Décédé le 26 juillet 2022 à Lens (France), la dépouille du désormais feu Mamadou Aliou Barry « Maitre Barry » est arrivée dans la nuit du mardi 2 août 2022, à Conakry.
Ce mercredi 3 août, après la levée du corps à la morgue de Ignace Deen, le cortège funèbre s’est dirigé au palais du peuple où un symposium a été organisé. Parents, amis, collaborateurs et proches sont venus nombreux pour rendre un dernier hommage à Maestro Barry. Plusieurs témoignages ont été faits sur l’illustre disparu. La tristesse se lisait sur les visages. C’était en présence du ministre de la Culture de quelques membres du gouvernement et de plusieurs acteurs du secteur culturel.
Prenant la parole, le ministre de la Culture a, au nom du président de la transition, de son gouvernement et à son personnel, présenté les condoléances à la famille éplorée, avant de lui rendre un vibrant hommage.
« La mort est inévitable certes, car c’est la dernière épreuve à laquelle aucune créature ne peut échapper. Mais assister aujourd’hui et de façon inopinée aux obsèques de Mamadou Aliou Barry, Maître Barry ou Maestro, l’enseignant, le musicien accompli, chef d’orchestre et autre est une épreuve extrêmement difficile et douloureuse. Cependant, en ma qualité de ministre de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat et au nom de Son Excellence monsieur le président de la République, chef de l’Etat, colonel Mamadi Doumbouya et de son gouvernement, permettez-moi de dire ces quelques mots aux membres de sa famille biologique et culturelle. Mamadou Aliou Barry, Maître Barry ou El Maestro, est cet artiste protéiforme que nous accompagnons tous aujourd’hui dans l’honneur et dans la dignité comme il est de droit pour tous les grands hommes de la nation qui se sont servis pour la gloire et pour la patrie. Mamadou Aliou Barry, il faut savoir que ton amour quasiment charnel pour la musique que tu as en passé très jeune des instruments de percussion en saxophone, ton talent et ta dextérité, t’ont hissé. Ce qui t’a valu d’être désigné malgré ton jeune âge chef orchestre fédéral de Conakry, le Kaloum Star dès 1967. Depuis en meneur d’hommes et pédagogue prolifique durant ta vie tu n’as fait que proccurer le bonheur et la joie de vivre autour de toi, à tes nombreux mélomanes en Guinée, en Afrique et dans le reste du monde. Rigoureux et exigeant dans le travail, toujours en quête de perfection, tu passais ton temps à scruter le temps et la nature pour tirer d’eux le plaisir que tu offrais avec générosité et humilité au public à travers les sonorités de tes instruments qui crévaient le plafond. Que dire à présent de l’honorable enseignant artiste, patient, attentif en toute circonstance .Maître Barry n’a jamais violé son sacerdoce: encadrer, éduquer et former . .. Tu t’es battu avec abnégation pour la survie du saxophone, hélas, aujourd’hui tu laisses le saxophone orphelin. », a déclaré Alpha SOUMAH, ministre de la Culture.
En lisant son oraison funèbre, Jean Baptiste Williams est revenu sur le parcours de l’homme. »Mamadou Aliou, brillant élève qu’il fut, à l’instar des mineurs de cette époque, après une formation au métier de l’enseignement, il accède au grade de moniteur puis instituteur. Affecté à Forecariah, dans les écoles primaires de Tatagui, Koutoumania et Fanyé. Coyah et Maneah seront ensuite ces deuxième et troisième postes d’affectation. C’est justement à Maneah, district situé à 46 km de Conakry qu’il va s’initier à la pratique du saxophone grâce à Honoré. En 61, la quezaine artistique nationale commence à prendre corps, l’artiste enseignant Mamadou Barry profite des vacances pour rejoindre Conakry et porter main-forte à la troupe du quartier Sans-fil et celle de la section arrondissement où il est invité d’intégrer le Gbassikolo Jazz orchestre dirigé par Pierre Lopis. Impressionné par ses talents de saxophoniste, le burreau fédéral de Conakry 1 décide de le recruter dans le Kaloum Star, âgé de 24 ans. Les rênes de l’orchestre fédéral lui seront confiées en 1967. Il met alors sa jeunesse, sa fraîcheur et tout son talent au service de l’orchestre de la presqu’île où il est rejoint par les jeunes lycéens pétris de talent. Bien sûr que sous sa houlette, plusieurs artistes musiciens vont grossir le nom du Kaloum Star. Le Kaloum Star sous sa direction, a été acclamé en Guinée mille et une fois, invité et apprécié en Sierra Léone, en Guinée-Bissau, au Cap-Vert, etc.
En 1984, il parfait sa formation en théorie musicale à Conakry avec un Nord Coréen. Un arrêté du ministère de l’Information et de la Culture en date du 21 mai 1998 nomme Maître Barry au rang de chef d’orchestre national. Le diplôme de mérite culturel est la distinction qu’il va décrocher. En 2019, il est fait officier de l’ordre national du mérite, en 2011 prix Sekou Bembenya de la musique à la 13ème édition du festival de Jazz. Outre ce parcour élogieux, Mamadou Barry, sollicité plus que jamais, a apporté sa touche de Maestro et a piloté de multitudes albums des artistes guinéens… », a indiqué Jeannot Williams.
Dans son témoignage, Fodéba Isto Keïra a d’abord souligné que Maître Barry fut un de ses enseignants au primaire. Il a demandé à la famille du défunt d’être fière de lui. Avant d’interpeller le ministère de la Culture et celui de l’Enseignement supérieur et de la scientifique « de faire en sorte que une politique puisse être mise en place au niveau de l’Institut supérieur des arts de Dubreka pour qu’on commence à former au niveau de la section musique, les jeunes musiciens à ces instruments à vent, le saxo, la trompette, le trombone. Ce sont des instruments qui tendent à disparaître. Donc merci à tout le monde . », a t-il demandé.
Pour sa part, la famille a d’abord tenu à remercier le Chef de l’Etat, le ministre de Culture ainsi que tous les hommes de culture pour leur accompagnement. Selon son jeune frère, malgré ses occupations, Maître Barry a su jouer son rôle d’aîné de la famille. »Au nom de la famille, nous voudrons vous dire merci d’être venus, d’avoir accepté de venir vous incliner devant la dépouille de mon frère, de l’artiste. Cet homme d’hier qui s’est appliqué à s’inscrire durablement dans le registre des grands hommes de la culture nationale, des grands hommes tout simplement. Vous l’avez certainement connu mieux que nous car depuis longtemps mon frère n’appartenait plus qu’à notre famille, il appartenait à la Guinée. Il passait plus de temps avec vous, qu’avec la famille. Pourtant je voudrais vous assurer qu’il a su être un homme à l’écoute des membres de la famille. Il a su jusqu’au bout jouer son rôle d’aîné de la famille. .. », a déclaré le frère du défunt.
Maître Barry a rejoint sa dernière demeure au cimetière de Cameroun, après la prière funèbre. Il s’en va en laissant derrière lui une femme et 6 enfants.
Christine Finda Kamano
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