Alia Ghanem, mère de ben Laden : ‘’c’était vraiment un bon garçon avant qu’on lui lave le cerveau’’
Comment Oussama ben Laden, élève timide et studieux, est-il devenu la figure mondiale du terrorisme islamiste, responsable des attentats du 11 septembre 2001 qui ont coûté la vie à 3.000 personnes et fait entrer le monde dans la terreur? Dans une interview accordée au quotidien britannique The Guardian, la mère de l’ex-leader d’al-Qaïda parle pour la première fois de son fils, tué en 2011 lors d’un raid américain au Pakistan.
My son, Osama: the al-Qaida leader’s mother speaks for the first time https://t.co/xVHtSkGfRx
— The Guardian (@guardian) August 3, 2018
Elle a beau avoir mis au monde un homme responsable de la mort de milliers d’innoncents, Alia Ghanem reste une mère. Une mère qui aime toujours profondément son fils, malgré les atrocités qu’il a commises ou commanditées. Un fils absent, surtout.
« Ma vie fut très difficile parce qu’il était loin de moi », explique Alia Ghanem en évoquant son fils au journaliste du Guardian, qui l’a rencontrée début juin dans le manoir de la famille à Djeddah, en Arabie saoudite. « Oussama était un si gentil garçon, il m’aimait tellement » se souvient cette Syrienne d’origine âgée aujourd’hui d’une septantaine d’années.
À ses côtés se trouvent deux de ses fils et demi-frères d’Oussama, Ahmad et Hassan, et son deuxième mari, Mohammed al-Attas. C’est lui qui a élevé les trois garçons, dont le petit Oussama dès l’âge de trois ans.
Oussama, le combattant respecté devenu paria
La mère de ben Laden a toujours refusé de parler de son fils, comme la majeure partie de la famille d’ailleurs. De toute façon, il est pratiquement impossible de communiquer avec le clan ben Laden, qui reste l’un des plus riches et les influents du royaume. Les choses ont cependant changé sous l’égide du prince héritier progressiste Mohammed ben Salmane. C’est donc avec sa bénédiction que le journaliste Martin Chulov a pu s’entretenir avec la famille d’Oussama ben Laden. Non sans intérêt cependant. En effet, le prince espère qu’en s’ouvrant aux médias occidentaux, le clan ben Laden confirmera qu’un paria du royaume et non un agent de celui-ci, comme il était soupçonné, est responsable des attentats du 11 septembre. Dans son récit, le journaliste du Guardian précise que des officiels saoudiens étaient présents lors de l’interview, mais qu’ils n’ont en aucun cas influé sur la conversation.
Alia Ghanem décrit son fils comme un enfant timide et studieux, au potentiel intellectuel certain. Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans qu’il s’affirma, lorsqu’il étudiait l’économie à l’université King Abdulaziz à Djeddah. C’est là qu’il s’est radicalisé, confie-t-elle. « Les gens à l’université l’ont changé », se souvient sa mère. « Il était devenu un homme différent. » L’une des personnes dont Alia Ghanem fait mention s’appelle Abdullah Azzam, alors membre des Frères Musulmans, qui deviendra plus tard un « conseiller spirituel » de ben Laden.
Alia Ghanem se répète. « C’était vraiment un bon garçon avant qu’on lui lave le cerveau. Je lui ai toujours dit de se tenir à l’écart de ces gens, mais il ne m’a jamais avoué ce qu’il faisait. Il m’aimait trop pour cela », dit-elle.
« En tant qu’homme, je ne suis pas fier de lui »
Au début des années 1980, Oussama ben Laden part combattre les soviétiques en Afghanistan. « Tout le monde le respectait, on était très fier de lui », embraie Hassan, son demi-frère. « L’Arabie saoudite le tenait en grande estime. Et puis Oussama le moudjahidine est arrivé… »
L’homme poursuit. « Je suis fier de lui car c’est mon grand frère, il m’a beaucoup appris », dit Hassan. « Mais en tant qu’homme, je ne suis pas fier de lui. Il est devenu célèbre sur la scène mondiale, mais de quelle manière… » regrette-t-il.
Alia Ghanem n’aurait jamais imaginé que son fils puisse devenir un djihadiste. « Cela ne m’a jamais traversé l’esprit! », affirme-t-elle. Comment a-t-elle réagi en l’apprenant? « J’étais terriblement fâchée. Je ne voulais pas que tout cela se produise. Pourquoi a-t-il tout fichu par terre comme ça? » se demande-t-elle, furieuse et désolée.
Sa dernière rencontre avec Oussama remonte à 1999, à Kandahar, en Afghanistan. « Nous nous sommes vus dans un endroit près de l’aéroport, qu’ils venaient de reprendre aux Russes », se souvient-elle. « Il était vraiment heureux de nous recevoir. Nous avons organisé une grande fête pour l’occasion », précise la matriarche.
« On a vite compris qu’il était derrière les attentats »
Ahmad, l’autre demi-frère d’Oussama, dit avoir été « choqué » et « étonné » en apprenant les attentats du 11 septembre aux États-Unis. « C’était un sentiment étrange, car avons vite compris qu’il (Oussama ben Laden) était derrière ça », avoue-t-il. « Du plus jeune au plus âgé, nous avons tous eu honte de lui. Nous savions que ses actes auraient des conséquences dramatiques pour notre famille. »
De fait, la famille d’Oussama ben Laden fut interdite de quitter l’Arabie saoudite durant un long moment. Aujourd’hui, près de 17 ans après les attentats, elle est plus ou moins libre de circuler.
Source : 7sur7