Événements tragiques de 1985 : “Damaro a répiqué la cassette de Diarra Traoré” (Elhadj Sory Dioumessy)

Après la mort du président Ahmed Sékou Touré en 1984, un coup d’État sans effusion de sang porta le colonel Lansana Conté au pouvoir, à la tête du Comité militaire de redressement national (CMRN).

Le colonel Diarra Traoré était l’un des membres influents dudit comité. Il fut ensuite nommé Premier ministre par Lansana Conté, avant d’être limogé des mois plus tard en décembre 1984.

Mais le 4 juillet 1985, selon la version officielle, Diarra Traoré aurait tenté un coup d’État militaire contre Lansana Conté, alors que ce dernier était en déplacement à Lomé, au Togo. Il aurait tenté de mobiliser certains éléments des forces armées, mais manqua de soutien, tant militaire que populaire.

Informé à temps du complot, Lansana Conté (alors à Lomé) est revenu rapidement à Conakry et a rétabli la situation. Le coup d’État fut écrasé en quelques heures. Plusieurs dizaines de militaires furent arrêtés et exécutés. Diarra Traoré fut arrêté, torturé, présenté à la télévision nationale et sommairement exécuté dans les jours qui ont suivi.

Cependant, selon l’ancien policier et magistrat El Hadj Ibrahima Sory Dioumessy, président de l’Association des Victimes de la Répression (AVR), Diarra Traoré n’a jamais tenté de renverser Lansana Conté le 4 juillet 1985. Dans une interview accordée à nos confrères d’Evasion TV, il pointe plutôt du doigt l’ancien président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara.

« Le 4 juillet, on accuse la France à travers son ministre de la défense Charles Hernu. C’est Charles Hernu qui a envoyé les troupes françaises le 25 juin 1985. Les troupes ont débarqué et ont pris les points stratégiques de Conakry. Conté ne voulait pas aller à Lomé, ils l’ont poussé et il est parti. A 20h, c’est Damaro qui va mettre la cassette à la radio. Ce même Amadou Damaro Camara qui est en prison là. C’est lui qui prend la cassette de Diarra. Ils sont allés voir Diarra pour faire une déclaration de prise de pouvoir, Diarra s’exécute et ils vont avec la cassette. Mais entre-temps, Diarra se rend compte que le moment n’est pas indiqué. Diarra lui dit, amène moi la cassette. Il va repiquer la cassette et il vient remettre la cassette originale à Diarra. Il va à la radio et il va mettre ça là-bas. Diarra dit qu’il a pris le pouvoir le 04 juillet. Moi je l’ai attaqué partout, dans les discours. Et pendant ce temps, nous sommes en prison, les salaires sont bloqués, lui sa famille bénéficiait de son salaire. Nous, nous sommes radiés de la fonction publique. Lui est affecté de la Banque centrale au ministère de l’Economie et des finances à la dette extérieure. Les collègues sont morts, des innocents. »

Depuis ce jour, il nourrit une grande colère contre l’ancien président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, qui est poursuivi par la CRIEF pour détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux.

« Lui, en complicité avec Alpha Condé, il s’est fait élire président de l’Assemblée nationale. Ils sont devant la CRIEF, je leur souhaite bonne chance. », a déclaré Elhadj Sory Dioumessy.

Dans un passage de son livre « le coup d’Etat manqué du colonel Diarra Traoré, Guinée le 4 juillet 1985, Damaro parle », Amadou Damaro a une autre version de la tragédie de Juliet 1985.

Dans un pan de son ouvrage, l’honorable Damaro a décrit les sombres heures de leur passage en prison et de la disparition du colonel Diarra et ses compagnons: « C’est dans leur sommeil que le commando les a surpris aux environs de deux heures du matin, dans la nuit du 6 au 7 juillet 1985. Le colonel Diarra Traoré, Ben Salia Kouyaté et Dia Sory Diabaté furent conduits au bloc des 32 escaliers et jetés dans la cellule N°5. Entre 4 et 5 heures du matin, je fus extrait du bloc en compagnie des adjudants-chefs Mory Kourouma et Baladji Condé pour des interrogatoires sous les hangars d’entretien des véhicules militaires que la commission utilisait alternativement avec les bureaux mis à sa disposition. »

Ahmed Sékou Nabé