L’information a été donnée par Radio France internationale ; une « mission » de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, qui devait se rendre à Conakry le vendredi 28 février 2020, aurait reçu une fin de non recevoir de la part de la présidence guinéenne. En y fouillant de près, on a été stupéfait de découvrir qu’il s’agit plutôt d’une manœuvre personnelle du président nigérien, Mahamadou Issoufou, quoique président en exercice de la CEDEAO.
La « mission » de la CEDEAO n’en était pas une. Selon nos sources, tout a été déclenché quand le président nigérien a appelé son homologue guinéen pour lui faire part d’une « mission » de la CEDEAO devant se rendre vendredi à Conakry pour discuter des questions relatives aux élections en Guinée. Selon Issoufou, la « mission » comprenait 4 chefs d’Etats dont lui-même, Muhammadu Buhari (Nigeria), Nana Akufo-Addo (Ghana) et Roch Christian Kaboré (Burkina Faso), trois personnalités qui consacraient le « haut niveau » des hôtes.
« Le président a donné son accord de principes, en tenant compte de la bonne foi de Issoufou », précise une de nos sources. L’affaire semblait bouclée et la fameuse « mission » devait donc se préparer pour le voyage.
Naturellement, Alpha Condé appelle le président burkinabè pour échanger avec lui. « A sa grande surprise, Roch Christian Kaboré, président du Burkina Faso, a dit qu’il n’était pas au courant de la mission initiée par Issoufou ! », souligne une de nos sources. Incrédule, le président guinéen prend alors soin d’appeler son homologue ghanéen, Akufo-Addo. « Celui-ci a tout de suite manifesté sa surprise et a dit : je ne suis pas du tout informé de cette mission et Issoufou ne m’en n’a jamais parlé. D’ailleurs, je suis actuellement en Norvège et donc je ne peux même pas participer à une telle mission », a ajouté notre source. En clair, deux des chefs d’Etats présentés comme étant membres de la « délégation de haut niveau » n’étaient même pas au courant du voyage…
Il ne restait plus qu’à contacter le président nigérian, Buhari. Là aussi, patatras, le leader du pays le plus puissant de la CEDEAO indique que « Issoufou lui a dit de l’accompagner à Conakry mais il ne lui a pas dit l’objet de sa visite. Le président l’a d’ailleurs informé que vendredi est le dernier jour de la campagne ».
Aux dernières nouvelles, Buhari s’apprêtait à appeler son homologue nigérien pour lui dire qu’il ne se rendra pas à Conakry. Du côté du palais Sékhoutouréya, on soupçonne une grande puissance étrangère d’être derrière les manœuvres bizarres du leader nigérien, jadis très proche du Guinéen. Mais ça, c’était avant.
En tout état de cause, il semble évident que l’indépendance affichée par Conakry ne soit pas du goût des amis de Issoufou. Le dernier camouflet, pour donner un caractère anecdotique à cette vraie fausse mission, est cette réunion des pays hors zone franc CFA, présidée par un ministre guinéen, qui prenait à contre pied des décisions prises quelques jours plus tôt par les partisans d’un ECO (la future monnaie ouest africaine) arrimé à… l’euro. Une question cependant : qui avait intérêt à diffuser une rumeur aussi erronée qu’une « mission » de haut niveau de la CEDEAO rejetée par Conakry ?
Halima Camara