La grand-mère de Karim Bah parle: « la balle a traversé sa tête pour ressortir vers la bouche. Nous ne pardonnons pas… »
La liste des victimes des manifestations sociopoliques sous l’ère CNRD s’allonge jour après jour.
Dans la journée du jeudi 16 février 2023, deux jeunes âgés de moins de 20 ans ont perdu la vie à Hamdallaye et à Sonfonia en haute banlieue de Conakry, en marge d’une marche pacifique annoncée par le FNDC mais qui a tourné à une protestation dans plusieurs quartiers traversés par la route le Prince, dans la commune de Ratoma.
Dans la matinée de ce mardi 17 février 2023, Mediaguinee a dépêché un de ses reporters dans la famille de Abdoul Karim Bah, jeune taxi motard âgé de 18 ans, à Hamdallaye pharmacie.
Sur place, le jeune garçon Mamadou Maladho Diallo, ami d’enfance de la victime qui a vécu la scène macabre raconte comment Karim a perdu la vie sous ses yeux.
« L’acte s’est passé aux environs de 15 heures 40 minutes. J’étais avec mon ami derrière la cour de nos voisins. Subitement les agents des forces de l’ordre ont débarqué en tirant des balles réelles. On s’est caché derrière la cour et dès qu’il a jeté un coup d’œil, c’est là on a tiré sur lui une balle dans la tète. C’est un béret rouge qui était encagoule qui a tiré sur lui et la balle est entrée par derrière pour sortir au niveau de sa joue. Mon ami est tombé dans les caniveaux, il était déjà mort avant qu’on ne vienne vers lui. Et lorsque qu’on est venu le prendre, les gendarmes aussi ont lancé des gaz lacrymogènes. C’est difficilement on a pu le prendre dans le caniveau pour l’hôpital », raconte cet ami d’enfance sous le choc.
À la suite de son ami, la grand-mère de la victime, Binta Keïta, inconsolable, retrace à son tour comment elle a appris la triste nouvelle qui a emporté son petit-fils.
« Le matin, Abdoul Karim est sorti avec sa moto pour travailler puisque la corniche de Taouyah est calme. Il a travaillé sur cet axe routier toute la matinée et comme toujours il est rentré se reposer avant de reprendre le soir. Plus tard, Souleymane est venu à la maison pour qu’il l’accompagne à Taouyah. À son retour, il a soulevé le rideau à la recherche de l’eau fraîche et m’a trouvé couchée avec des douleurs. Comme il n’a pas trouvé de l’eau chez moi il s’est rendu dans la chambre d’un locataire et il s’est mis à jouer avec son enfant. C’est là je l’ai perdu de vue. Plus tard, je suis sortie m’asseoir à la terrasse et j’ai entendu des cris dans le quartier que les FDS sont rentrées dans le quartier et j’ai tiré ma porté et je me suis enfermée à l’intérieur. C’est à instant là j’ai entendu les cris ils ont tiré sur lui, j’ai ouvert ma portière pour savoir sur qui ils ont tiré, ils ont répondu sur Karim. La balle a traversé sa tête pour ressortir vers la bouche. Et les gens ont pris la route pour l’hôpital Jean Paul 2, puisque j’ai une tension, je n’ai pas pu effectuer le déplacement », explique la grand-mère de Abdoul Karim Bah.
Poursuivant, elle a fait savoir que c’est dans la panique et avec des pieds lourdes que l’oncle de la victime a recu le coup d’appel venant de l’hôpital annonçant sa mort. « Et soudainement, j’ai entendu les gens qui étaient partis à Jean Paul 2 revenir en pleurant Karim est décédé, Karim est décédé. À l’hôpital, il ont enlevé ses vêtements ensanglantés et les a remis à une de mes petites sœurs présentes avant de le placer dans l’ambulance avec comme argument il n’était pas mort, on l’emmène à Ignace Deen parce qu’il perd trop de sang, alors qu’il était déjà mort. Juste pour calmer les gens. Aujourd’hui, ma seule préoccupation, puisqu’ils l’ont tué par balle, c’est de nous remettre le corps pour qu’on l’enterre. C’est tout ce qu’on leur demande pour l’amour de Dieu et de son messager. Mais celui qui l’a fusillé, que ça soit dans ce monde ou à l’au-delà, nous ne pardonnons pas. Si le jour de la résurrection arrive, Dieu jugera »
Mamadou Yaya Barry