Les autorités ivoiriennes ont traité par le mépris jeudi l’appel à l’insurrection de l’ancien chef rebelle et ex-Premier ministre Guillaume Soro, alors que l’activité revenait à la normale dans les grandes villes après les journées de troubles autour de la présidentielle de samedi.
Le président Alassane Outtara a été réélu avec 94,27% des voix le 31 octobre pour un troisième mandat controversé, l’opposition estimant sa candidature inconstitutionnelle et ayant appelé au boycott.
« Pas de commentaire. On ne va pas donner de l’écho à quelque chose qui n’a fait aucun bruit », a précisé une source proche du pouvoir, alors que la presse attendait une réaction des autorités qui n’est jamais venue.
Le parti de M. Ouattara a tout de même accepté de s’exprimer pour enfoncer le clou.
« Ca ne va avoir aucun impact (…) c’est un non-événement. Nous avons désormais une armée républicaine, tous ses hommes (de Soro, ndlr) ne se reconnaissent plus en lui, il n’a plus aucune autorité sur aucune force », a assuré Adama Bictogo du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Ancien allié du président Ouattara, Guillaume Soro, dont la candidature à la présidentielle a été invalidée par le Conseil constitutionnel, a lancé mercredi sur les réseaux sociaux un appel à l’insurrection de l’armée, de l’administration et de la population, les enjoignant de « rallier le Conseil national de transition » proclamé par l’opposition.
M. Soro, 48 ans, était le chef de la rébellion qui a contribué militairement à l’avènement d’Alassane Ouattara en 2011 à l’issue de la crise née de la présidentielle de 2010, le chef de l’Etat Laurent Gbagbo refusant de reconnaître la victoire électorale de M. Ouattara. Cette crise avait fait quelque 3.000 morts.
Les analystes lui ont longtemps prêté une forte influence dans l’armée et les forces de sécurité, certains le soupçonnant même d’être derrière les mutineries d’anciens rebelles ayant intégré l’armée qui ont ébranlé le régime en 2017.
– « Fatigués de ses histoires » –
« On est fatigués de ses histoires! C’est du passé. On ne va pas replonger dans la galère. On a autre chose à faire », a affirmé sous couvert de l’anonymat un ancien rebelle et mutin à Bouaké (centre), un de ses bastions par le passé.
L’ancienne capitale de la rébellion était calme avec une activité normale. « Guillaume Soro n’est plus crédible et nous ne lui faisons plus confiance. N’est-ce pas lui qui a annoncé sur toutes les télévisions du monde qu’il n’y aurait pas d’élection le 31 octobre ? Les élections ont eu lieu et maintenant il demande à l’armée de prendre le pouvoir », estime Moussa Doumbia mécanicien, 38 ans. « Ici à Bouaké, on considère Guillaume Soro comme un plaisantin ».
A Abidjan, où l’activité a repris normalement, la situation politique restait inchangée avec les leaders de l’opposition, dont l’ancien président Henri Konan Bédié, toujours bloqués à leurs domiciles par les forces de l’ordre.
« Il y a quatre policiers dans ma cour et beaucoup dehors. Je ne peux pas bouger », a affirmé à l’AFP Assoa Adou, secrétaire général du parti de Laurent Gbagbo.
Le parti de l’ex-président Gbagbo, qui ne s’est pas désolidarisé publiquement de l’opposition et de son « Conseil de transition », avait toutefois refusé d’y participer, selon un de ses membres, pour lequel « ce n’est pas la bonne stratégie ». « Nous on continue à demander des élections libres, transparentes et inclusives mais sans transition. Il faut un président élu en bonne et due forme », a-t-il dit.
Peur de la répression ? Effet des pressions diplomatiques sur l’opposition ou de dissensions internes ? Toujours est-il qu’après avoir annoncé la création d’un « Conseil national de transition » lundi, au surlendemain de l’élection, l’opposition ne s’est pas dotée du « gouvernement de transition » que ce Conseil avait pour principale mission de former.
La crise post-électorale s’enkystait donc en attendant la validation des résultats de la présidentielle par le Conseil constitutionnel.
De source diplomatique, les chancelleries occidentales et africaines ont conseillé à l’opposition de pas « insister » sur la voie du gouvernement de transition et au président Ouattara de jouer « l’apaisement ».
Les violences avant et après le scrutin, qui ont souvent dégénéré en affrontements interethniques, ont fait au moins une quarantaine de morts depuis le mois d’août.
AFP