Près de 2 ans après le démarrage du procès des évènements du 28 septembre 2009, qui a endeuillé plusieurs centaines de familles, et fait de nombreuses victimes directes et indirectes, le tribunal de Dixinn délocalisé dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Conakry a été à plusieurs fois obligé de renvoyer les audiences. Et le dernier renvoi en date du mardi 2 avril 2024 a suscité beaucoup d’interrogation chez le président du tribunal Ibrahima Sory 2 Tounkara qui a constaté l’absence des avocats de la défense, excepté Me Abou Camara. Cette absence n’a pas été également du goût des prévenus détenus à la maison centrale de Conakry depuis plus de 16 ans pour le plus ancien.
Après avoir écouté tous les prévenus, le président du tribunal était dans l’obligation de renvoyer la prochaine audience au 08 avril prochain puisqu’ils ne peuvent être jugés sans la présence de leurs avocats. « Vous avez demandé une doléance, vous voulez parler à vos conseils, de toutes façons vous ne pouvez pas être jugés sans la présence des conseils à côté de vous parce que la loi veut que vous ayez quelqu’un à côté de vous pour vous rassurer au moins. C’est pourquoi la loi va jusqu’à dire de façon exceptionnelle article 385 que vous pouvez même vous faire assister par un ami tellement que la loi ne veut pas que vous soyez jugé seul en matière criminelle. Ça nous fait un an six mois, on n’est pas en train de calculer, un procès pénal prendra le temps que ça prendra. Nous, on n’est pas pressé l’essentiel c’est la décision. On n’est pas pressé tant qu’on est en train de faire notre travail mais il ne faut pas que des mesures dilatoires nous retardent inutilement, il ne faut pas qu’on retarde inutilement alors qu’on pouvait mettre ce temps à profit pour pouvoir faire quelques chose. Il faut à un certain moment qu’on arrête de faire certaines choses. Le tribunal vous permettra de discuter avec vos conseils, on souhaite que vous compreniez avec vos conseils mais si vous ne vous compreniez pas avec vos conseils, le tribunal sera obligé d’en commettre ou de demander la commission des avocats parce qu’aujourd’hui on ne sait pas pourquoi vos conseils ne sont pas là. Ils ont fait un recours devant la cour d’appel, la cour s’est prononcée, elle a même demandé la continuation des débats. Les débats devaient vraiment reprendre aujourd’hui », regrette Ibrahima Sory 2 Tounkara.
La seule question qui revient dans la bouche de toutes les parties qui ont répondu favorablement présent ce mardi c’est pourquoi les avocats de la défense n’ont-ils pas répondu présent ? « On ne sait pas ce que le tribunal a fait aujourd’hui pour que vos avocats puissent bouder la salle d’audience, on ne le sait pas parce que personne n’est là pour nous dire, le seul conseil qui est là il ne l’a pas dit… Lui-même il a dit que les autres ont décidé de bouder, de bouder pourquoi? Pendant ce temps, vous, vous êtes là, vous voulez savoir le sort qui vous est réservé, vous êtes plus pressé que n’importe qui de le savoir aujourd’hui. Vous êtes plus pressé que le tribunal même de le savoir et des parties civiles qui sont là qui ont attendu pendant longtemps pour que ce procès ait lieu. Ce procès est là aujourd’hui et pour des raisons qu’on ne connaît même pas, on est bloqué. On fait ça pourquoi? », se demande-t-il.
Par ailleurs, le président du tribunal a laissé entendre qu’à ce stade de la procédure le tribunal n’est pas en mesure de dire qui sera condamné ou relaxé, donc il faut que les avocats l’acceptent, le tribunal n’est adversaire de personne, dit-il. « On le fait beaucoup plus parce qu’on nous a confié un travail et nous savons qu’au-delà de ça il y a des pères de familles qui sont quelque part en prison qui doivent connaître le sort qui leur est réservé. Aujourd’hui personne ne sait, personne ne peut dire que X sera ou ne sera pas relaxé. C’est à la fin du procès qu’on peut le savoir. Il faut que tout le monde franchement s’y mette. Vous avez parlé et le tribunal vous a entendu et le tribunal est vraiment sensible à tous ce que vous venez dire. Il faut que vos conseils l’acceptent, le tribunal n’est adversaire de personne, le tribunal reste arbitre et reste juge, il faut que toutes les parties comprennent cela. Quand vous dites qu’on est patient, ce n’est parce qu’on est patient on est en train de faire notre travail. Quand on est arbitre, on va essuyer des fois des coups. L’arbitre ne se fâche pas, il ne s’énerve pas sinon il fera un mauvais arbitrage. Donc c’est pourquoi il y a certaines choses qui se disent, nous sommes des humains mais on se considère comme étant des juges… »
Mamadou Yaya Barry