Le président philippin Rodrigo Duterte a pressé lundi les parlementaires de rétablir la peine de mort, dans le cadre de sa lutte musclée contre les drogues critiquée dans le monde entier et au nom de laquelle la police a déjà tué des milliers de personnes.
Jouissant de taux de popularité exceptionnels et soutenu par un parlement dominé par ses alliés, M. Duterte a profité de son discours annuel sur l’état de la nation à Manille pour exhorter à l’action sur un élément clé de son programme anti-criminalité.
« Je demande respectueusement au congrès de rétablir la peine de mort pour les crimes odieux liés aux drogues et au pillage », a-t-il déclaré en référence à la corruption endémique dans le pays.
Bien qu’il soit visé par une enquête préliminaire de la Cour pénale internationale pour sa campagne anti-drogues, que les Nations unies passent également au crible, Rodrigo Duterte s’est montré bravache.
« Si vous me fournissez une cellule confortable, chauffée pendant l’hiver (…) et un nombre illimité de visites conjugales, nous pourrons nous entendre », a-t-il ironisé.
L’ONG Amnesty International a dit craindre les conséquences de cette initiative dans un pays où la police dit avoir tué plus de 5.300 trafiquants et consommateurs présumés de drogues. Selon des activistes, le bilan réel est au moins quatre fois plus élevé.
Le Sénat philippin est traditionnellement considéré comme plus indépendant face au pouvoir exécutif que la Chambre des représentants. Il a joué depuis trois ans un rôle crucial pour bloquer certaines des initiatives les plus controversées du bouillant président.
La victoire des alliés de M. Duterte aux élections de mi-mandat du Sénat en mai, dont Imee Marcos, la fille de l’ancien dictateur Ferdinand Marcos, a donné au chef de l’Etat les coudées franches pour mettre en œuvre ses projets controversés de rétablissement de la peine de mort et de réforme de la Constitution.
La peine de mort avait été abolie en 1987, avant d’être réinstaurée six ans plus tard et de nouveau abolie en 2006, à l’issue notamment d’une longue campagne de lobbying de l’Eglise catholique qui compte 80% de fidèles dans l’archipel.
Les Philippines ont cependant fait un grand pas en 2017 vers le rétablissement du châtiment suprême, avec le vote par la Chambre des représentants d’une loi prévoyant cette peine pour ceux qui seraient pris en possession de 500 grammes de marijuana ou 10 grammes de cocaïne, d’héroïne ou d’ecstasy. Le texte n’avait toutefois pas été validé par le Sénat.
AFP