Tout le monde devrait à présent se faire une raison. La transition enclenchée sous la férule du CNRD (comité national du rassemblement pour le développement) a au moins encore trois ans devant elle.
Un temps que l’on trouve, c’est selon, trop long ou plutôt raisonnable au regard des chantiers ouverts – et à ouvrir – par les nouvelles autorités du pays.
Sur le terrain, l’on ne peut perdre de vue, à moins d’être vraiment de mauvaise foi, la volonté affichée de la junte d’opérer des changements profonds, tant dans la conduite des affaires de l’Etat que dans la satisfaction des besoins essentiels des populations. Ainsi, qu’il s’agisse de l’administration publique qui fait sa mue progressivement, de la lutte contre l’impunité sous toutes ses formes, de l’amélioration du cadre de vie et des conditions d’existence des Guinéens, on peut affirmer que les premiers pas de la refondation sont déjà là. En plus de panser ses plaies, le CNRD, le gouvernement, le CNT (conseil national de la transition) et les forces vives s’engagent aussi à penser la (nouvelle) Guinée.
Les forces vives ? Oui, mais certainement pas toutes.
Une certaine partie de la classe politique et de la société civile (en fait des éléments de la seconde qui sont des appendices de la première) a décidé, elle, de ramer à contre-courant de l’histoire. Pour des motifs inavouables mais facilement identifiables. Parmi eux, celui de se solidariser avec des leaders politiques dans le collimateur (ou déjà dans les griffes) de la CRIEF (cour de répression des infractions économiques et financières), ou qui sont touchés par la vaste opération de récupération du patrimoine public spolié. À cela, on pourrait ajouter, en ce qui concerne un ou deux « grands » partis, une obsession que l’on avait remarqué en 2010, et qui avait largement contribué à bâcler la transition et les élections qui l’ont clôturée. Celle d’aller dans la précipitation et l’improvisation à des élections qu’ils croient pouvoir gagner facilement, en reléguant aux calendes guinéennes (qui, pas plus que les grecques, n’existent pas), les réformes dont le pays a urgemment besoin. Juste pour satisfaire des égos, et se voir offrir sur un plateau, pense-t-on, les clefs du palais présidentiel.
À côté de ces principaux protagonistes, il y a ceux qui se croient les plus futés. Pour les trois ou quatre ans à venir (voire plus), pourquoi ne pas se trouver au sein du gouvernement un strapontin, juteux à souhait, en attendant la fin de la transition ? Quitte après, à retourner sa veste et faire les yeux doux, toute honte bue et le sourire fendue jusqu’aux oreilles, à celui qui sera déclaré vainqueur de la prochaine présidentielle. Surtout qu’ils savent qu’en s’alignant sur la ligne de départ de cette course -là, ils ont autant de chances qu’une limace face à des pur-sang. Qui est fou..(ou folle) ?
Ainsi, sur un site d’informations de la place, on apprend l’existence de manœuvres visant à ouvrir le gouvernement de transition à certains hommes et femmes politiques. On y cite, entre autres, Bah Oury, Faya Millimono et dame Makalé Traoré. Il est vrai que ces derniers temps, ceux-là ne ratent pas une occasion de jouer aux avocats de la junte, même si on doute que leurs effets de manche ne servent à grand chose, à part brasser simplement de l’air. Il y en aurait même qui lorgnerait carrément le Palais de la colombe.
L’ancienne directrice de campagne d’Alpha Condé en 2010, a peut-être bien le droit de rêver un jour voir le colonel Mamadi Doumbouya « plagier » le président français, en la hissant au sommet de la Primature, et féminiser ainsi pour la première fois cette fonction en Guinée.
Seulement, Doumbouya n’est pas Macron, la France n’est pas en transition comme la Guinée, Elisabeth Borne n’est pas Makalé Traoré, et surtout, le CNRD, dont l’une des priorités reste la moralisation de la vie publique, serait très mal inspiré de propulser au sommet de son gouvernement une personne qui s’y retrouverait inaudible (et non crédible) à cause du bruit de casseroles qu’elle traînerait. L’affaire liée à la campagne électorale de 2010 et au sort qui aurait été celui de la contribution d’un homme d’affaires de la place, révélée naguère dans les médias par un proche de l’ancien président Alpha Condé, est encore dans les esprits.
Moralité ? S’il est permis en cette période de transition d’avoir les dents longues, il n’est pas à exclure que les Guinéens et le CNRD, eux, n’aient pas la mémoire courte.
N’Gara Bah
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