[INTERVIEW]La Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) du Sénégal, a récemment demandé qu’on rétablisse l’opposant Ousmane Sonko sur les listes électorales, puis lui délivrer des documents essentiels pour sa candidature à la présidentielle de 2024. Aussitôt, cette demande a été rejetée par un service du ministère de l’Intérieur, qui a parlé d’une fin de non-recevoir à ladite demande, jugeant incompétente cette commission qui selon la Direction Générale des Élections (DGE), ne peut mener une quelconque action sur le fichier électoral. Réagissant à ce sujet,Maguette Mbodj, représentant du Pastef en Guinée a d’abord dénoncé l’instrumentalisation de la justice sénégalaise, avant de déplorer le fait que le Président Macky Sall ait piétiné la démocratie, ce qui fait que Sonko est devenu le pire cauchemar pour l’actuel pouvoir.
Mediaguinee: Par une note, la CENA a demandé que votre leader soit établi sur les listes électorales et qu’il lui soit délivré des documents essentiels pour sa candidature à la présidentielle de 2024. Comment vous réagissez à une telle nouvelle, vous qui représentez ce parti en Guinée ?
Maguette Mbodj : D’abord le juge a donné son jugement qui devait être exécuté sans délais parce que ça n’obéit à aucune suspension. Ladite décision a été contestée par l’État et c’est du jamais vu. Constaté par l’État, ça ne suffit pas la CENA, la commission nationale chargée des élections a fait une injonction à la DGI pour que Sonko soit réintégré sur les listes nationales et qu’on lui delivre ses fiches de parrainage. La DGI à son tour a toujours refusé. Et pour régler cette situation, il aurait fallu que le ministre de l’intérieur Sidiki Kaba fasse un geste. Mais comme nous sommes dans un État qui est dans l’illégalité, parce que pour Macky Sall, Ousmane Sonko, dans une élection, c’est comme un suicide pour lui. Voilà où nous en sommes, voilà comment le régime de Macky Sall a réduit la démocratie sénégalaise. C’est ça en fait le problème, pas d’autres choses. Maintenant ils veulent jouer avec le temps. D’abord ils ont fait appel à la Cour suprême et comme la cour Suprême est à la solde du Gouvernement pour que cette Cour elle aussi invalide cette décision du juge. On a saisi la Cour de la CEDEAO qui devait statuer hier ou aujourd’hui. Alors l’agent judiciaire de l’État lui, a demandé un renvoi parce qu’ils ont un problème de courant et d’internet, du jamais vu. Comme ils sont dans le dilatoire parce qu’il n’en est pas question pour eux, que Ousmane Sonko ne soit pas candidat. Parce que si Ousmane Sonko est candidat, ils vont se retrouver dans l’opposition et Macky Sall sa coalition parce que ce n’est même pas un parti, mais plutôt un groupement d’intérêt économique. C’est ça le problème. Ils ne pourront jamais s’opposer à personne, puisqu’ils ne sont pas préparés pour ça (…). Ousmane Sonko est un problème pour Macky Sall et tous ceux qui ont la crainte de demain.
Mediaguinee: Est-ce que vous ne craignez pas que la même justice sénégalaise ne vienne de nouveau compromettre la candidature d’Ousmane Sonko?
Maguette Mbodj : La CENA a plus de pouvoir et de prérogatives que la Direction Générale des Élections (DGE) en matière d’élection. Donc la CENA n’a même pas demandé, elle a fait injonction. Et, la DGE devrait écrire à Ousmane Sonko et lui rendre ses fiches de parrainage. Vous voyez c’est tellement clair mais comme l’État est au-dessus de tout et que Macky Sall s’est juré que Ousmane Sonko ne sera jamais candidat, il a des magistrats sous ses ordres, il a une administration au-dessus de laquelle il y a le ministre de l’intérieur qui est sous ses ordres. Mais vous voyez un peu le résultat, c’est-à-dire qu’au fond, l’État foule au pied les lois de la République, les décisions d’un juge, ce qui est du jamais vu. Nous sommes avec Macky Sall depuis 2011, c’est-à-dire tout sauf Sonko. Pour lui, Sonko c’est le cauchemar.
Mediaguinee: À quoi peut-on s’attendre les prochains jours au Sénégal en cas de récidive de la justice sénégalaise contre votre leader?
Maguette Mbodj: C’est l’opposition sénégalaise, la société civile qui vont toutes faire front commun, parce ça y va de l’avenir et de la survie de la démocratie du Sénégal. C’est-à-dire que c’est un problème qui dépasse Sonko. C’est de cette manière là il faut le percevoir. Pour Macky Sall, le problème c’est Sonko, mais pour les Sénégalais, le problème c’est la manière dont Macky a piétiné la démocratie et la justice sénégalaise. C’est comme ça qu’il faut comprendre la situation du Sénégal aujourd’hui.
Mediaguinee: Justement quelle leçon tirer de la justice sénégalaise, pour un pays longtemps cité comme modèle de démocratie en Afrique ?
Maguette Mbodj: Pour le Sénégal, c’est une erreur de casting et c’est ce qu’on appelle le revers de la démocratie. Lorsque la démocratie permet à un pays de se tromper d’homme ou de partis politiques ou les deux à la fois, c’est exactement le résultat que ça donne. Et pour l’Afrique, il y a un groupe de Chefs d’État mal élus qui falsifient la Constitution, des élections frauduleuses. Il y en a d’autres qui viennent par un coup d’État mais voilà le résultat. C’est-à-dire que l’on rate tout (…). Qu’ils comprennent que lorsqu’un processus de l’évolution n’est pas respecté, ça donne toujours des frustrations, une justice instrumentalisée, des magistrats corrompus, une solution absolue aux intérêts des Occidentaux. Et résultat, c’est ce que l’Afrique vit aujourd’hui, une Afrique malade(…).
Entretien réalisé par Christine Finda Kamano & Sâa Robert Koundouno
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