Ousmane Sonko désapprouve le rejet des étrangers : “certains pensent que les Guinéens, les Libanais…”
Une certaine classe politique émerge au Sénégal avec de nouvelles têtes qui voient le jour. C’est le résultat des dernières élections (présidentielle et législatives) qui a rabattu les cartes, avec Ousmane SONKO, comme figure de proue. De cette nouvelle génération, Tahirou SARR fait la particularité d’être chef de file des nationalistes. Cela signifie pour lui ; phobie des étrangers, considérés comme source du spleen (mal) économique des Sénégalais.
Une idéologie opposée au Pastef de Ousmane SONKO qui prône le panafricanisme tout en mettant en avant la coopération, l’ouverture où l’intérêt des Sénégalais sera pris en compte. Le Premier ministre sénégalais, dans l’une de ses interventions, la veille des législatives, rame au contre-courant de cette pensée de Tahirou SARR qu’il estime dangereux pour le Sénégal, terre d’hospitalité.
In extenso, son intervention en wolof traduite -par MediaGuinee– en français, à la veille des législatives du 17 novembre 2024.
« II y a une idéologie qu’on appelle les nationalistes au Sénégal. Nous ne sommes pas des nationalistes mais des patriotes. Est-ce que vous connaissez la différence ? Le patriotisme n’est pas exclusif, ne rejette personne mais nous accordons la préférence à notre personne d’abord.
« On disait qu’il y a 3 millions de Guinéens, mais si c’était vrai et que ceux-ci votaient, Amadou BA remporterait l’élection présidentielle haut la main devant Diomaye FAYE »
Le Sénégal est un pays d’ouverture, de tolérance et non d’ostracisme ou un pays où on indexe l’autre comme source de nos problèmes. Certains pensent que nos problèmes, ce sont les Guinéens, les Libanais… A ma sortie de prison, lors de ma conférence de presse, j’ai demandé qu’on arrête cette idée. A l’époque, on était en train de dire que Amadou Ba n’est pas un Sénégalais, mais un Guinéen. Non, j’ai dit que Amadou Ba est un Sénégalais né, a grandi ici ayant occupé toutes les fonctions. Ceux qui le disent, si on leur demande de nous dire le nombre d’étrangers au Sénégal, ils ne le savent pas.
« C’est à Dakar ici où l’on voit quelques étrangers. Mais allez à Touba Mbacké, Kaolack, Fouta, Guinguinéo, vous allez beaucoup marcher avant de rencontrer un étranger »
Permettez-moi de vous avancer quelques chiffres pour les étrangers. Des chiffres concrets de l’ANSD, à partir de là, vous saurez si ce sont les étrangers qui sont la source de vos problèmes. 18 millions 126 mille habitants au Sénégal, selon le dernier recensement (RGPH5). Les étrangers réunis font 207 mille 796 soit 1,1% de la population sénégalaise. On disait qu’il y a 3 millions de Guinéens, mais si c’était vrai et que ceux-ci votaient, Amadou BA remporterait l’élection présidentielle haut la main devant Diomaye FAYE.
D’ailleurs, c’est à Dakar ici où l’on voit quelques étrangers. Mais allez à Touba Mbacké, Kaolack, Fouta, Guinguinéo, vous allez beaucoup marcher avant de rencontrer un étranger.
Nous les Sénégalais, sommes des voyageurs, des aventuriers. L’idée de fustiger les étrangers peut occasionner des problèmes aux Sénégalais. On a entre 750 mille à 900 mille compatriotes hors du Sénégal. Imaginez si on déverse 900 mille sénégalais ici aujourd’hui avec leur apport dans leurs familles restées sur place. Si on va en Guinée, au Mali, en Côte d’Ivoire, l’on trouverait des Sénégalais. Nous, nous avons prôné le panafricanisme. Par exemple, vous entendez l’extrême droite en France, qui rejette les étrangers, s’il avait gagné, certains seraient rapatriés. Nous, nous n’allons pas commettre les mêmes erreurs.
« Au sein de notre équipe nationale, vous voyez des Diallo, des Bah, ce sont leurs parents ou grands-parents qui étaient venus s’installer. Pourtant, on les applaudit parce qu’ils font de bonnes choses dans le football. Donc qu’on ne rentre pas dans ce débat »
Je sais une chose dans ce pays, nous allons contrôler qui entre et qui sort du pays. En plus, j’ai depuis longtemps soutenu l’application de la réciprocité. C’est-à-dire tous les pays demandant aux Sénégalais le visa, inversement nous devons leur demander le visa d’entrée. Ce qui devrait être le principe. Même si ces pays s’appellent la France ou les USA qui encaissent souvent l’argent des gens et leur refusent le visa sans leur rendre même leur argent.
Deuxièmement, nous devrions avoir une carte d’étranger pour identifier les étrangers même ceux de l’espace CEDEAO. Ce sont des choses à travailler au niveau de l’Assemblée nationale.
Le troisième aspect, c’est l’état civil. Moi j’ai été maire. Et pendant mes fonctions, j’ai pris des gens qui travaillaient contrairement à la loi. Je voulais les envoyer au tribunal. Ce problème de l’état civil est fini. Nous sommes sur un programme de numérisation de l’état civil où nous avons investi 19 milliards fcfa. Personne ne pourra vendre un papier à un étranger.
« Nous sommes un peuple civilisé, ouvert sur le monde, responsable, voyageur. Et quand on voyage ailleurs, on doit accepter que d’autres viennent chez soi »
Donc que personne ne vous mette en mal contre telle ou telle communauté. Car notre problème ne vient pas de là. Certains sont là depuis trois générations. Au sein de notre équipe nationale, vous voyez des Diallo, des Bah, ce sont leurs parents ou grands-parents qui étaient venus s’installer. Pourtant, on les applaudit parce qu’ils font de bonnes choses dans le football. Donc qu’on ne rentre pas dans ce débat. Ces genres de débats peuvent conduire à des violences. C’est à éviter. Nous sommes un peuple civilisé, ouvert sur le monde, responsable, voyageur. Et quand on voyage ailleurs, on doit accepter que d’autres viennent chez soi ».
Moussa