L’exercice du journalisme, « principal vaccin » contre la désinformation en pleine pandémie, est « totalement ou partiellement bloqué » dans plus de 130 pays, alerte Reporters sans frontières (RSF), qui publie mardi l’édition 2021 de son classement mondial de la liberté de la presse.
Le dernier classement annuel de Reporters sans frontières révèle une nouvelle conséquence indirecte de la crise sanitaire qui se présente comme un obstacle de plus à la couverture de l’actualité. 73% des 180 pays évalués par l’ONG se caractérisent ainsi par des situations jugées « très graves », « difficiles », ou « problématiques » pour la profession.
Combinant de nombreuses données, telles que les interpellations, voire les meurtres de journalistes, les lois d’entraves à la presse appliquées, etc., l’indicateur de RSF permet de visualiser la situation de la presse dans les différents pays du monde.
L’exercice du journalisme est toujours particulièrement problématique en Chine (177e), au Turkménistan (178e, +1), en Corée du Nord (179, +1) et en Érythrée (180e, -2).
La Russie (150, -1) reste du côté des mauvais élèves alors qu’elle s’est employée à « limiter la couverture » des « manifestations liées à l’opposant Alexeï Navalny ».
Quant à l’Afrique, elle connaît certes quelques embellies avec le Burundi (147e, +13), la Sierra Leone (75e, +10) , la Guinée (109è, +1) et le Mali (99e, +9) mais demeure le continent « le plus violent » pour les journalistes
Si la part de territoires peints en noir, rouge ou orange sur la carte du monde reste stable sur un an, seuls 12 pays sur 180, soit 7%, contre 8% en 2020, affichent une « bonne situation ».
Une « zone blanche » de plus en plus restreinte
La liberté de la presse reste très bonne en Norvège, qui conserve la première place pour la cinquième année consécutive, devant la Finlande et la Suède, redevenue troisième au détriment du Danemark (4e, -1).
Une « zone blanche » qui n’a « jamais » été « aussi réduite depuis 2013 », d’après RSF. Elle perd notamment l’Allemagne (13e, -2) suite aux agressions de dizaines de journalistes « par des manifestants proches des mouvances extrémistes et complotistes lors de rassemblements anti-restrictions sanitaires ».
Les agressions et interpellations abusives se sont d’ailleurs multipliées dans d’autre pays d’Europe, notamment en France (34e) lors des manifestations contre le projet de loi « sécurité globale », en Italie (41e), en Pologne (64e, -2), en Grèce (70e, -5), en Serbie (93e) et en Bulgarie (112e, -1). Le vieux continent demeure tout de même la région la plus sûre pour l’exercice du journalisme.
Outre-Atlantique, la situation reste « plutôt bonne » aux États-Unis (44e, +1) « même si la dernière année du mandat de Donald Trump s’est caractérisée par un nombre record d’agressions (près de 400) et d’arrestations de journalistes (130) ».
Même constat au Brésil (111e, -4) où les « insultes, stigmatisations et orchestration d’humiliations publiques de journalistes » sont « devenues la marque de fabrique du président Bolsonaro ».
Le difficile exercice du journalisme en temps de Covid
En outre, la pandémie de Covid-19 a représenté « une forme d’opportunité pour des États qui on pu restreindre la liberté de la presse », souligne le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Elle a ainsi exacerbé la répression dans les pays les plus muselés comme l’Arabie Saoudite (170e) ou la Syrie (173e, +1), d’après l’ONG.
La pandémie a également « provoqué une énorme fermeture des accès » au terrain et aux sources pour les journalistes. Si une partie de ces restrictions fut légitime pour cause précautions sanitaires, ce n’est malheureusement par toujours le cas. « La question, c’est : ces accès seront-ils rouverts ? », s’alarme Christophe Deloire.
Fake news et pandémie
La situation est d’autant plus préoccupante que le journalisme est le principal rempart contre la « viralité de la désinformation par-delà les frontières, sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux », parfois alimentée par le pouvoir.
Les présidents Jair Bolsonaro au Brésil (111e, -4) et Nicolas Maduro au Venezuela (148e, -1) ont ainsi « fait la promotion de médicaments dont l’efficacité n’a jamais été prouvée par le monde médical », rappelle l’ONG.
En Iran (174e, -1), les autorités ont « multiplié les condamnations de journalistes pour mieux minimiser le nombre de décès liés » au Covid-19. L’Égypte (166e), elle, interdit « la publication de chiffres sur la pandémie autres que ceux du ministère de la Santé ».
La Malaisie, qui enregistre le décrochage le plus net (119e, -18), a récemment adopté « un décret anti-fake news » octroyant au « gouvernement le droit d’imposer sa propre version de la vérité ».
Et en Hongrie (92e, -3), où le régime de Viktor Orbán « assume de façon décomplexée » la répression de la liberté de la presse, l’information sur le coronavirus est « bloquée » notamment par la législation d’urgence en vigueur depuis mars 2020, qui criminalise « la diffusion de fausses informations ».
Avec Afp