La justice ivoirienne a suspendu à la dernière minute le congrès du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), principale formation d’opposition du pays, au pouvoir de 1960 à 1999, qui devait élire son nouveau chef samedi.
La justice a ordonné « la suspension et le report du congrès du PDCI dont la tenue est prévue pour le samedi 16 décembre 2023 », selon une ordonnance du juge des référés du tribunal d’Abidjan, datée de vendredi et consultée par l’AFP.
L’ancien dirigeant du parti, Henri Konan Bédié, président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999, est mort en août à 89 ans et n’excluait pas de se présenter à la prochaine présidentielle en 2025.
Le juge a déclaré recevable la plainte de deux militants qui dénonçaient des irrégularités sur la liste des congressistes appelés à choisir samedi entre le banquier ivoiro-français Tidjane Thiam et le maire de la commune abidjanaise de Cocody, Jean-Marc Yacé, pour diriger le PDCI.
La décision pointe également des risques de « trouble à l’ordre public » pour justifier le report du congrès.
« Le PDCI exprime sa grande indignation et condamne avec la dernière énergie ces pratiques d’un autre temps qui portent atteinte à la démocratie et aux libertés », a déclaré le porte-parole du parti, Soumaïla Bredoumy samedi après-midi, appelant les militants « à ne pas céder à la provocation ».
Cordon policier
Un important cordon policier avait déployé samedi matin devant le quartier général du parti, à Abidjan, empêchant des dizaines de congressistes venus de tout le pays d’entrer. Des policiers étaient également déployés autour de l’hôtel Ivoire où tout avait été préparé pour accueillir le congrès.
Devant le QG, les deux candidats ont tour à tour appelé dans la matinée les militants à rester calmes.
Un message entendu par les militants qui, massés derrière le cordon policier déploraient toutefois cette annulation de dernière minute du congrès.
« On est venus pour faire vivre notre parti. On n’a plus le droit de choisir notre propre président? C’est incompréhensible » regrettait Ramata Gnamien.
« Deux militants font bloquer l’élection d’un parti politique. Nous sommes dans le désarroi, nous sommes dehors, dans la rue en face de notre propre maison et on ne peut pas rentrer », ajoute, amère, Marie-Lise N’Zi, venue de Dimbokro, dans le centre du pays.
Opacité
Cette semaine, plusieurs cadres du PDCI comme Jean-Louis Billon ou Thierry Tanoh avaient critiqué l’opacité du processus électoral.
Un troisième candidat, Maurice Kacou Guikahue, avait, lui, annoncé en début de semaine son retrait, déplorant aussi un manque de transparence.
Avec ce congrès, le PDCI espérait rajeunir son image en élisant un président sexagénaire –Tidjane Thiam et Jean-Marc Yacé ont respectivement 61 et 62 ans– ce qui est considéré comme jeune pour exercer de hautes fonctions politiques en Côte d’Ivoire.
Fort du soutien d’une cinquantaine de députés sur les 63 que compte le parti à l’Assemblée nationale (255 sièges), M. Thiam, ancien directeur général du Credit Suisse, fait figure de favori pour devenir le nouveau chef de l’opposition et préparer 2025.
« On peut changer la formule, on peut changer la date, je serai candidat », a martelé M. Thiam samedi.
L’ancien parti unique, celui du père de l’indépendance Félix Houphouët Boigny, n’a plus accédé à la magistrature suprême depuis 1999. Un coup d’Etat avait alors chassé Henri Konan Bédié du pouvoir.
Un temps allié avec Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, le PDCI a repris sa place dans l’opposition en 2018 et a boycotté la dernière présidentielle.
« Il faut qu’il y ait le moins de casse possible. Au sortir des élections nous devons être unis pour se positionner pour 2025. Nous sommes à la croisée des chemins », espérait un cadre du parti, avant le report.
AFP