéen Alpha Condé. Interview… A bâtons rompus

Médiaguinee: vous êtes l’ambassadeur de Guinée en Ethiopie, la représentante de la Guinée auprès de l’Union Africaine. Pouvez-vous nous donner votre sentiment par rapport à l’élection du Pr. Alpha Condé à la tête de l’Union Africaine pour l’exercice 2017?

Mme Sidibé Fatoumata Kaba: Je vous remercie très bien. C’est un sentiment de joie. C’est la joie, c’est la satisfaction de voir, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, qu’un président  de la Guinée indépendante assume une telle responsabilité continentale. Ce, en dépit des sacrifices immenses que la Guinée a consentis pour la libération de l’Afrique. 

Nous sommes là et nous avons vu beaucoup de choses se passer. Je pense que ce n’est pas la première fois que vous recevez le chef de l’Etat guinéen à la faveur d’un sommet de l’Union Africaine. Mais de notre point de vue, il y a eu beaucoup plus de mobilisations cette fois-ci.

Depuis que je suis là, la mobilisation a été toujours comme cela. Vous vous souvenez que quand Monsieur le Président de la République prenait les destinées de  la Guinée, le pays était suspendu dans toutes ces organisations. Donc il a fait du retour de la Guinée sur la scène africaine et internationale son cheval de bataille, la priorité des priorités. Donc, pour ma part, je peux dire que l’avènement du professeur Alpha Condé à la magistrature suprême de notre pays a rallumé la flamme de l’Union, la flamme de l’intégration africaine. Il s’est beaucoup investi dans la gestion des questions africaines et des conflits ainsi que dans la gestion d’autres dossiers. Donc, c’est toujours la même mobilisation, la même ferveur. C’est ce qui a été couronné par son élection comme président en exercice pour 2017 de la conférence de l’Union Africaine.

C’est vrai, vous avez annoncé beaucoup de choses qui ont dû constituer les atouts du chef de l’Etat guinéen pour accéder à cette haute responsabilité. A ce que nous sachions également, il y a d’autres atouts très certainement qui ont été votre contribution en tant que représentant diplomatique guinéen  au niveau d’Addis-Abeba. Quels ont été exactement vos apports?

Notre apport a été  immense. Mais en toute humilité, je n’ai pas envie de parler de moi-même. Je n’ai pas envie de dire ce que l’ambassade a fait. Cela est notre travail. Vous savez, en Afrique, quand il y a un succès, chacun tire la couverture de son côté et on oublie souvent les vrais acteurs. Moi, je pense qu’en tant que Guinéenne, en tant que patriote, je suis convaincue d’une chose : depuis que je suis à Addis-Abeba, beaucoup de choses ont changé mais je préfère que d’autres personnes mieux placées que moi le disent. Je préfère rester derrière mon humilité. Mais, je voudrais vous dire que nous y avons travaillé depuis 2013. Nous avons travaillé sur le plan multilatéral. Vous savez, l’ambassade a une double dimension: une dimension bilatérale et une dimension multilatérale. Nous avons travaillé sous la très haute direction de Son Excellence Monsieur le Président de la République. La Guinée était suspendue dans toutes les organisations internationales. Il est venu, il a fait de cela sa priorité. Et comme je viens de vous le dire, il a mis les moyens qu’il faut à la disposition de l’ambassade pour nous permettre quand même d’atteindre les objectifs, pour permettre le rayonnement de la Guinée sur la scène internationale.  Vous étiez là, vous avez suivi ce qui s’est passé, l’honneur fait à notre pays. Le prestige et le rayonnement de la Guinée sur la scène africaine sont sans commune mesure. C’est tout ce que je peux vous dire. Mais dire qui a fait quoi ou qui a fait cela ?  L’histoire est là, on sait qui a fait quoi. Ce qui compte c’est le résultat pour la Guinée. Ce sont les Guinéens qui ont travaillé avec l’ambassade. Et moi personnellement, je me réjouis de cela. Si cela avait foiré, ou si le président n’avait pas pu relever des nombreux défis liés à cette 28è  session de la conférence, peut-être on allait indexer l’ambassade. Maintenant, il y a la victoire, il y a la joie, il y a beaucoup d’artisans. Donc, je ne fais pas de commentaires, nous étions là, ce sont les Guinéens qui ont travaillé. 

La prochaine étape sans doute, après l’accession à la présidence de l’UA, ce sont les défis et le contenu du mandat guinéen. Qu’est-ce que vous en savez?

Les défis sont énormes. Le président a procédé au lancement du thème. Vous savez, le thème de cette année, ‘’c’est tirer profondément profit du dividende démographique en investissant dans la jeunesse’’. Ce qui est original ici, c’est qu’à Kigali, on a adopté la feuille de route avec une matrice des différentes activités à mener durant l’année. Une feuille de route axée  sur quatre piliers : l’éducation et la compétence ; la santé et le bien-être des jeunes ; l’entreprenariat des jeunes et le droit et l’autonomisation des jeunes. Donc, le thème va être axé autour  de ces quatre piliers qu’il faut travailler. Vous savez, aujourd’hui, la population africaine, à 70%, est composée de jeunes. Cette jeunesse n’est pas bien formée. Si cette jeunesse n’a pas accès à la santé, si cette jeunesse n’est pas autonomisée, c’est vraiment une réelle bombe à retardement dans les mains des dirigeants africains, lesquels ont la responsabilité de prendre en compte la situation des jeunes. 

Nous avons entendu le chef de l’Etat dire dans son discours que les réformes au sein de l’UA doivent aujourd’hui  aboutir à une Union Africaine des peuples. Qu’est-ce que cela veut dire?

Vous savez, à Kigali, on a entrepris des reformes, les reformes de la commission de l’Union Africaine d’abord. Il y a la reforme institutionnelle et il y a le financement de l’Union. Vous savez, les 70% des budgets du programme de l’Union Africaine sont  financés par les partenaires et les Africains qui ont pris acte de cette situation. On ne peut plus continuer. Il y a donc un nouveau mécanisme de financement qui a été approuvé à Kigali. On a confié ce travail à l’ancien président de la BAD, Donald Kaberuka, qui a fait des propositions, que les chefs d’Etat ont acceptées, à savoir qu’il faut prélever 0,2%  sur des importations financées du budget-programme et  contribuer au Fonds de la paix. La réforme institutionnelle a été elle confiée au président Paul Kagame qui a présenté son rapport. Donc la mise en œuvre de toutes ces importantes décisions sera faite sous la très haute direction de Son Excellence Monsieur le Président de la République. Les défis sont nombreux. Les pères fondateurs de l’UA ont fait le travail politique, à savoir la libération du continent. Maintenant, il faut que les populations africaines se l’approprient, que l’Union africaine travaille sur les actions à mener dans le futur, dans les 50 prochaines années. Vous savez, à travers l’agenda 2063, il faut que cela ait un impact sur l’amélioration des conditions de vie des populations africaines. Sans cela, l’UA n’aura pas répondu aux attentes des populations africaines. Pour cela, les populations africaines attendent beaucoup de l’UA.

Actuellement, à Conakry principalement, en Guinée en général, une rumeur selon laquelle le budget de l’Union Africaine sera pris en charge par le budget guinéen court?

Il faut que les Guinéens s’informent. Comment la Guinée va prendre en charge le budget de l’UA ? La Guinée ne peut pas prendre en charge le budget de l’Union africaine. Pendant tout ce temps, les Africains sont en train de travailler pour trouver une source alternative de financement. Il y a la contribution, il y a des grands contributeurs. Et ces grands contributeurs, aujourd’hui, compte tenu de la baisse du coût des matières premières, n’arrivent plus à honorer leurs engagements. Mais où nous allons prendre les ressources après la terrible épidémie qui a ravagé notre pays ? Où nous allons prendre les ressources pour financer l’Union Africaine ? Ce n’est pas cela. L’UA a un budget. Il y a le barème de contribution de chaque pays au prorata de son PIB. Donc, évitez  de contribuer à faire propager des fausses informations qui ne sont pas bien pour l’image de notre pays, parce que cela dénote que les gens ne s’informent pas, que les gens ne savent pas ce que c’est l’UA, et comment on finance une organisation internationale. Il y a des cotisations à payer. Je  ne vois pas d’où nous allons tirer les ressources pour financer intégralement l’Union Africaine. 

La dernière partie de notre interview va porter sur le fonctionnement de notre ambassade, la gestion de nos ressortissants dans la zone que votre ambassade couvre…

Je couvre l’Ethiopie et tous les pays de l’Afrique de l’Est, excepté le Rwanda, qui ne relève pas de l’ambassade de Guinée à Addis-Abeba. Je couvre le Kenya, la Tanzanie, Djibouti et l’Ouganda. Nous avons une forte communauté guinéenne en Ouganda où il y a un consul honoraire, un Guinéen qui vit dans la zone il y a très longtemps. Ce n’est pas moi qui l’ai nommé, j’ai trouvé qu’il était déjà en place. Mais nous travaillons ensemble, dans le cadre d’une bonne gestion de nos patriotes vivant dans ce pays.  Il y a beaucoup d’étudiants. Nous avons aussi une forte communauté en Tanzanie. C’est compte tenu du sommet que je n’ai pas pu présenter mes lettres de créances en Tanzanie. Je vais le faire aussitôt que le président tanzanien va me programmer. L’Ethiopie est un pays qui n’encourage pas l’immigration, qu’elle soit légale ou clandestine. Nos compatriotes qui sont là travaillent à l’Unicef, à la CEA, au HCR. Il y en a aussi qui travaillent dans les ONG internationales, dans le domaine de la santé. Ces compatriotes-là vivent en parfaite harmonie avec l’ambassade.

Qu’est-ce que vous avez comme problèmes majeurs dans la gestion de l’ambassade?

Aucune activité humaine n’est parfaite mais il faut savoir manager, gérer. C’est cela l’essentiel. Mon objectif ici et celui de mon équipe c’est le résultat. Pour ce qui est des petits problèmes internes liés à la gestion, je pense que c’est dans toutes les administrations. Cela ne nous empêche pas de travailler, de bien collaborer. Je pense que ce sont des petits détails qui n’impactent pas négativement le fonctionnement  de notre ambassade. 

Votre dernier message…   

Le dernier message, c’est de dire que nous devons être fiers. Vous savez, la Guinée s’est beaucoup donnée pour l’Afrique. Mais, il fut un moment, on ne parlait pas assez de la Guinée. Je pense  que vous étiez là, vous avez vu ce qui s’est passé. Tous les Guinéens doivent être fiers,  tous les acteurs y ont contribué. Ceux qui ont signé l’accord politique à l’intérieur du pays ont permis de créer un climat apaisé. On ne parle plus de nous en termes de crises à répétition, en termes de manifestations récurrentes, en termes de violences. Donc ‘est le retour triomphal de la Guinée et nous devons être fiers et remercier Monsieur le président de la République. Vous avez la revue de l’ambassade, je pense que vous pouvez publier cela sur le net et tout le monde y aura accès. 

Nous vous remercions Mme l’ambassadeur.

C’est à moi de vous remercier

Par Mamadou Savané, de retour d’Addis-Abeba

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