Mountaga Keïta, PDG de Tulip Industries Ltd: «c’est dans ce pays (Guinée) que je me suis retrouvé le plus en sécurité» (jeudis de la presse de l’Ambassade des USA en Guinée)
Après plusieurs semaines d’interruption, les rencontres hebdomadaires de la presse à la bibliothèque américaine de l’Ambassade des États-Unis d’Amérique en Guinée a repris ce jeudi 06 mars 2025. Les jeudis de la presse ont reçu comme invité du jour, Mountaga Keïta, inventeur, PDG de Tulip Industries Ltd. Avec lui, les dizaines de journalistes qui ont effectué le déplacement ont partagé avec lui son expérience de chef d’entreprise.
Plus de 2 décennies à l’étranger notamment en France puis aux États-Unis d’Amérique, entre études et boulot, ce Guinéen qui a suivi des cours de sciences politiques, de droit, de banque a, un beau matin décidé d’abandonner son travail de banquier aux États-Unis, avec un salaire mensuel de plus de 20 000 dollars américains, la belle vie occidentale, les gratte-ciels pour rentrer dans son pays pour fonder son usine et créer de l’emploi.
Dans ses explications, on peut lire entre les lignes qu’une fois de retour au pays, ça n’a pas été facile au début. Il a très vite compris que les relations sont parfois plus importantes que les connaissances puisqu’il a vécu le pire avant de se retrouver là où il est aujourd’hui. Après plusieurs tentatives pour décrocher un job au sein de l’administration publique sans succès, Mountaga Keïta a fini par atterrir dans le secteur portuaire chez une grande société où il a eu à travailler durant plusieurs années avant de décider de travailler à son propre compte en fondant Tulip Industries Ltd.
Selon cet entrepreneur qui a aujourd’hui plus de 250 jeunes formés, l’argent ne doit pas dormir à la banque et personnellement au-delà de ses besoins et ceux de sa famille, il réinvestit son argent dans des équipements pour son entreprise. Plus loin, il souligne qu’un entrepreneur doit avoir une vision, être patient et persévérant.
À en croire cette grande figure du high-tech qui s’est distinguée à l’international à travers ces productions de tous les pays du monde qu’il a traversés, c’est en Guinée qu’il se sent le plus en sécurité. Pour preuve, il est revenu sur une histoire qu’il a vécu en France à l’âge de 13 ans. «Je l’ai répété tellement de fois en famille, ma femme le sait pourquoi je le disais. C’est dans ce pays que je me suis retrouvé le plus en sécurité. Vous ne pouvez pas imaginer ce que j’ai dû vivre à l’âge de 13 en France. Une fois, j’ai plein de tickets, je viens de ma Guinée, pour moi, si tu as acheté un ticket de bus, tu as le droit de monter dans le bus. Je monte, mais apparemment, il y avait un validateur, un composteur, on l’appelait. Tu mets le ticket, ça peut être un truc, je ne savais pas, personne ne m’a parlé. Donc, j’avais plein de tickets avec moi, un seul aurait suffi, je ne l’ai pas fait. On monte, à la descente, il y a les policiers, des contrôleurs. Ils disent montrent le ticket, je montre, ils disent, ah, vous n’avez pas composté le ticket. Je dis, oui, je ne sais pas, ils disent, ok, hop, ce n’était pas leur problème».
Mountaga Keïta de poursuivre : «Directement, ils m’ont amené à leur poste, au commissariat de police. La violence était la violence mentale. C’était la première fois de ma vie, à l’âge de 13 ans, de me retrouver à un poste de police, comme un criminel. Les mains sur le mur, les jambes écartées, ils me fouillaient, ils me palpaient. La violence mentale que j’ai subie à 13 ans était que je me suis juré, que je rentrais chez moi un jour, que je me sens mieux chez moi. On ne m’aurait jamais fait ça ici, à l’âge là. Et la personne qui m’a fait ça, elle sait que j’étais enfant, parce qu’à l’âge de 13 ans, un petit garçon n’est qu’un enfant. Elle a entendu dans mon accent que je suis étranger, étudiant, j’ai mon gros sac, je venais de l’internat, j’allais chez mon frère. Elle pouvait pardonner ou alors me montrer. En Guinée ici, on te montrerait, on dit, bon, viens ici. Comme ça tu fais, tu as compris ? Ou bien on te dit, donne-moi deux tickets pour moi aussi. Mais on t’aurait aidé», a-t-il rappelé de passage.
Par ailleurs, le concepteur des bornes médicales ou encore les premiers drones de pulvérisation
agricole en Guinée a laissé entendre ceci. «Donc, on croit qu’on est en insécurité ici, mais je peux vous dire l’humanité c’est en Afrique que je l’ai rencontrée. En Occident, j’ai dû me former à être très froid. Et j’ai excédé dans ce jeu, c’est ce qui m’a permis d’être banquier. Tu dois être très froid. Quelques fois, j’utilise cette méthode ici, mais je n’arrive jamais à faire deux ou trois jours parce que ma femme me fait redescendre. Parce qu’ici, ça ne se fait pas d’être aussi froid que ça»
Selon cet ancien diaspora, « l’insécurité c’est à l’étranger, j’ai tenté. Je viens d’un pays où vous pouvez sortir en voiture, vous êtes en famille et les balles sifflent. Ou je reviens chez moi le soir après le boulot, je suis fatigué, 22 heures, je vois l’hélico qui est là, qui tourne, les voitures de police, il y a la ceinture jaune qui est autour, scène de crime. Je dis, en Guinée, je n’aurais pas vu ça. Chaque soir, à la télé, on me parle de 3, 4, 5 morts, sur l’espace de deux étages seulement. Les nouvelles, chaque 22 heures, je dis, enlevez la chaîne là, pardon. C’est la rubrique nécrologique. Ici en Guinée si un cas se passe, tout le monde est là-dessus, «un gars était retrouvé mort», parce qu’on est un pays encore traditionnel. Donc je me sens en sécurité. Il y a des choses qui se font ici, des gens violentés, mais dans les autres pays, la quantité de ça est énorme, mais vous n’êtes pas au courant de ça», a-t-il expliqué.
En tant qu’étudiant étranger, Mountaga Keïta a laissé entendre qu’il était trop éloigné des boîtes de nuit et était toujours attentionné craignant pour sa sécurité. «Je ne faisais que boulot, études, chez moi. Je ne traînais pas en boîte de nuit. Je pouvais aller quelques fois, une fois chaque six mois, en boîte de nuit. Mais je faisais très attention à ma sécurité là-bas, parce que je savais que je n’étais pas en sécurité. Donc la violence en France, ou de l’autre côté aussi aux Etats-Unis, c’est la même chose. Mais seulement, elle est 100 fois supérieure à celle que vous voyez là. Mais seulement, nous, cette micro-violence qu’on voit ici, on l’amplifie».
Mamadou Yaya Barry