Sept ans après l’ouverture de l’enquête, un tribunal suisse de première instance a condamné vendredi le magnat franco-israélien Beny Steinmetz, 64 ans, à cinq ans de prison ferme pour corruption d’agents publics en Guinée dans un dossier de droits miniers.
« Il ressort de ce qui a été exposé… que les concessions ont été obtenues par la corruption et que Steinmetz a collaboré avec d’autres personnes » en vue de les obtenir, a déclaré la présidente du tribunal correctionnel de Genève, Alexandra Banna.
Le tribunal le « condamne à une peine privative de liberté de cinq ans », a-t-elle ajouté.
Il a également été condamné à verser une créance compensatrice (une forme de dédommagement) de 50 millions de francs suisses (46 millions d’euros) à l’Etat de Genève.
Le parquet avait requis 5 ans de prison et la confiscation de 50 millions de francs suisses (46 millions d’euros).
C’est une « grande injustice », a déclaré Beny Steinmetz aux médias à la sortie du tribunal.
Me Marc Bonnant, l’avocat du diamantaire, a annoncé que son client allait faire appel.
Pour l’ONG Public Eye, qui dénonce les injustices ayant leur origine en Suisse, cette affaire est « emblématique des pratiques prédatrices du secteur minier » et constitue une « véritable plongée dans les mécanismes de la corruption internationale, avec en toile de fond la Guinée, l’un des pays les plus pauvres de la planète ».
Le procès, qui s’est tenu du 11 au 18 janvier est l’aboutissement d’une longue enquête internationale lancée en 2013 en Suisse et portant sur des permis miniers octroyés en Guinée au Beny Steinmetz Group Resources (BSGR), dans lequel le diamantaire a le titre de conseiller.
Ce dernier avait obtenu en 2008, peu avant la mort de l’ancien président guinéen Lansana Conté, le droit d’exploiter les blocs 1 et 2 de l’un des plus importants gisements de fer au monde à Simandou, où il a investi 170 millions de dollars. Il en a depuis revendu 51% au groupe brésilien Vale, pour 2,5 milliards.
Selon le parquet genevois, Beny Steinmetz aurait promis dès 2005, puis versé ou fait verser, de 2006 à 2012, des pots-de-vin, dont certains auraient transité par des comptes suisses, à la quatrième épouse de l’ancien président Conté, Mamadie Touré, en échange de ces droits miniers dans ce pays pauvre d’Afrique.
Personnage clé de cette affaire, Mme Touré a reconnu avoir reçu des versements et est depuis protégée par la justice américaine. Convoquée comme témoin à Genève, elle ne s’est pas présentée au procès, tout comme une dizaine d’autres témoins de la défense.
– « Mariage coutumier » –
Beny Steinmetz était accusé par le parquet d’avoir mis en place un montage financier via des sociétés-écran afin de verser environ 10 millions de dollars (8,2 millions d’euros) de pots-de-vin à Mme Touré, afin que BSGR supplante le groupe anglo-australien Rio Tinto dans les blocs 1 et 2.
La présidente du tribunal a relevé que « l’argent versé à Mamadie Touré provient bien de BSGR » et que « le président Conté n’avait aucun intérêt à retirer les droits à Rio Tinto… si ce n’est pour en retirer un interêt personnel ou favoriser un tiers, en l’occurrence sa quatrième épouse ».
Beny Steinmetz, qui résidait à Genève lorsque les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés, a assuré pendant le procès n’avoir « jamais » demandé à quiconque de verser des fonds à Mme Touré, et l’a accusée de raconter des « mensonges ».
Selon la défense, cette dernière n’était pas l’épouse de l’ancien président Conté, mais une maîtresse n’exerçant aucune influence.
Mais pour la présidente du tribunal, Mamadie Touré était bien « la quatrième épouse du président Conté, peut importe s’il s’agissait d’un mariage coutumier ».
Pendant le procès, M. Steinmetz a cherché à minimiser son rôle, assurant n’être qu’un « conseiller » au sein de BSGR peu au fait des détails financiers.
Une vision rejetée par le tribunal genevois, dont la présidente a notamment souligné qu’il ressort d’une réunion de 2007 que « Steinmetz connait tous les projets du groupe et est très impliqué » dans les questions financières.
Après des années de bataille juridique, Beny Steinmetz et la nouvelle présidence guinéenne d’Alpha Condé sont parvenus début 2019 à un accord convenant que BSGR renonce aux droits sur Simandou en échange d’un abandon des poursuites pour corruption en Guinée.
Mais cet arrangement n’avait pas mis fin aux poursuites engagées par le parquet genevois.
C’est vraiment dommage que le pouvoir d’Alpha Condé n’avait pas jugé nécessaire de poursuivre les complices guinéens de ce dossier!
On ne gagne jamais contre la corruption par des calculs politiciens.