Décret/Les félicitations aux cadres nommés : tradition, culture ou exigence de résultats ? [Par Aboubacar Sakho]
Récemment nommé Directeur Général de l’Office Guinéen de Publicité, Aladji Cellou Camara a surpris l’opinion en déclarant qu’il ne mérite pas encore de félicitations, préférant que celles-ci soient conditionnées à ses réalisations. Cette déclaration, inhabituelle dans un contexte où les félicitations accompagnent souvent toute nomination, invite à une réflexion sur le sens et l’opportunité de cette pratique. Mon analyse ci-dessous
En Guinée comme dans de nombreux pays, les nominations à de hauts postes de responsabilité suscitent souvent une vague de félicitations, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les médias. Ce phénomène, bien qu’ancré dans les traditions culturelles, soulève des interrogations : est-il véritablement justifié de féliciter quelqu’un pour une responsabilité qu’il n’a pas encore exercée ou des résultats qu’il n’a pas encore obtenu ?
▪︎Une tradition culturelle.
Dans la culture guinéenne, féliciter un cadre nouvellement nommé s’inscrit dans une tradition de valorisation et de reconnaissance sociale. Ces messages symbolisent la joie partagée par les proches, les collaborateurs et parfois les communautés entières. Une nomination est perçue comme une consécration des compétences ou du mérite, mais aussi comme un honneur qui rejaillit sur les groupes d’appartenance du cadre concerné.
▪︎Un encouragement aux défis à venir.
Certains estiment que ces félicitations, bien qu’anticipées, servent de motivation pour les bénéficiaires. Elles traduisent une attente collective de résultats, une forme d’encouragement implicite à se montrer à la hauteur des responsabilités. Dans ce contexte, féliciter n’est pas simplement reconnaître, mais aussi rappeler que la fonction exige engagement, transparence et efficacité.
▪︎Les limites du phénomène.
Cependant, ces félicitations peuvent parfois sembler prématurées, voire superficielles. En effet, célébrer une nomination avant que des actions concrètes ayant été posées peuvent donner l’impression que l’essentiel réside dans l’accès au poste, et non dans l’impact des fonctions exercées. Cela peut également contribuer à une culture de l’impunité où les résultats passent au second plan face aux symboles.
Certaines critiques vont plus loin, dénonçant une instrumentalisation politique de ces félicitations, perçues comme un moyen pour certains de se positionner ou de gagner la faveur du nouveau responsable. Cette dynamique peut réduire l’essence de la fonction publique à un simple jeu de prestige, éloignant les acteurs des véritables enjeux de développement.
Faut-il féliciter ?
La question n’est pas de bannir les félicitations, mais d’en redéfinir le sens et le moment. Il est légitime de reconnaître la nomination comme une étape importante dans une carrière, mais il est tout aussi crucial de conditionner la célébration à la réalisation des objectifs assignés.
Les cadres nouvellement nommés devraient être davantage félicités pour leurs résultats et leur impact positif, plutôt que pour l’accession au poste en lui-même. En changeant cette dynamique, on pourrait renforcer la culture de responsabilité et d’excellence dans la gouvernance publique.
En définitive, féliciter est normal, mais il est encore plus important de rappeler aux nouveaux promus l’ampleur de la tâche qui les attend et l’importance de satisfaire les attentes des citoyens qu’ils sont appelés à servir.
Aboubacar SAKHO
Juriste-journaliste