Covid-19 : le dernier message de Cheick Boikary Fofana, guide spirituel de la communauté musulmane de Côte d’Ivoire

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Le monde musulman en deuil. Son éminence le Cheick Aïma Boikary Fofana (Aboubacar Fofana) est décédé dimanche à Abidjan des suites de Covid-19. Guide spirituel de la grande et puissante communauté musulmane de Côte d’Ivoire, le défunt, respecté et adulé dans le monde a donné sa vie pour l’islam, la paix et la réconciliation en Côte d’ivoire mais aussi pour l’entente dans le monde. La mort du président Président du Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires Islamiques (Cosim) et qui fut un brillant banquier a provoqué une onde de choc dans le monde islamique. Diplômé en Sciences commerciales à l’université du Caire (Jamiatoul Kâhira) en Egypte, Cheick Fofana a exercé à la Société Ivoirienne de Banque (SIB) en 1972. De 1981 à 1985, il est directeur de l’Agence centrale SIB de Bouaké.

Le président Alassane Ouattara a salué la mémoire d’un « Grand homme de foi, un artisan de paix et du dialogue entre les confessions religieuses ».

Sur le parcours fabuleux de ce grand homme de Dieu, Mediaguinee vous propose un texte de Salif D. Cheickna…

Le Président du Conseil Supérieur des Imams en Côte d’Ivoire (COSIM) est un homme pluridimensionnel. Originaire de Tiékôrôdougou S/P de Djoulatiédougou, région du Kabadougou (Odienné), Boikary Fofana a vu le jour le 21 février 1943 à Adjamé.

Ce polyglotte (anglais, français, arabe et malinké) va allier, durant son parcours universitaire, connaissances religieuses et académiques.

Titulaire d’une Maîtrise en sciences commerciales obtenue dans l’une des plus prestigieuses universités du monde, l’Université Al Azhar d’Egypte, c’est au sein de la Société Ivoirienne de Banque (SIB) qu’il mettra en exergue ses compétences. Du poste d’attaché de direction à celui de Directeur des relations sociales, de la formation et du personnel en passant par ceux de Fondé de pouvoir, de Directeur de l’agence de Cocody et de Directeur de l’Agence Centrale de Bouaké, ce fin technocrate va gravir les échelons dans cette multinationale avant de se retrouver responsable des ressources humaines avant sa retraite.

En plus de ces fonctions professionnelles, Boikary Fofana occupera le poste d’Imam principal de la Mosquée des II-Plateaux Aghien. Il sera également le porte-parole du Conseil Supérieur des Imams en Côte d’Ivoire (COSIM) avant d’en prendre la tête suite aux plébiscites de ses pairs imams. Cette consécration sera le fruit de longues années au service de la communauté musulmane de Côte d’Ivoire. C’est surement ce qui a fait dire à l’historienne française Marie Miran dans son livre intitulé Islam, histoire et modernité en Côte d’Ivoire qu’«Aboubakar Fofana fut le grand stratège et le principal architecte du réformisme islamique ivoirien ».

En effet, il est à l’origine de la mise en place de nombreuses associations et institutions telles que la Radio Al Bayane, l’Institut International de l’Immat en Afrique, le CNI, l’AEEMCI, la LIPCI, l’AJMCI etc.

Aussi, sa grande probité morale et sa maitrise de la gestion de crises ont valu à cet homme de valeur d’intégrer le comité de médiation des religieux entre l’Etat et les différentes couches de la société depuis les Présidents Félix Houphouët Boigny, Henri Konan Bedié, Guéi Robert, Laurent GBAGBO jusqu’à Alassane OUATTARA.

En plus de sa fonction de Président du Conseil Supérieur des Imams en Côte d’Ivoire (COSIM), il occupera les postes de Vice-Président de la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes (CONARIV) en 2015, de Vice-Président de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) en 2011 et de Membre de la Commission chargée de la réforme de la Constitution Ivoirienne en 1999 et de Membre de la Commission d’enquête sur les événements sanglants survenus à la cité universitaire de Yopougon en 1991.

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Ci-dessous, son discours prononcé le 24 avril dernier…

« Chers frères et sœurs, c’est l’occasion pour la communauté musulmane de s’adresser à tous les croyants et à tous nos compatriotes. Cette année, le Ramadan intervient dans des circonstances exceptionnelles que nous connaissons tous. Des circonstances qui ont vu s’abattre sur la planète entière une calamité dont l’ampleur et la violence ont été rarement égalées. Le monde entier est sous le choc d’un mal pernicieux, le Covid-19 qui n’épargne ni riches, ni pauvres. Et qui remet en question la plupart des certitudes qui ne sont pas suffisamment ancrées. Face à cette catastrophe effroyable, l’attitude du croyant consiste d’abord à prendre les précautions nécessaires et à intensifier les prières.

En effet, tous les savants de l’Islam admettent que si Dieu a octroyé autant de facultés à l’être humain, c’est bien pour lui permettre de se prémunir et d’agir contre les inévitables aléas de la vie. Il y a par conséquent aucune contradiction entre la nécessité de se protéger et l’expression de la foi profonde en Dieu. Chers frères et sœurs, ainsi, comme la plupart de nos compatriotes, vous avez déjà fait de très grands sacrifices en acceptant la fermeture temporaire des mosquées et autres lieux de culte. Cette décision extrêmement difficile n’a pas été prise de gaieté de cœur par la haute hiérarchie religieuse.

Bien au contraire, c’est avec la conviction que nous sommes face à une véritable épreuve divine que nous avons dû nous résoudre à accepter une décision aussi douloureuse. C’est l’occasion pour nous d’attirer l’attention de nos compatriotes et de nos coreligionnaires que cette décision de fermeture de lieu de culte n’est pas propre à nous seul, ni dans le temps, ni dans l’espace. Dans le temps, l’histoire de l’Islam nous montre que plusieurs fois, quand il y a eu des calamités de ce genre, les mosquées ont été fermées. Même le cinquième pilier de l’Islam (le Hadj) a été supprimé pendant plus de 40 fois.

Nous profitons de l’occasion pour féliciter donc notre communauté et tous ceux qui ont fait un effort pour faire respecter ces mesures. A cette occasion, vous avez fait preuve d’une discipline et d’une intelligence qui honorent toute notre communauté. C’est d’ailleurs le lieu d’adresser nos encouragements aux responsables du pays et à tous ceux qui luttent au quotidien avec abnégation pour limiter les méfaits de ce terrible fléau. Mais l’épreuve est plus grande encore lorsqu’il s’agit du Ramadan. Tout musulman sait la ferveur particulière que la fréquentation de la mosquée, les longues prières du soir confèrent à ce pilier essentiel de l’Islam qu’est le jeûne.

Cette année, il en sera autrement par la volonté de Dieu. Notre seigneur, que nous devons louer en situation de bonheur et de félicité, tout comme lorsque nous sommes frappés par le malheur en a décidé ainsi. Loin de nous décourager donc. Cette situation doit nous inciter au contraire à une plus grande concentration spirituelle, à plus de piété individuelle. Nous savons tous en effet que ce mois béni est à la fois celui de la piété, du pardon et de la solidarité. Dieu ne dit-il pas dans le Coran, sourate Al Baquarat verset 183 : « Le jeûne vous a été prescrit comme il a été prescrit à ceux qui vous ont précédé pour que vous deveniez davantage pieux ».

Cette année, toutes ces valeurs essentielles se trouvent plus que jamais mises en exergue. Oui, la piété est une digue contre le désespoir lorsque le croyant traverse des heures sombres. C’est le recours ultime auquel s’accroche le croyant et qui lui donne même au milieu des périls des raisons d’espérer. Ce mois de Ramadan est celui du pardon. Celui que Dieu nous a promis de façon explicite. Mais Dieu pardonne à celui qui demande pardon. D’où la nécessité pour tous d’accomplir nos dévotions avec force et conviction. Toutefois, le pardon, la tolérance entre les êtres humains sont plus importants encore.

Il nous faut nous pardonner mutuellement, nous pardonner sans préalable. Non pas par faiblesse, mais par conviction. Ce grand nuage qui enveloppe actuellement la terre, qui vide les plus grandes métropoles de leurs habitants doit nous faire réfléchir et nous inciter à prendre conscience de la faiblesse des constructions humaines, mais aussi de la force, de la fraternité humaine, qui est, à n’en point douter, une prescription divine.
Chers frères et sœurs, le Ramadan est le mois de solidarité. En vérité, ce sens du partage ne nous a jamais fait défaut dans notre pays, cette terre si généreuse.

Mais cette année, compte tenu des circonstances que nous vivons, la solidarité se doit d’être plus agissante, plus forte encore… L’attention aux plus faibles, aux démunis, aux malades est une impérieuse nécessité. Dans nos villes et villages, nous devons tous faire preuve de générosité afin que personne ne se sente exclus, encore moins désespéré. Nul n’est vraiment riche lorsqu’il est cerné et assailli par des milliers de nécessiteux. Et nul ne préserve durablement sa propre santé au milieu des nombreux malades abandonnées à leur sort. C’est donc un devoir religieux et humain auquel nous ne pouvons nous soustraire.

Il nous faut dès lors, cultiver la grande compassion qui nous aidera, par la grâce de Dieu, à traverser les temps difficiles, que nous vivons. Notre pays, en dépit de tout, a su faire face aux situations les plus périlleuses. Fasse Dieu que la nation toute entière se remette rapidement de ce grand malheur planétaire et reprenne sa marche vers le progrès général. Le mois béni de Ramadan est l’occasion idéale pour confier notre commune destinée à Dieu Tout puissant. C’est une clé qui nous aide à ouvrir la porte de la sérénité dont nous avons tous besoin.

Nous exhortons donc chaque âme à faire preuve de dépassement et à prier intensément pour la sauvegarde de notre pays, de nos voisins et de toute la planète.
Bon mois de Ramadan ! Qu’Allah Soubhana wa t’Allah veille sur notre pays, sur ses voisins et sur toute la planète. Que Dieu nous aide tous et qu’il nous protège contre le virus à Corona ! Qu’il protège nos villes, nos villages, nos familles, nos maisons et tout ce qui nous entoure contre cette maladie et cette calamité. Que Dieu nous aide et qu’il nous protège tous. Amine ! »

 

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