Amara Essy, ancien président de la commission de l’Union Africaine: « Alpha Condé vient en territoire connu »
S’appuyant désormais sur une canne, Amara Essy, ancien président de la commission de l’Union africaine (UA) n’a encore rien perdu de son talent oratoire et aussi de son sourire. Présent au 28è sommet de l’UA à Addis-Abeba, en Ethiopie, Essy, diplomate ivoirien de renom, interrogé par Mediaguinee dans le hall de l’hôtel Sheraton Addis, a félicité le président guinéen Alpha Condé pour son élection à la tête de l’institution. Il a ensuite déroulé des pistes de solutions pour permettre au numéro un guinéen de réussir sa mission qui, à ses yeux, paraît complexe. Entretien…
Mediaguinee: Le président Alpha Condé a été élu président en exercice de l’Union africaine. Qu’est-ce cela vous inspire, M. Amara Essy, grand diplomate africain?
Amara Essy: Je suis Ivoirien. J’ai été diplomate à Genève, à New-York pendant presque 10 ans. J’ai eu l’occasion vraiment de fréquenter mes frères guinéens, si bien que j’ai tellement d’amis en Guinée. J’ai eu aussi l’occasion de connaître le professeur-président Alpha Condé. Vous savez la Guinée et la Côte d’Ivoire, nous sommes les mêmes populations. Entre le président Houphouët Boigny et le président Sékou Touré, il y a eu des problèmes mais, cela n’a pas empêché les délégations ivoiriennes et guinéennes de coopérer comme des frères à New-York. Par exemple, on était à l’époque avec l’ambassadeur Jeanne Martin Cissé à toutes les réunions alors qu’il y avait des tensions entre nos pays. Partout, on avait des réunions, les Ivoiriens et Guinéens, on se rencontrait, on mangeait ensemble. Donc, nos relations avec des Guinéens sont des relations fraternelles. Donc, je suis heureux que la CEDEAO ait porté le choix sur le Professeur Alpha Condé, c’est une fierté pour la CEDEAO et c’est une fierté pour nous tous aujourd’hui parce que la CEDEAO est présente sur la scène internationale grâce à lui. C’est aussi une chance parce qu’on dit que même quand on n’aime pas le lièvre mais il faut savoir qu’il sait courir. Il a été le président de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France), donc il connaît toute l’Afrique, il connait tous les chefs d’Etat africains, il les a connus tous à un moment où ils étaient tous opposants. Donc, il vient en territoire connu. Il vient aussi à un moment très complexe des relations internationales. On a créé l’OUA [Organisation de l’Unité Africaine], on est passé à l’Union Africaine, on est passé de cinq organes principaux dans l’OUA à 35 à l’Union Africaine. Eh bien, c’est une machine qui est très lourde et surtout, il y a des reformes à faire notamment en ce qui concerne le financement de l’Union Africaine. Parce que chaque décision a une instance financière. Nous avons des conflits, il faut les financer, il faut envoyer les troupes, il y a beaucoup de problèmes, il faut également revaloriser le salaire des fonctionnaires de l’Union Africaine, parce que si vous n’avez pas les meilleurs cadres, ils s’en vont ailleurs. Donc, il va faire face à tous ces problèmes en tant que président de l’Union Africaine. Mais, j’ai confiance en lui parce qu’il a la volonté, c’est un panafricaniste convaincu. Comme on dit dans la sourate Baqara, on prie Dieu qu’il lui donne les moyens de supporter les charges qu’on a mises sur ses épaules.
Mediaguinee: Selon vous, qu’est-ce qui devait être ses priorités?
Amara Essy: Tout est priorité à l’Union Africaine. D’abord, ils ont résolu d’une façon pacifique le cas gambien. Vous avez la situation difficile encore au Congo, vous avez la Somalie, le Sud Soudan. Donc, tous ceux-ci sont des problèmes urgents mais qui demandent vraiment une patience et surtout qui demandent que l’on prenne le temps de les décortiquer et trouver une solution pacifique. Il y a les conflits qui sont très importants parce que les conflits, quand on les laisse traîner, ça traverse les frontières et il y a la reforme aussi du financement de l’union Africaine. Donc, tout est prioritaire chez lui.
Mediaguinee: En off, on vous a entendu dire que vous allez mettre en place un certain nombre de choses pour lui faciliter la tâche. Pouvez-vous nous en dire davantage?
Amara Essy: Ecoutez, la réalité c’est quoi? C’est qu’il y a des nouveaux commissaires qui sont élus, les commissaires qui sont là, les 3/4 s’en vont. Il faut qu’il y ait un logistique très solide, les gens qui connaissent la maison, qui connaissent tous les problèmes et qui puissent lui rendre compte à tout moment parce que quand il va rentrer en fonction, il sera phagocyté par les questions intérieures qui sont très difficiles à régler. Vous savez, la vie d’un chef d’Etat, ce n’est pas aussi facile. On voit l’aspect extérieur mais la réalité c’est qu’il croule aussi sous les problèmes intérieurs et extérieurs. En fin de compte, vous savez quelle que soit la compétence d’une personne, le plus important c’est d’avoir des collaborateurs très bien outillés pour l’informer. Donc, je pense vraiment, il faut qu’il y ait à Addis-Abeba, en plus de l’Ambassade de Guinée dirigée par une femme très compétente, vraiment un ensemble de personnes dans tous les secteurs pour pouvoir l’informer à tout moment et qu’il puisse prendre des décisions. Vous savez, des décisions sont prises sur la base d’informations exactes et correctes, cela est très important.
Mediaguinee: Je vous remercie
Amara Essy: Merci
Par Mamadou Savané, de retour d’Addis-Abeba
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