Effondrement du droit international humanitaire dans le conflit israélo-palestinien [Youssouf Sylla]

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Codifiées en grande partie à travers les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977, les règles du droit international humanitaire (droit de la guerre), sont acceptées par l’écrasante majorité des Etats, grâce, notamment à l’action diplomatique décisive d’une ONG Suisse de renommée internationale, le Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Outre l’assistance qu’il porte, en toute impartialité, aux victimes des conflits armés internationaux et non internationaux, le CICR a reçu de la communauté internationale, le mandat de travailler au développement et à la diffusion du droit international humanitaire dans le monde. Bien avant ces dates marquantes, il y a eu dans le passé, d’importants autres textes et règles coutumières qui réglementaient les moyens et les méthodes de guerre. Tel qu’il existe aujourd’hui, le droit international humanitaire est le fruit d’un patient effort d’humanisation de la guerre et de réduction, faute d’avoir pu l’interdire, de ses effets nocifs sur les populations et les infrastructures civiles. Mais aussi sur l’environnement naturel.

L’engouement des Etats après 1945, d’accélérer la codification du droit humanitaire trouve sa grande source dans les leçons tirées des affres de la deuxième guerre mondiale (situation dramatique des prisonniers de guerre, déportation et exposition des populations civiles aux attaques militaires, extermination de 6 millions de juifs par les nazis, etc.), des guerres de libération nationale, et des conflits armés non internationaux, autrement appelés guerres civiles.

La codification du droit international humanitaire s’est également poursuivie à travers la mise en place d’un tribunal international permanent (la Cour pénale internationale), chargée de juger les auteurs des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, du crime de génocide et d’agression. Même si le Statut de Rome qui institue la Cour pénale internationale (CPI) est non ratifié par certaines puissances militaires de ce monde qui n’entendent livrer leurs ressortissants à cette cour (les Etats-Unis d’Amérique, la Russie, l’Israël, etc.), et reste perçu par un grand nombre, en particulier dans le Sud Global, comme orienté vers les dirigeants civils et militaires des pays en développement, il n’en demeure pas moins que d’un point de vue symbolique, l’avènement de la CPI  est une avancée notable de l’humanité dans la lutte contre l’impunité. A chaque étape de son développement, le droit international humanitaire, que ce soit dans les conflits armés internationaux ou non internationaux, s’est attaché à distinguer sur le théâtre des conflits, les objectifs civils des objectifs militaires (il n’autorise les attaques que contre ces derniers), et à promouvoir en toutes circonstances, le principe de proportionnalité dans la conduite des hostilités.

Dans le contexte de la guerre asymétrique qui oppose l’Israël au Hamas, depuis l’attaque sanglante perpétrée le 7 octobre 2023 par les combattants de ce dernier contre les civils israéliens, et la prise en otage d’un certain nombre parmi eux, force est de constater que les règles du droit humanitaire qui interdisent de s’en prendre aux civils et d’infliger des maux superflus, sans nécessité militaire, à un adversaire sont largement bafoués.

La riposte israélienne à l’attaque du groupe Hamas dans la bande de Gaza, par sa férocité, n’y échappe pas non plus à son tour. En prenant les hôpitaux pour cible au motif que les combattants du groupe Hamas s’y cachent, en menant des attaques indiscriminées qui font un grand nombre de victimes (morts et blessés) parmi les populations civiles, en affamant celles-ci, en les privant d’électricité, d’eau, et de divers moyens de subsistance, de manière à les chasser de leur habitation (ce qu’est une déportation des populations), on constate que la riposte israélienne s’inscrit dans l’application à la lettre de la doctrine « Dahiya ». Il s’agit d’une doctrine stratégique développée par l’armée israélienne (Tsahal) en 2006 au Liban au cours de l’attaque d’un village qui abritait les combattants du groupe Hezbollah. Dans ses opérations sur ce village, l’aviation israélienne avait alors infligé à l’ennemi d’incommensurables pertes en ne distinguant pas les objectifs civils des objectifs militaires. Même si les officiels israéliens s’en défendent aujourd’hui, l’ampleur de la riposte de l’armée israélienne dans la bande de Gaza fait penser à une nouvelle expérimentation de cette doctrine, qui augure l’ère des guerres aveugles.

En effet, le droit naturel et légitime qu’un Etat tire de l’article 51 de la Charte des Nations Unies de se défendre lorsqu’il est attaqué par un acteur extérieur, est certes un droit incontestable. Mais il n’est pas absolu. Toute opération militaire menée dans le cadre de la légitime défense doit être conforme au droit international humanitaire. Elle doit, entre autres, être proportionnelle à l’attaque subie, et épargner ceux qui ne font pas la guerre (les civils) ou ne le font plus (les combattants capturés et malades qui ne sont plus actifs). Toutefois, la signification exacte du concept de légitime défense reste controversée en droit international, lorsqu’on sait que dans la pratique, certains Etats l’interprètent de manière assez extensive, en intégrant dans son périmètre, la notion de légitime défense préventive. Ce fut le cas par exemple des États-Unis dans la guerre qu’ils menaient contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001.

Quelque soit les positions des uns et des autres sur le conflit israélo-palestinien, on ne peut occulter le fait qu’il se situe dans le contexte d’une guerre de décolonisation et de libération nationale du peuple palestinien. Privés depuis plus de 70 ans de leur droit légitime à l’autodétermination et à la constitution d’un Etat souverain sur leurs terres par l’Israël, les palestiniens font partie de ces rares peuples colonisés de nos jours. La seule issue possible à ce conflit permanent est le respect des résolutions des Nations Unies qui autorisent la création d’un Etat palestinien et la sauvegarde de la sécurité d’Israël.

Youssouf SYLLA, analyste 

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