Les transporteurs privés en Guinée, qui collaborent avec les sociétés minières, se heurtent à de nombreux obstacles. Malgré des investissements conséquents, souvent financés par des prêts bancaires pour l’achat de camions chinois de marques Howo ou Shacman, capables de transporter jusqu’à 50 tonnes de bauxite, leur rentabilité demeure précaire.
L’origine du problème réside dans les pratiques peu transparentes de ces sociétés minières, qui ont installé des ponts-bascules pour peser les camions sans la présence de représentants de l’État ou des transporteurs. Les chauffeurs ne sont même pas autorisés à quitter leur véhicule durant la pesée. En conséquence, la charge utile de 50 tonnes est presque toujours réduite à 40 ou même 39 tonnes sur les bons de pesée. Un bon de 53 ou 56 tonnes n’est délivré qu’une fois par semaine. Pire encore, certaines sociétés minières importent leurs propres camions d’Asie et offrent des garanties bancaires à des proches pour l’achat de ces véhicules. Cela renforce la concurrence déloyale à laquelle font face les transporteurs guinéens, réduisant ainsi leurs marges. Ce ne sont pas seulement les sociétés minières chinoises qui se livrent à de telles pratiques ; les sociétés indiennes, qui étaient plus régulières auparavant, ont emboîté le pas, sans doute encouragées par le laxisme du gouvernement. Une autre conséquence est qu’elles engagent des chauffeurs guinéens avec beaucoup plus d’avantages, n’étant pas victimes de mauvaises pesées. Cela pousse certains chauffeurs guinéens à quitter les transporteurs privés après 3 ou 4 mois pour aller se faire embaucher par ces nouveaux concurrents déloyaux. Avec un tarif au kilomètre déjà très bas et un tonnage régulièrement amputé lors des pesées, de nombreux transporteurs nationaux se retrouvent en faillite, incapables de rembourser les crédits contractés pour l’acquisition de leurs camions.
Par ailleurs, la banque impose aux transporteurs le paiement mensuel d’un certain montant, tandis que les sociétés minières règlent les transporteurs selon leur convenance, parfois après 3 ou même 4 mois. Pendant ce temps, les propriétaires de véhicules subissent le harcèlement des chauffeurs ainsi que celui des fournisseurs de pièces de rechange et autres pneus. Pourtant, tous les contrats stipulent clairement que le transporteur doit être payé dans les 15 jours suivant le dépôt de la facture.
Pour l’heure, le gouvernement guinéen demeure silencieux face à cette situation préjudiciable pour l’entrepreneuriat local. Pendant ce temps, les sociétés minières continuent d’agir à leur convenance, au détriment des transporteurs guinéens, dont la faillite entraîne des pertes d’emplois dans ce secteur. Ces transporteurs, souvent des acteurs économiques locaux, jouent un rôle crucial dans la subsistance de nombreuses familles. Sans une intervention rapide et des mesures de régulation, c’est tout un écosystème économique qui risque de s’effondrer, entraînant des conséquences désastreuses pour l’entrepreneuriat local et une frange importante de la population guinéenne. Une sombre perspective que les autorités concernées pourraient, espérons-le, inverser.
Lors de sa prise de fonctions le 15 mars 2024, l’actuel ministre avait appelé à une « union sacrée » et un « engagement commun » de tous les acteurs pour atteindre l’objectif d’un développement harmonieux et équitable du secteur minier.
Bouna Sylla, considéré comme un fin connaisseur du domaine minier, a occupé plusieurs postes clés dans le secteur avant sa nomination. Son discours rassurant et ses ambitions pour le secteur minier laissent encore espérer une amélioration de la situation.
Abdou Sy
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