Non, Monsieur le Ministre ! La Guinée est un Etat souverain.
Je m’adresse à vous, via cette lettre, parce que votre prise de position mélancolique concernant la situation socio-politique de mon pays, la République de Guinée, est si maladroite que, laisser passer une telle acariâtreté serait d’avaliser l’ingérence de votre pays, la France, dans les affaires internes de notre pays.
Cette missive, c’est pour non seulement épreindre le mécontentement des patriotes guinéens suite à votre malencontreuse sortie du Mercredi 8 Juillet passé devant les élus de votre Nation mais aussi, rappeler un certain nombre de valeurs auxquelles le souverain peuple de guinée tient immensément.
La dignité, l’honneur, l’amour et la défense de la patrie, le respect réciproque dans les relations de coopération, sont des vertus auxquelles nous attachons énormément d’importance et pour lesquelles, nous sommes prêts à tout pour honorer la mémoire de nos devanciers qui n’ont jamais échangé ces valeurs contre quoi que ce soit.
Nul besoin de vous rappeler ici, Monsieur le Ministre, que nous nous sommes affranchis du joug colonial depuis le 2 Octobre 1958, ce qui du coup, nous donne le plein droit, je dis bien le plein droit, de disposer de nous-mêmes, de nos ressources, comme nous l’entendons.
Vous affirmiez devant vos élus, je cite: «….nous souhaitons que des initiatives soient prises par le Président Alpha Condé pour apaiser la situation, à la suite d’un référendum que nous avons contesté…. ».
‘’D’un référendum que vous avez contesté’’, dites-vous? En qualité de qui et en vertu de quoi vous vous arrogez le droit de contester les élections d’un peuple aussi souverain que le vôtre ? Ou, c’est vous qui décidez dorénavant en lieu et place du vaillant peuple de Guinée, comme ce fut le cas durant la sinistre période d’expropriation dont les africains ont été victimes pendant la colonisation?
Ces allégations sont provocatrices, irritantes et sont l’expression tangible de votre machination à attiser la tension dans notre pays dans le dessein de le déstabiliser.
Monsieur le Ministre, la question de référendum est une question de dignité, une question de souveraineté nationale, que tout pays digne et responsable défend jalousement.
Le Prof Alpha Condé n’a d’injonction à recevoir ni du parlement européen, ni du Président français, encore moins d’un Ministre des Affaires Etrangères, pour solliciter l’avis de son peuple sur des questions de la vie nationale car, la consultation directe du peuple face à une question aussi importante que celle relative à la Constitution, fait partie des principes démocratiques les mieux partagés.
L’article 51,alinéa 1 de l’ancienne Constitution, c’est-à-dire, la Constitution de 2010 sur la base de laquelle s’est fondé le Président de la République, le Prof Alpha Condé, pour organiser le référendum passé dispose :« le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la promotion et la protection des libertés et des droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité….» .Et l’alinéa 3 du même article dispose : «Avant de convoquer les électeurs par Décret, le Président de la République recueille l’avis de la Cour Constitutionnelle sur la conformité du projet ou de la proposition à la Constitution. En cas de non-conformité, il ne peut être procédé au référendum…..».
Et l’article 2, alinéa 1de la même Constitution renchérit, en ces termes : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses repentants élus et par voie de referendum ».
Ces articles sus-visés confèrent au Chef de l’Etat, le droit de soumettre à son peuple, un quelconque projet touchant la loi suprême. Ceux-ci constituent en outre, la preuve palpable et irréfutable que toute la procédure a été respectée. Ce qui nous permet d’ailleurs de dire aujourd’hui, que l’actuelle Constitution est pure et sans tache, contrairement à la précédente.
Voulez-vous être plus royaliste que le roi lui-même, Monsieur le Ministre ?
Le peuple de Guinée décide de son avenir de la manière qui lui convient. Il est le maître absolu de son destin.
Pour votre gouverne, Monsieur le Ministre, de 1961 à nos jours, la France a organisé neuf (9) référendums. Le dernier en date est celui ayant porté sur l’acceptation ou non de la Constitution européenne en France, le 29 mai 2005.
En allant à ces consultations, vos Présidents ont-ils eu besoin de l’avis de conformité d’un autre pays ?
Monsieur le Ministre, votre prise de position confirme ce vieux Brocard qui dit que : «il est plus facile de trouver la paille dans l’œil de son prochain que la poutre qui se trouve dans ses propres yeux ». Sinon, cette expérience amère et tangible selon vos dires, se trouve à quelques encablures de vous, je veux dire la Russie.
Qu’avez-vous fait pour empêcher le Grand Vladimir Poutine d’organiser son référendum et de proroger son mandat à la tête de son pays ?
Ce que vous ne pouvez admettre dans vos rapports avec les autres pays, Monsieur le Ministre, sachez que nous aussi ne pouvons l’acquiescer. La Guinée n’est ni sous protectorat de la France, ni son prolongement, encore moins une colonie d’elle pour que vous dictiez les conduites devant tenir nos autorités. La République de Guinée est un Etat partenaire de la France avec qui, elle traite d’égal à égal, ce, depuis le référendum du 28 Septembre 1958.
Ce faux-semblant de s’émouvoir d’une situation qui ne vous concerne en rien du tout, est un jeu auquel nous sommes acclimatés depuis la proclamation solennelle de notre indépendance le 2 Octobre 1958.
Monsieur le Ministre, ressaisissez-vous un peu. Au lieu de fouler aux pieds les principes contenus dans la charte des Nations-Unies, consacrant l’égalité des Etats, chercher plutôt à résoudre cette tempête des gilets jaunes qui empoisonne la vie politique de votre pays depuis des mois. Elle partira bientôt et la grogne reprendra dans vos rues.
Mais nous comprenons vos agissements. Depuis que la Guinée a réussi à organiser les élections législatives et référendaire passées, malgré le retrait de la Francophonie, sans tendre la main à qui que ce soit, sans votre concours, vous avez trouvé en cela une sorte de défi.
Monsieur le Ministre, vous devez prochainement tenir compte de ces facteurs que je viens de souligner, à chaque fois que vous vous adresserez au vaillant peuple de Guinée car, ce lugubre temps d’assujettissement, cette période où votre pays pompait, sans inquiétude aucune, nos ressources du sol et du sous-sol, est révolu.
Nous ne sommes plus à l’époque du ‘’maître et serviteur’’. Le glas de ce temps consistant à restreindre la liberté des peuples de disposer d’eux-mêmes a sonné et plus rien n’arrêtera désormais la marche des peuples africains de disposer d’eux-mêmes et de la manière qu’il leur plaira.
La République de Guinée est un pays souverain au même titre que votre pays, la France. Et nous vous demandons humblement de ne plus fouiner dans nos affaires internes car, on ne s’est jamais invité dans les vôtres.
De l’autre, sachez aussi que le peuple de Guinée est déterminé à défendre vaille que vaille et comme un seul homme, son indépendance et l’intégrité territoriale de son pays.
Recevez, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
Sayon MARA, Juriste
Depuis la République de Guinée