Dixinn: colonel Faucon « expulsé » à 5h du matin par Asmaou, ex-épouse de Lansana Conté 

Un ancien officier de l’Etat-major de l’armée, le colonel Facinet Faucon Touré, a été expulsé, ce mercredi 21 décembre, à 5 heures du matin, de la maison qu’il occupe depuis plus de 20 ans, à Dixinn port 3, dans la commune du même nom, par Mme Asmaou Baldé, ex-épouse de l’ancien président de la République, le général Lansana Conté.

Le domaine conflictuel dont il s’agit contient un salon et 5 chambres, plusieurs annexes et un grand espace vide, bordé par la mer. Sur les lieux, il y avait les effets sortis de la maison éparpillés dans la cour et même à l’extérieur.

À proximité de la maison des jeunes de Dixinn, plusieurs pick-ups de la Gendarmerie sont stationnés à l’entrée du domicile du colonel. Nous avons constaté la présence de plusieurs gendarmes, y compris derrière sa cour et à l’intérieur.

Trouvé à la terrasse, en compagnie de sa sœur, chapeau vissé sur la tête, avec une canne, le colonel Facinet Faucon Touré, très avancé en âge nous a raconté comment ils ont été réveillés ce matin dans leur sommeil.

« Personnellement, c’est difficile d’expliquer parce que nous on était couchés en train de dormir et soudainement on a entendu les gendarmes toquer à nos portes, de sortir, qu’ils sont venus évacuer, sans rien dire de plus »

Mediaguinee: Selon vous, cette décision est venue de qui ?

Colonel Facinet Faucon Touré: Mais ce n’est pas l’Etat mais c’est Asmaou Conté [ l’ancien épouse de feu Général Lansana Conté nldr ] qui a payé la gendarmerie pour me faire sortir ici. C’est après 18 ans, étant malade, j’ai été en France pour des soins, elle s’est rendue à la justice pour dire que ici c’est pour elle, que c’est le président qui lui a donné ici. En 2018, il a fait une convocation au nom de Facinet Camara et ils sont venus trouver ma sœur ici. Et cette dernière a dit qu’il n’ont pas un Facinet Camara mais plutôt un Facinet Touré. À part ça, je n’ai plus reçu de convocation. J’ai appris seulement qu’au Tribunal de Dixinn, Asmaou a gagné. Comment ? Moi je ne sais pas, je n’ai pas été convoqué, ni mon avocat. Et pour qu’il y ait un jugement il faut appeler les 2 parties. Mais si Asmaou met son sac là-bas et les gens du tribunal écrivent ce qu’ils ont à écrire. Le dossier transféré à la Cour d’Appel et eux aussi ne cherchant pas à savoir ils ont dit qu’elle a gagné.

Mais tout ça c’est Éric Thiam et Général Baldé qui pilotaient ça pour elle. Quand je suis venu, je suis allé voir Général Baldé, il dit nous savons tous là-bas c’est pour toi c’est le général qui t’a donné mais comme c’est sa femme et elle veut récupérer, elle doit récupérer. Est-ce qu’elle est la femme du président ? Ou bien c’est à moi seul que le président a donné un terrain ? 

Mediaguinee: Comment avez-vous été informé que c’est madame Asmaou qui veut revendre votre habitation ?

Colonel Facinet Faucon Touré: Mais c’est parce que moi je suis au bord de la mort c’est pourquoi elle a tenté de me sortir et vendre ici à un commerçant. Un jour, ce commerçant accompagné d’un autre monsieur m’a trouvé assis et se sont dirigés vers le bord de la mer, pour une visite. Je les ai interpellés en ces termes:  « comment pouvez-vous venir visiter ici pour des visites sans me demander, parce que si tu vous devez le faire il faut demander le propriétaire ». Et sur le chemin du retour, il murmurait avec son copain en langue Pular, croyant que je ne comprenais pas la langue en ces termes: « pour avoir ici, il faut passer par Asmaou parce qu’elle connaît la situation d’ici ». Donc, depuis ce jour personne n’est revenu et je n’ai pas non plus reçu des convocations d’un quelconque tribunal ou Cour. C’est Asmaou seulement qui a continué à poser son sac partout et ce matin là,  les gendarmes sont venus m’expulser sans avertissement, rien du tout. 

Ses confidences avec l’ex-président Lansana Conté 

Un jour je suis parti rencontrer le président de la République, j’ai dit monsieur le président au camp ici, je suis bien logé mais un jour je serai à la retraite, il me faut une maison de retraite. C’est ainsi lui-même il m’a donné une somme d’argent il me dit prends ça si tu as quelque chose ajoute là-dessus et cherche toi un terrain. Je pars à Yattaya rencontrer le chef de quartier et secteur, je leur explique que je veux un terrain ici. Ils me montrent 2 parcelles collées et proposent 12 millions. Après discussion, on tombe d’accord sur 10 millions. Je leur paye l’agent, ils me font les papiers, à savoir la donation, le récépissé et l’attestation de vente. À mon retour au camp, j’ai fait le compte rendu au président, il m’encourage de commencer la construction dès maintenant parce que construire une maison digne de nom prend des années. Je commence à construire et élever le mur, un beau matin, les machines des travaux publics sont venues marcher dessus pour faire une route. Informé, je me suis rendu là-bas et je trouve que la route est passée dessus. De retour du camp j’informe le président de la situation, il me dit laisse tomber ça c’est le travail de l’Etat. Maintenant c’est moi qui dois m’occuper de ça, c’est sous ma responsabilité, il m’a dit de lui emmener les documents et m’a demandé de me préparer pour ma mission. 

Mediaguinee: Est-ce que c’est un terrain vide que vous avez reçu à l’époque c’est-à-dire en octobre 2000 ?

Colonel Facinet Faucon Touré: Lorsque j’ai reçu le domaine il n’était pas vide mais inhabitable. C’est un domaine que l’ancien président Ahmed Sékou Touré a donné au l’ancien président Lansana Conté. Tous les documents étaient en son nom. À l’époque, il y avait un désordre ici, le président est venu vider tout le monde ici et confié le domaine au patrimoine bâti. Mais les bandits de Taouyah à Boulbinet se fixaient rendez-vous ici. Tous les soirs, à partir de 18 heures, personne ne descendait par là. Ils ont enlevé portes et fenêtres et même la toiture même le sable blanc qui était sur le toit et qui servait de refroidissement a été enlevé.

Mediaguinee: C’est à quelle date précise avez-vous occupé cette maison ?

Colonel Facinet Faucon Touré: C’est à mon retour de mission qu’on m’a proposé ce coin là. Il a appelé Santullo de venir ensemble voir si le lieu me plaît. Arrivé ici, j’ai eu peur et c’est Santullo même qui m’a encouragé de ne pas avoir peur. C’est lui qui s’occupe du travail. On s’est retourné chez le président, j’ai dit que l’endroit me plaît. Donc il me dit occupe-toi de ton travail je m’occupe du reste. Les travaux ont repris et parce que bientôt il allait démolir le camp pour que je puisse déménager. Après les travaux, je suis venu habité ici en octobre 2000, il y a 22 ans, jour pour jour.

Mamadou Yaya Barry