OSC guinéennes à l’examen périodique universel 2025: la COLTE/CDE révèle « un système pénitentiaire défaillant et une justice sélective »
Après leur dernière participation au mois de février à Genève, à l’examen périodique universel, une coalition qui réunit une trentaine d’organisations de la société civile guinéenne a animé une conférence de presse ce mardi 22 avril 2025, à la Maison de la Presse de Guinée, à une semaine de cette cérémonie annuelle à Genève. Les 6 représentants ont eu l’opportunité de présenter 6 thématiques avec une cinquantaine de recommandations notamment: les rapports alternatifs sur des thématiques droits des enfants, droits des femmes, mines, ressources naturelles, la santé, les droits économiques, sociaux, culturels, la justice transitionnelle, réparation, et puis les droits civils et politiques.
Selon les conférenciers, le contenu de ce rapport ne vient pas d’eux, il vient directement des personnes consultées sur le terrain. Une fois à Genève, ils ont pu rencontrer évidemment les missions permanentes des différents pays basés à Genève avec qui ils ont soumis ces rapports alternatifs et faire vraiment du plaidoyer pour que ces différentes recommandations par thématique soient reprises par ces Etats. Et de retour en Guinée, ils ont été reçus par Monsieur le Ministre de la Justice, donc nous avons soumis ces six rapports avec nos recommandations et normalement la délégation guinéenne part aujourd’hui à Genève pour évidemment aller participer à l’examen de la Guinée qui a lieu le 29 avril prochain.
Ci-dessous le contenu de la déclaration des organisations qui ont travaillé sur le quatrième cycle de l’examen périodique universel de la Guinée, d’avril 2025…
À l’occasion du quatrième cycle de l’examen périodique universel de la République de Guinée, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, les organisations de la société civile guinéenne apportent leurs recommandations afin de contribuer à l’amélioration de la situation des droits humains en République de Guinée. Dans l’esprit d’accompagner les autorités au passage de la Guinée à Genève le 29 avril prochain, la société civile a répertorié les avancées et les recommandations en souffrance depuis le dernier Examen Périodique Universel (EPU), il y a cinq ans. Elle reconnaît les efforts consentis dans plusieurs domaines, et notamment la tenue du procès du 28 septembre, l’adoption de trois lois sur le contenu local, l’aide juridictionnelle, et la loi fixant les règles de protection des victimes, des témoins et des autres personnes à risque.
Néanmoins, elle déplore que la situation générale des droits humains ait connu des détériorations majeures regrettables. Depuis 2021, la Guinée connaît une régression en matière de liberté publique. Les manifestations pacifiques sont systématiquement interdites, donnant lieu à une répression violente.
A ce jour, au moins 44 personnes ont perdu la vie entre juin 2022 et mars 2024, selon les organisations locales, les restrictions à la liberté d’expression et de la presse se sont multipliées, la fermeture de médias Fim FM, Espace et Djoma, arrestations de journalistes et disparitions forcées, comme celles d’Oumar Sylla, Mamadou Bilo Bah, ou encore du journaliste Habib Marouane
Camara, sans enquête crédible à ce jour
Les recommandations par rapport à ces thématiques sont les suivantes.
Lever l’interdiction générale de manifester ; mener des enquêtes indépendantes sur les violences policières ; restaurer les libertés de la presse et de manifester, et l’accès à l’Internet ; adopter une loi de protection des défenseurs des droits humains.
Mines
Dans le secteur minier, des consultations des communautés inefficaces, des expropriations sans compensation juste, un manque de transparence dans les négociations des contrats, la pollution et dégradation de l’environnement sans remise en état, sont à déplorer.
Les recommandations à ce niveau sont les suivantes.
Assurer des consultations inclusives et transparentes avec les communautés locales avant tout projet minier, en respectant les principes de consentement préalable, libre et éclairé.
Finaliser et mettre en œuvre le référentiel national sur l’indemnisation et la réinstallation des communautés affectées, en veillant à ce que les compensations soient justes et proportionnelles aux pertes subies.
Rendre publics les contrats miniers de manière compréhensible pour les communautés locales et la population en général, conformément aux normes de l’initiative pour la transparence dans les industries extractives Initiatives Transparence des Industries Extractives (ITIE) et aux articles 18 et 2017 du Code minier guinéen.
Des violences systématiques contre les femmes et les filles.
Les violences basées sur le genre atteignent des niveaux alarmants. Plus de 80% des femmes y sont exposées et seulement 1% des cas de viol sont signalés. La stigmatisation, l’absence de protection judiciaire et le manque de structures d’accueil aggravent leurs vulnérabilités. A cela s’ajoutent les mutilations génitales féminines et les mariages précoces. 46% des filles sont mariées avant 18 ans et 95% des femmes sont excisés.
Recommandations.
Créer un système de suivi judiciaire des VBG, garantir des soins gratuits aux survivantes, adopter une loi globale contre les violences faites aux femmes.
Un contexte encore trop défavorable aux droits à l’éducation et à la santé des enfants et des personnes vulnérables.
Les enfants guinéens, quant à eux, souffrent de l’accès limité à l’éducation, à la santé et à la protection contre les mariages forcés, MGF et violences.
Recommandation.
La récupération et la scolarisation des enfants en situation d’exploitation dans les rues, les marchés, les carrières, plantations et zones minières.
Poursuivre la construction des salles de classe, notamment dans les zones rurales. Poursuivre le recrutement et l’affectation des enseignants qualifiés, surtout dans les zones rurales. Moderniser l’état civil et garantir l’enregistrement gratuit des naissances.
Adapter les infrastructures aux personnes en situation de handicap.
Des droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux des populations à mieux prendre en considération.
La Guinée, l’un des pays africains les plus riches en ressources naturelles, devrait utiliser cette richesse pour garantir les droits sociaux et économiques de sa population. En adoptant des pratiques contraires aux principes de transparence et de gouvernance responsables, l’État prive la population des opportunités qu’offre une exploitation responsable et durable des ressources naturelles.
Recommandation.
Renforcer le suivi des lois environnementales, y compris le Code de l’environnement et le Code minier, en appliquant des sanctions plus strictes pour les contrevenants; Adopter et promulguer la loi relative à la prévention, détention et répression de la corruption et des infractions assimilées; Promouvoir des pratiques agricoles durables, intelligentes, tout en renforçant des initiatives d’adaptation aux changements climatiques.
Un système pénitentiaire défaillant et une justice sélective.
La situation dans les prisons est critique. Les établissements sont surpeuplés, insalubres et inadaptés à la prise en charge médicale des détenus. Des décès non élucidés, notamment en détention disciplinaire, ont été signalés.
Les principes de justice équitable et d’accès aux soins sont bafoués.
Recommandation.
Mettre en œuvre les règles de Nelson Mandela; réduire la surpopulation carcérale par des peines alternatives; Garantir l’accès à des soins médicaux adéquats. Appel à un sursaut politique.
En définitive
La société civile guinéenne appelle la communauté internationale et le Conseil des droits de l’homme à maintenir une vigilance accrue sur la situation en Guinée. Elle exhorte le gouvernement guinéen à honorer ses engagements vis-à-vis des populations et ses engagements internationaux en matière de droits humains et faire de l’examen périodique universel un véritable levier de changement et non une formalité diplomatique. Nous ne voulons pas de promesses sans lendemain. Nous voulons des actions concrètes pour bâtir une Guinée plus juste, plus équitable et plus humaine pour toutes et tous.
Mamadou Yaya Barry