Quatrième pays ouest-africain à déloger un président démocratiquement élu de son palais, le Niger fait actuellement parler de lui. D’abord par la CEDEAO qui lui a infligé de lourdes sanctions, mais aussi des acteurs sociopolitiques politiques qui apprécient diversement le putsch.
Interrogé mardi par notre rédaction, l’opposant et ancien ministre guinéen de la réconciliation nationale a émis des doutes quant à l’avenir de la démocratie dans la sous-région. Au cours de cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, l’occasion a été mise à profit pour jeter un regard sur la dernière actualité au Sénégal, mais aussi les communiqués signés des autorités du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée. Lisez !
Mediaguinee.com : Cité comme l’un des pays africains les mieux avancés en matière démocratique, le Sénégal connaît actuellement un recul avec des troubles d’une rare violence. Comment analysez-vous cette actualité, notamment le front ouvert par l’opposant Ousmane Sonko ?
Bah Oury : J’avoue que je suis désolé. Je préfère ne pas commenter tout ce qui est l’actualité concernant la politique extérieure de chacun de nos États voisins, pour la simple raison que tout ce qu’on pourra dire peut avoir des impacts sur la sécurité de nos compatriotes qui y vivent. Par rapport à tout cela, je demande plutôt à tous les Guinéens qui sont actuellement dans ces pays où la situation politique est en ébullition, de faire preuve de retenue, de ne pas s’impliquer de près ou de loin dans ces genres de conflits, notamment en Tunisie, avec les migrants qui sont pris comme boucs émissaires face à la situation de la politique interne de ce pays. Alors pour éviter tout cela, je réitère mon appel à tous les compatriotes guinéens, partout où ils sont, d’adopter un profil bas.
Mediaguinee.com : Le Niger fait la une des journaux avec le putsch du 26 juillet qui a renversé le Président Mohamed Bazoum. Votre lecture de ce coup de force dans l’espace CEDEAO…
Bah Oury : Moi je considère que la situation qui prévaut par rapport à ce qui est intervenu suite à des raisons personnelles est inadmissible. Ça remet en cause les intérêts stratégiques, sociopolitiques et ceux sécuritaires, aussi bien pour le Niger que l’ensemble des pays ouest-africains. Je pense que c’est un coup de poignard contre la démocratie en Afrique. C’est pourquoi je suis pour une mise en garde, afin que ce processus de coup d’État pour des raisons purement veniennes soit stoppé dans l’espace de la CEDEAO. Parce qu’au-delà de cela, si on laisse prospérer ces genres de situation, cela veut dire qu’on met en cause l’utilisation des urnes pour accéder au pouvoir. Et enfin de compte, c’est seulement ceux qui ont les armes qui pourront soit compétir, conquérir ou confisquer le pouvoir politique. Et si tel est le cas, cela veut dire que nous serons dans la jungle où ça sera la déstabilisation généralisée de notre région. Ce qui est inacceptable, inconcevable, d’où la nécessité impérieuse de mettre en avant les intérêts du Niger et de l’ensemble de la sous-région au détriment des questions de solidarité, du clan ou de l’appartenance socioprofessionnelle.
Mediaguinee.com : Le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, trois pays en transition, s’opposent farouchement aux sanctions de la CEDEAO contre le Niger ? Comment vous comprenez ces prises de position ?
Je pense que la situation du Burkina Faso et du Mali n’a rien à avoir avec celle de la Guinée. Les deux États ont en commun avec le Niger, d’être confrontés à l’extension par le terrorisme. Et la faillite des politiques sécuritaires au Mali et au Burkina, font qu’une bonne partie de leurs territoires échappent au contrôle de l’État officiel. Or, le Niger qui est également confronté à ce phénomène, la situation est mieux maîtrisée. Et le pays dans le contexte actuel, apparaît comme le pivot de la stabilisation de l’Afrique de l’Ouest, plus particulièrement le Sahel. Donc, si un coup d’État remet en cause ces politiques avec des risques de fissures internes, de dislocation de la cohésion nationale, il va de soi que ce sera une victoire du terrorisme, mais aussi la stabilité du Niger va être affectée, mais celle du Burkina Faso et du Mali sera davantage remise en question. D’où la nécessité des uns et des autres de faire preuve de responsabilité et de retenu.
Mediaguinee.com : L’évaluation des ministres du gouvernement de la transition vient de prendre fin à la Primature. Comment vous appréciez cette démarche des nouvelles autorités ?
Je pense que les ministres et le Premier ministre vont apprécier le bilan des uns et des autres. Et, le Chef du Gouvernement saura en tirer les enseignements et les mesures à prendre. Mais je pense que c’est un excellent exercice.
Mediaguinee.com : Encore un mort à Conakry, dans une manifestation qui a éclaté entre les forces de l’ordre et les jeunes manifestants…
Bah Oury : C’est la raison pour laquelle depuis quelques des années, je dis et je réitère mes appels que tout le monde, y compris la classe politique, mais aussi les autorités morale et sécuritaire, que chacun fasse preuve de retenue et de responsabilité. La situation globale dans notre région est instable et les frustrations sont énormes. Les facteurs de violences ont pris une telle envergure, que n’importe quoi peut dégénérer et coûter la vie à plusieurs personnes. Dans ce cas là, tout ce qu’un homme ou une femme responsable, ayant une certaine autorité publique, c’est de veiller à ne pas favoriser des attitudes qui pourraient emmener une exacerbation. Mais si on est totalement populiste et irresponsable ou on s’en fout de la vie des autres, il va de soi que pour certains, sans que leur vie soit protégée, ce qui peut arriver à d’autres ne seront que des victimes de manière collatérale. Or, la vie humaine est sacrée et qu’il faut la protéger.
Mediaguinee.com : quel message avez-vous à lancer?
Le monde est dangereux actuellement. La situation dans notre pays est économiquement difficile. Nous sommes dans une phase de transition avec des enjeux extrêmement importants pour le futur de la Guinée. Il est important que tout le monde se rende compte de la nécessité absolue de privilégier une évolution pacifique et responsable de cette transition avant toute autre considération. C’est cela qui sied à notre situation actuelle.
Entretien réalisé par Sâa Robert Koundouno
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