Droit de réponse à Sayon MARA qui avait écrit à Mediaguinee.com le 31 mai 2024 : Quel sens « donné » au recours administratif de l’AVCB contre le décret de rebaptisation de l’aéroport international Conakry-Gbessia ?

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Le 31 mai 2024 le juriste Sayon MARA a écrit un article sur le média www.mediaguinee.com dont le contenu ne répond en aucune manière au titre dudit article : « Quel sens donné au recours administratif de l’VCB contre le décret de rebaptisation de l’aéroport international Conakry-Gbessia ? ».

M MARA affirme que la majorité écrasante de la population guinéenne soutiendrait cette rebaptisation de l’aéroport, et qu’aucune disposition légale n’interdisant au Président de la Transition de poser un tel acte, il se demande quel mal il y aurait à ce que l’aéroport porte le nom du premier Président de la République de Guinée ; celui que l’AVCB surnomme le criminel. Il est reconnu comme tel en Guinée et sur la scène internationale. Et même s’il s’agit aussi d’un criminel qui aurait posé des actes positifs pour la Guinée, notamment en ayant été amené à dire « NON » à la communauté franco africaine en 1958, ouvrant la voie à l’indépendance de la Guinée, il demeure un criminel.

Notre jeune juriste, ainsi qu’un grand nombre de jeunes guinéens, ignorent l’histoire de ce pays qu’on veut leur cacher à travers une série de mensonges d’Etat qui n’ont pu résistercependant à l’ouverture des innombrables camps de torture en avril 1984 et à la découverte de l’ampleur des destructions causées par un système de gouvernement conçu, encadré et dirigé par un homme : le premier Président de la Républiquede Guinée.

En premier lieu, le premier Président avait fini par se faire appeler Responsable Suprême de la Révolution tant il concentrait et abusait de tous les pouvoirs accumulés au fil des années. Nous souffrons encore aujourd’hui de ses abus et de son autoritarisme qu’il a légué comme héritage aux régimes qui se sont succédé après lui. Ceci explique que tous ont endeuillé les guinéens.

Dans un Etat de droit, les actes du Président de la Républiquesont susceptibles d’être contestés devant les tribunaux : c’est la loi. M. MARA le juriste devrait le savoir. C’est pour cette raison que le Président Barack Obama disait que l’Afrique avait besoin d’institutions fortes plutôt que d’hommes forts. On a vu comment « notre homme fort » a détruit la perle de l’Afrique francophone (nom donné à la Guinée en 1958 avantle passage du premier Président).

Ensuite, faut-il rappeler que l’actuel Président de la Transition a conquis le pouvoir par la force des armes, et non des urnes ; lui-même ayant indiqué à plusieurs reprises la nature transitoire de son Pouvoir. Dès lors, a-t-il les Pouvoirs de poser un acte aussi lourd dans l’histoire du pays?

Dans d’autres pays, des régimes autoritaires, des régimes de partis uniques de l’époque ont éliminé leurs opposants, leurs adversaires politiques mais en Guinée, le premier Président a purement et simplement éliminé les cadres, les enseignants, les médecins et autres intellectuels, les riches entrepreneurs (voir comment il a détruit la ville de Kankan), instauré un système de terreur qui a ensanglanté tout le pays. Personne ne fut épargné. Peut-on, par un simple décret, et de manière unilatérale, réhabiliter un tel bourreau et tourner ces pages sombres du pays sans les avoir lues, au risque de revivre les mêmes crimes ? Aujourd’hui, nous savons en outre que les plus proches collaborateurs et parents du premier Président (Ismaël Touré, Damantang Camara, Abdoulaye Touré, Karim Keira, Mamady Keita, Général Lansana Diané) ont confirméle rôle central du premier Président dans tous les massacres et la faillite du système du Parti Unique. Leurs aveux sont disponibles pour tous : https://www.camp-boiro.org/bourreaux-page

NON, l’AVCB qui a été à l’avant-garde de ce combat, pense que NON.

NON, le nom du premier Président de la République ne peut et ne doit figurer sur un édifice public tant que la Nation n’est pas réconciliée avec son Etat, auteur des violences massives contre sa propre population. Et cela passe par la réalisation d’un certain nombre de revendications, notamment :

1- a) L’ouverture des archives publiques pour comprendre comment de tels actes de barbarie ont pu se produire avant 84 et s’institutionnaliser jusqu’à ce jour ;

1-b) L’adoption d’une loi pour criminalisation de ces pratiques de violation des droits humains pour protéger les guinéens d’aujourd’hui et de demain et l’adoption d’une loi plus restrictive et contraignante pour contrer les idéologues tous bords; loi qui condamnerait « l’apologie du crime et du criminel » ;

2-La restitution des charniers et l’exhumation des corps aussi bien ceux d’avant 84 que ceux de 85 afin de permettre aux familles de faire leur deuil ; l’exhumation avec l’aide de pays tiers (Colombie par ex) et des Nations Unies, qui ont la technicité et le budget. Le Pr Alpha Condé, par le biais de son PM Kassory Fofana, avait écrit à l’AVCB pour indiquer qu’il avait saisi les Nations Unies à cet effet. Il faut savoir que l’AVCB et l’ONG « Site of Conscience » ont déjà identifié et cartographié 14 charniers. Et comme le régime a exhumé le Colonel Kaman Diaby, 55 ans après son exécution par le premier Président, cela indique clairement qu’ils savent où les victimes sont ensevelies. Par ailleurs, la cité ministérielle a été reconstruite et on y a apposé des plaques commémoratives pour les victimes aussi bien que pour les bourreaux. A quoi sert-il de faire des plaques pour des victimes qui ont fait l’histoire du pays et qui gisent encore dans des charniers, alors que rien n’est engagé pour la réconciliation nationale ?

3- La réhabilitation en des formes officielles et irréversibles des victimes des différentes violations des droits de l’homme en Guinée DEPUIS 1958 ;

4- La restitution des biens immobiliers spoliés avant 1984 et non encore restitués (ceux visés par l’ordonnance de 1985 comme ceux non mentionnés dans l’ordonnance et connus)

5-La transformation du Camp Boiro, de la Prison Centrale de Kindia et des 32 marches du Camp Alpha Yaya en musées nationaux

6-L’enseignement d’une histoire consensuelle de la Guinée dans les écoles et universités de Guinée pour faciliter la réconciliation nationale

Et ça, c’est le rôle de la Transition de procéder à la réconciliation des guinéens avec leur Etat.

Enfin, rebaptiser l’aéroport au nom du premier Président de la République de la Guinée reviendrait solennellement à affirmer à la face du monde qu’en Guinée, on peut torturer, pendre les gens, les enterrer vivants, exécuter des milliers de gens, complètement détruire l’enseignement et l’économie du pays et être honoré par quelques personnes qui peuvent imposer leurs choix par les armes, un peu comme le Premier Président l’a fait pendant 26 ans (l’héritage, toujours l’héritage). Avec une telle incitation, tout porte à croire que de futurs apprentis dictateurs s’en inspireront : pauvre Guinée !

OUI M. MARA, l’AVCB dit tout haut ce que toute la population pense tout bas. Nous représentons cette majorité silencieuse. D’ailleurs, depuis 1984 aucun Parti se réclamant du premier Président de la Guinée n’a pu recueillir plus de 1% des voix aux différentes élections.

Si nous attaquons la décision du Président de Transitiondevant la justice, c’est parce que nous sommes en droit de le faire. En effet, il faut rappeler à tous les soutiens du premier Président, qu’à supposer qu’il n’y ait pas de loi nationale interdisant au Président de la Transition de rebaptiser l’aéroport, la morale et l’empathie commandaient de ne pas poser un tel acte à ce stade de la vie de la nation.  Au-delà de cela, il y a lieu d’indiquer que la constitution de 1958 a reconduit toutes les lois et règlements français non contraires à la souveraineté nationale. Il en découle que pour éviter un vide juridique, les lois françaises antérieures au 02 octobre 1958 sur le baptême des édifices publics continuent donc d’être applicables en République de Guinée car le même dispositif a été reconduit par toutes les constitutions depuis 1958.

Les guinéens fondent aujourd’hui, à travers cette initiative de l’AVCB, un grand espoir à ce que la justice et la morale se conjuguent au présent en Guinée.

AVCB

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