Victime de piratage des ses œuvres, l »artiste-chanteur guinéen Ibro Diabaté [de son vrai nom Ibrahima Diabaté] qui mélange parfois le funk, la soul, le jazz, la pop ou encore le zouk qui a saisi le Bureau Guinéen du Droit d’Auteur (BGDA) pour être rétabli dans ses droits. Il a accordé une interview à notre rédaction. Lors de cet entretien, plusieurs sujets ont été abordés avec l’artiste qui cumule 30 ans de carrière, notamment son regard sur la culture guinéenne, le tube « goûter rester » de Ténin Diawara, les propos vulgaires qui se retrouvent dans certaines chansons guinéennes, son regard sur le fonctionnement du BGDA, son parcours musical et les surprises qu’il réserve à ses nombreux fans.
Mediaguinee: récemment, vous avez saisi le BGDA par une plainte pour « exploitation d’œuvres et plagiat » contre des artistes guinéens. Pourquoi c’est maintenant vous le faites ? Peut-on connaître ces artistes qui vous plagient?
Ibro Diabaté: Oui pourquoi maintenant ? Parce que trop c’est trop. Quand tu arrives à comprendre principalement c’est BDGA même qui ne fait pas son travail. Nous, on est des artistes. Il y a plus plus de 30 ans, à l’époque, nous étions payés par l’Etat. C’est après la mort de Sékou Touré qu’on nous dit que désormais tout le monde doit adhérer au BGDA. Et depuis ce jour jusqu’à aujourd’hui on n’arrive pas à percevoir nos droits comme il faut et nos morceaux sont piratés n’importe comment et puis interpréter sans notre consentement, ça c’est un drame, trop c’est trop. Le BGDA est incontrôlé, y compris la culture guinéenne, c’est ce qui m’a poussé à faire une alerte pour dire que tout artiste doit pouvoir vivre de ses œuvres.
Mediaguinee: Parlons de votre belle et riche carrière musicale. Qu’est-ce que vous pouvez nous en dire ?
Ibro Diabaté: je suis né griot, cela n’a rien à voir avec être artiste sur le plan international, parce que le griot c’est la tradition en même temps ça y dans notre culture mais pour être un artiste ça c’est un autre métier, ça c’est un autre boulot parce que ce n’est pas le même monde. Être griot c’est entre la famille ou être chef parolier pour nos grands conseillers mais être un artiste c’est une autre couleur qui t’oblige à te former musicalement et apprendre comment séduire le monde. En droit, tu ne peux pas dire normalement que tu es griot, il faut que tu aies un messager parce que le droit du griot n’existe pas, juridiquement ça n’existe pas. Mais dans la transition, on peut comprendre mais les œuvres artistiques sont très différentes d’être un sage chanteur parce ça c’est une autre discipline, parce qu’être un artiste demande beaucoup de choses, beaucoup de travail et beaucoup de formation.
Mediaguinee: Vous êtes un grand nom de la musique guinéenne qui a bercé plusieurs générations. Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la musique guinéenne et quel est votre jugement de la nouvelle génération?
Ibro Diabaté: Parmi la nouvelle génération, il y a beaucoup de talents mais ils refusent de travailler. Tu sais, c’est le travail d’abord. Il faut commencer par ça. Mais à partir du moment où la nouvelle technologie-là est arrivée, ça rend paresseuse la nouvelle génération. Aujourd’hui, ce sont injures qui dominent la musique. Tu ne peux plus t’inspirer. Un grand artiste, c’est une référence, tu dois être une référence même la manière de parler, même la manière de s’habiller. Mais toi tu ne peux pas chanter dans la culture guinéenne. Tu es connu dans ça comme Baaba Maal, Salif Keïta et on te voit t’habiller bizarrement. L’habit qui n’est pas conforme à ce que tu fais, tout ça c’est drôle. Je demande à la nouvelle génération de se ressaisir, elle n’a qu’à apprendre ce qu’elle doit dire pour servir les gens. Cela fait 20 ans et quelques, toutes les musiques que j’écoute, rythmiquement vous pouvez les écouter, mais nous ça ne nous dit rien car c’est trop plat. Le BGDA qui contrôle des œuvres, peut-être qu’on ne peut pas les en vouloir parce qu’ils n’ont de matériels, eux-mêmes ne savent pas par an tu as chanté et combien de fois tu es passé sur les ondes pour attaquer les radios, les marchés et aller réclamer les droits d’auteurs et tous les droits d’auteurs-là vont où ? Maintenant le prix d’un artiste n’est pas stable, cela dépend de tes ventes, c’est quand tu vends trop dans le monde que tu es trop payé mais tu ne peux pas comprendre ça sans avoir des matériels qui contrôlent les œuvres qui passent.
Les USB qui rentrent-là, tu peux retrouver 100 morceaux sur un petit disc. Normalement, toute voiture qui rentre ici en Guinée si il y a une clé USB, on doit payer à la douane les droits d’auteurs. Quand tu rentres dans leurs bureaux (BGDA) qui ne répondent pas aux normes, comment peuvent-ils avoir des éléments pour contrôler? Si l’État te dit : gère tel département si ça ne va pas il faut dire à l’Etat ce qui ne va pas au lieu de t’asseoir pour faire plaisir au président. Donc pour nous, le temps est arrivé pour alerter parce que trop c’est trop, on a ras-le-bol de nager dans nos chansons. Un beau matin, tu prends ton clavier, tu regroupes les gens pour aller chanter entièrement un des morceaux de Ibro Diabaté et te vanter mais en transformant aussi ma musique avec des injures, ce que moi je n’ai pas inspiré dans ma chanson pour ma population et ça c’est bizarre.
Mediaguinee: Tout récemment, la chanson «goûter rester» de l’artiste-chanteuse Ténin Diawara a été interdite par l’OPROGEM. Votre avis ?
Ibro Diabaté: Quand je trouve l’OPROGEM-là dans l’affaire là ça m’étonne, si tu vois tout ça c’est un défaut du BGDA. Ce que je connais, l’OPROPGEM c’est contre la pédophilie, la violence basée sur le genre mais si tu prends une injure publique dans une chanson cela n’a pas commencé par Ténin Diawara, on a vu des artistes insulter ici père et mère dans une chanson et c’est le BGDA qui doit mettre fin à ça parce que c’est un département de la culture mais si la culture même est nulle. Vous avez vu depuis 2 ans que ce qui marche au niveau de la culture si ce n’est pas de l’ambiance, de la mamaya en colmatant l’argent politique, moi je ne suis pas dans ça. Ténin Diawara, je ne la vois pas mal, elle est très très courageuse mais cette fois-ci est elle partie très loin »
Mediaguinee: Selon vous, qu’est-ce qui est à la base de la floraison des chansons obscènes depuis peu en Guinée ?
Ibro Diabaté: C’est le laisser-aller, c’est pourquoi la musique est gérée par une structure si elle n’arrive pas à maîtriser ce qu’elle doit faire et ça continue. Je vous donne 3 ans encore, vous allez entendre des musiques inspirées autrement, même se déshabiller sur scène, ça été fait ici, les Américains et les Anglais peuvent le faire mais nous notre coutume, notre tradition et notre culture ne nous demandent pas de faire ça parce que c’est trop vulgaire. Il y a des musiques aujourd’hui, tu ne peux pas les écouter avec ta maman, dans la famille parce que tout est injure. Alors moi j’ai dit : quant à moi Ibro Diabaté j’y mets fin et je porte plainte contre quiconque touche mes morceaux, tu vas déclarer et tu vas payer la caution. Il faut que cela prenne fin. Ce n’est pas méchant, la plupart de ces gens-là, ce sont mes enfants mais le droit ne connaît pas l’enfant, la mère, le droit est absolu, c’est individuel.
Mediaguinee: Quand Ibro Diabaté va-t-il se reposer après des années sur scène ?
Ibro Diabaté: Bientôt, je dois aller à Paris pour tenir un grand concert au ZÉNITH, c’est la fête guinéenne aussi qui sera organisée à Paris. Mais après, d’ici à la fin de cette année, je dois fêter mes 30 ans de carrière. Et après ça, je dois ouvrir l’année avec un autre album, parce que cela fait très longtemps mais bon parfois j’étais malade il y a la concentration. Mais pas que ça. Moi je n’ai jamais fait des albums successifs. Quand je fais un album ça prend 5 ans, 6 ans 7 ans, des fois 10 ans, parce que je ne vais pas sortir un produit bizarre. C’est pourquoi je reste beaucoup concentré. Pour moi, quand je sors un album c’est pour une consommation de 50 ans, c’est ça je connais et c’est ça ma particularité. Mais c’est en Guinée, tu fais 2 ans, 3 ans tu ne chantes pas mais eux ils ne savent pas que tu tournés. Ils se disent est-ce que lui il peut chanter encore ? C’est les mots que tu entends en Guinée mais il faut concevoir. On ne répond pas aux fans c’est les actes qui parlent et tes mérites. J’ai beaucoup de projets à faire et tout va bien je suis en bonne santé.
Mamadou Yaya Barry
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