Répression contre l’obscénité dans l’espace public guinéen, du deux poids, deux mesures ? [Sayon Mara]
Depuis quelques jours, les individus malintentionnés prennent un malin plaisir à porter atteinte à la pudeur publique et à la dignité humaine par le biais du système informatique. En raison du choc éprouvé par l‘opinion publique, des institutions et organisations ont engagé la bataille contre la circulation des vidéos et audios choquants et inappropriés qui polluent actuellement les réseaux sociaux en République de Guinée. Mais très malheureusement, dans cette bataille, les institutions et organisations s’attaquent le plus souvent à un seul des maillons de la chaîne de ces pratiques malsaines, à savoir la diffusion de vidéos et audios obscènes et l’auteur de cette pratique empestée. Alors que dans la loi en vigueur en la matière, outre la diffusion d’images et audios obscènes sur la toile, la chaine s’étend sur deux autres maillons à savoir, la production et la mise à disposition d’autrui des vidéos et audios obscènes ainsi que leurs auteurs.
En effet, au regard des dispositions des articles 31 et 32 de la Loi relative à la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel en République de Guinée, la production, la diffusion et la mise à disposition d’autrui d’images et audios obscènes attentatoires à la pudeur publique et à la dignité humaine, sont réprimées de la même manière.
Aux termes des dispositions de l’article 31 de la Loi susvisée : « Quiconque procède à la production, la diffusion, la mise à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit, et sera puni par la loi. » Les dispositions de l’article 32 de cette même Loi disposent que : « Quiconque produit, diffuse ou met à disposition d’autrui des données de nature à troubler l’ordre ou la sécurité publics ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit et serra puni d’un emprisonnement de six (6) mois à cinq (5) ans et d’une amende de 200. 000. 000 à 300.000.000 de francs guinéens.
Cette peine pourra être aggravée en fonction de l’ampleur de l’infraction et du préjudice causé.
Toute personne complice pour la commission de cette infraction, sera punie des mêmes peines. »
Il est nécessaire aujourd’hui, pour mieux comprendre l’esprit des dispositions susvisées, de se pencher sur les définitions des termes production, diffusion et mise à disposition d’autrui des vidéos et audios obscènes.
La production, c’est la conception et la réalisation de vidéos et audios obscènes. La diffusion, quant-à-elle, c’est le fait de rendre disponible ou de diffuser des vidéos ou audios obscènes par le biais d’un système information ou par quelque moyen que ce soit, de les importer ou de les exporter, de les faire importer ou de les faire exporter.
La mise à disposition d’autrui, elle, c’est le fait de transmettre directement ou indirectement des vidéos et audios obscènes à une personne.
Si les institutions ou organisations veulent efficacement lutter contre ce séisme dans l’environnement du numérique se propageant à la vitesse de croisière dans les smartphones dans un silence inquisitoire ou secret actuellement, il faut faire appliquer, dans toute leur rigueur et leur esprit, les dispositions des articles 31 et 32 de la Loi relative à la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel en République de Guinée. Ces dispositions, une fois encore, ne font aucune différenciation entre les personnes qui prennent un malin plaisir de porter atteinte à la pudeur publique et à la dignité humaine par le biais d’un système informatique.
Quel que soit le statut ou le rang social d’une personne qui produit, diffuse ou met à disposition d’autrui des vidéos et audios obscènes, elle doit être traitée conformement aux dispositions susvisées de la Loi relative à la cybersécurité. Celui qui filme, donc qui produit des images ou audios obscènes, même pour un usage personnel, est autant responsable que celui qui les diffuse ou les met à disposition d’autrui. Même s’il est haut commis ou ancien haut commis de l’Etat, cette position ne devrait en aucune manière être une échappatoire pour lui. Il doit subir la rigueur de la loi, au même titre qu’un citoyen lambda qui se livrerait à la même pratique indécente et immorale.
Du reste, la lutte pour la protection de l’espace public guinéen de l’obscénité, si elle se veut efficace et juste, doit respecter le caractère impersonnel et obligatoire des dispositions susvisées de la loi sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel. A défaut, elle devient non seulement inefficace, mais aussi sélective.
Sayon MARA, Juriste