Plus de 110 civils sont retenus depuis six jours par des « jihadistes » présumés dans le centre du Mali, pays sahélien plongé dans une grave crise sécuritaire, ont affirmé des sources locales à l’AFP lundi.
Ces civils ont été arrêtés le 16 avril à bord de trois bus par des « jihadistes » qui ont contraint les véhicules et leurs passagers à prendre la direction d’une forêt entre les localités de Bandiagara et de Bankass (centre), selon un groupement d’associations de cette région qui réclame leur libération et un élu local.
« Nous réclamons la libération de plus de 110 passagers de trois bus enlevés mardi par des jihadistes », a déclaré lundi à l’AFP, Oumar Ongoïba, membre de ce groupement.
« Les trois bus et les passagers sont toujours entre les mains des jihadistes », a affirmé lundi à l’AFP un élu de Bandiagara qui souhaite conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité et estime le nombre de passagers retenus à « plus de 120 ». Des rumeurs faisant état de la libération par l’armée malienne de ces civils retenus avaient circulé dans la foulée de cet enlèvement.
« Persistance des attaques »
Le 19 avril, le même groupement d’associations de Bandiagara avait publié un communiqué dénonçant la « persistance des attaques terroristes », le « nombre croissant de déplacés » dans les agglomérations, et « l’inaction des forces armées » dans la région.
En août 2023, une manifestation contre l’insécurité à Bandiagara avait dégénéré et fait plusieurs blessés, après des attaques jihadistes dans la région. Le Mali est en proie depuis 2012 aux agissements des groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique, aux violences des groupes proclamés d’autodéfense et au banditisme. La crise sécuritaire se double d’une crise humanitaire et politique profonde.
Les violences se sont propagées au Burkina Faso et au Niger voisins, et précipité l’arrivée au pouvoir de régimes militaires par des coups d’Etat dans ces trois pays. Mali, Burkina Faso et Niger ont rompu la vieille alliance avec l’ancienne puissance dominante française pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie, ont formé en novembre l’Alliance des Etats du Sahel (AES), et annoncé leur retrait de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao).
Les militaires au pouvoir depuis 2020 au Mali avaient promis d’organiser une élection présidentielle en février pour céder la place à un régime civil. Mais le Premier ministre malien nommé par les militaires, Choguel Kokalla Maïga, a déclaré en avril que la junte n’organisera des élections en vue d’un retour des civils au pouvoir qu’une fois le pays définitivement stabilisé.
Selon des sources sécuritaires et des rapports humanitaires consultés par l’AFP, les violences ont augmenté dans le centre du Mali au dernier trimestre de l’année 2023, et les opérations militaires y ont connu une nette intensification pendant cette période.
Malgré ces opérations, les groupes armés poursuivent leurs attaques dans le centre et dans le sud du pays, jusque dans les environs de la capitale Bamako. En mars, l’armée malienne avait annoncé avoir repoussé trois attaques « terroristes » ayant visé un poste de douane à une centaine de kilomètres de Bamako et deux camps de l’armée dans le sud du pays.
« Vide institutionnel »
Les éléments fournis par les uns et les autres sont difficilement vérifiables dans ces zones reculées. L’accès à des sources indépendantes est rare dans un contexte d’hostilités, et l’armée malienne ne communique pratiquement que sur ses succès. Le régime a largement fait taire opposants, journalistes et défenseurs des droits humains, nombreux à avoir été condamnés, inquiétés ou conduits à l’exil.
Le 31 mars, quelques jours après la date initialement prévue pour un départ des militaires, certains des principaux partis et organisations de la société civile se sont émus dans une rare déclaration commune d’un « vide juridique et institutionnel », et ont réclamé des élections « dans les meilleurs délais ». Quelques jours plus tard, le régime a suspendu les activités des partis politiques, et déclaré s’en remettre aux conclusions d’un dialogue national lancé en décembre par le leader de la junte, le colonel Assimi Goïta.
AFP