[Tribune] Pourquoi ne pas instaurer une journée dédiée à l’amour de la patrie en Guinée ?

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Au moment où notre chère patrie, la Guinée, fait face à des turpitudes politiques, économiques et sociales sans précédent, nous nous demandons quelles solutions « magiques » pourraient nous permettre de sortir définitivement de ces crises à répétition qui impactent négativement sur les performances de notre pays dans tous les domaines. Nous craignons, sans le dire, que notre beau pays ne soit voué à l’instabilité qui empêche le bon fonctionnement des institutions, depuis l’accession de la Guinée à l’indépendance en 1958.

Notre pays, la Guinée, a une richesse naturelle dont le ciel l’a dotée et qui saute aux yeux, mais elle n’est pas en même temps dotée des hommes capables de transformer cette richesse en une réalité pour le bien-être de l’écrasante majorité des Guinéens. C’est pourquoi d’ailleurs nous occupons la place peu enviable de l’un des pays les plus sous-développés de l’Afrique de l’Ouest. Ceux d’entre nous qui ont voyagé et qui ont vu les défis que les autres pays ont pu relever pour se faire une place au soleil, se demandent à quoi est dû ce mal guinéen, car oui, il y a bien un mal guinéen qui nous empêche de décoller à l’instar des autres pays. Malgré tout, notre passion pour le développement de notre pays n’a d’égale que la pauvreté affligeante dans laquelle croupissent la plupart des Guinéens.

Dans cette contribution, je voudrais traiter d’un sujet maintes fois abordé au point d’être galvaudé, l’amour de la patrie, le patriotisme, le patriote,  et j’en passe. C’est un joli mot que patriotisme, patriote ! Combien d’entre nous ne sautent-ils pas sur la moindre occasion de se proclamer fier d’être Guinéen. Le Guinéen a une fierté innée, disait Camara Laye dans L’enfant noir. Au-delà de cette fierté souvent mal placée, combien d’entre nous se soucient foncièrement de la destinée de la Guinée ? Ceux qui sont au pouvoir sont préoccupés surtout de garder leurs privilèges et d’amasser plus d’argent, tandis que  ceux qui s’opposent à eux veulent tout simplement prendre leur place dans une sorte de cercle vicieux qui n’est pas encore prêt de s’arrêter. En Guinée, nous avons l’habitude de chuchoter aux oreilles de ceux qui ont la chance d’occuper de hautes fonctions administratives, tels que ministres, directeurs généraux : « il ne faut pas oublier que tu occupes ce poste par un coup de chance, n’oublie pas que tu dois construire, finir ta villa, etc. ». Avec un tel message adressé à un nouveau promu fraîchement à un poste stratégique, nous participons indirectement au pillage des maigres ressources de l’Etat. Combien de fois faisons-nous l’apologie d’un fonctionnaire qui puise dans les caisses de l’Etat sous prétexte qu’il est béni, d’ailleurs des griots et autres pseudos chanteurs peu scrupuleux sont friands de chanter les louanges d’une telle personne.  Le mal guinéen est vaste, nous participons tous à sa perpétuation par nos mentalités qui valorisent le bien-être sans encourager la recherche noble de ce même bien-être ….C’est aussi ce mal guinéen qui nous empêche de développer des infrastructures routières, sanitaires, hospitalières, etc.

Nous Guinéens sommes fiers de notre pays, mais est-ce que nous l’aimons vraiment ? J’en doute fort ! Pour aimer quelque chose, il faut l’entretenir, en prendre soin et la valoriser par de nobles actions concrètes, dans le cas contraire, tout cela reste un slogan, et un slogan n’a jamais construit un pays ! En un mot, nous manquons de patriotisme réel. C’est pourquoi l’une des propositions que je voudrais faire ici est d’inculquer à chacun de nous l’amour réel de notre patrie, à travers la création d’une journée consacrée à l’amour de la patrie. L’ancien ministre de l’unité nationale et de la citoyenneté, monsieur Gassama Diaby, avait eu la finesse d’esprit de créer la Semaine nationale de la citoyenneté et de la paix (SENACIP). Ce fut une belle initiative de la part de Gassama, mais l’écho de l’événement était limité aux organisateurs, même si le président de la république en personne solennisait l’événement par sa présence physique, mais le citoyen lambda de se sentait pas concerné. Plus tard, l’intéressé prendra ses distances avec l’événement dont il avait été l’initiateur, en disant : « je ne voudrais pas que ma personne concentre l’attention plus que l’événement ».  Nous ne voulons ni une initiative semblable, ni un destin semblable.

La journée de l’amour de la patrie doit concerner toute la population. Nous n’inventons rien en la matière ; beaucoup de pays africains ont une journée dans le mois ou dans l’année, consacrée à la patrie. Cette journée  en Guinée sera une journée officielle où chaque citoyen se consacrera  à une activité particulière dans sa zone de résidence. Il pourra s’agir d’œuvres caritatives auprès des personnes démunies, de nettoyer son quartier, d’animer des conférences et des réunions sur le pays, des activités visant à mettre en valeur son secteur, son quartier, sa ville, bref la Guinée.

Pour finir, nous ne sommes pas naïfs ; la condition sine qua non d’une telle initiative est la stabilité politique dans notre pays. Pour la réussite d’une telle initiative, il faut un sursaut national par la bonne gouvernance, il faut une culture pour faire changer les mentalités, pour que chaque citoyen puisse espérer des lendemains meilleurs. Notre pays, la Guinée, a besoin de chacun. C’est le moment de changer en profondeur notre pays pour le bien de chacun de nous. Faisons en sorte de ne pas décevoir ce beau pays !

Thierno Youla Sylla

Chercheur à Paris III

Auteur de : L’Egypte au noir, les tribulations d’un Guinée au Caire (l’Harmattan 2019)

Co-auteur de : Les Survivantes, paroles de femmes guéries d’Ebola en Guinée (l’Harmattan 2020)

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