Faya Millimouno : ‘’un leader de l’opposition a proposé 50 millions fg pour nous abattre’’
L’intrépide et constant Faya Millimouno parle de sa démarche pour la réunification de l’opposition guinéenne en vue d’une alternance politique en 2020. Même s’il admet que le chemin est parsemé d’obstacles, le leader du BL garde « espoir puisque c’est ce qui fait vivre ». L’opposant révèle avoir été la cible d’un leader de l’opposition qui aurait utilisé son argent pour l’abattre.
Son grand potentiel, sa population souffre. Si nous avons été capables de travailler par le passé ensemble, qu’est-ce qui peut nous en empêcher maintenant ? Il est important que nous nous donnions une occasion pour rappeler que ce n’est pas un combat de personnes, mais d’idées. Nous pouvons ne pas être d’accord à des moments, mais que cela n’autorise pas les uns à dire du n’importe quoi sur les autres. Les injures, les insanités, les arrogances, ça caractérise cette opposition. Il faut qu’à un moment donné ça s’arrête ! D’ailleurs, nous sommes condamnés à travailler ensemble, si nous voulons créer l’opportunité d’une alternance dans notre pays.
Parallèlement à votre démarche de réunification de l’opposition, le BL s’est aussi engagé dans les démarches d’une éventuelle alliance avec l’Ufr, le Pedn, le Pades, etc. Quels en sont les vrais enjeux ?
Le BL est ouvert à toute possibilité d’alliance. Mais encore une fois, il y a des préalables à tout cela. Nous voyons des mariages se nouer sur le terrain politique pour que le divorce intervienne le lendemain. Ça devient des feux de pailles. C’est comme si on le fait pour faire plaisir aux médias d’avoir des lignes à raconter. Je pense que ce n’est pas notre rôle ça. Si nous devons bâtir des alliances sur des choses solides, elles doivent être bâties sur des valeurs, des communions d’idées. On ne se lève pas pour dire qu’on est allié. C’est pour cette raison et pour nous permettre de prendre conscience de tout cela que le BL a proposé cette démarche rigoureuse qui ne favorise personne et n’est contre personne. Mais qui nous permet à tous de balayer ce terrain politique qui, en son sein, a beaucoup de faiblesses pour nous permettre de construire sur quelque chose de sain. Les alliances sont nécessaires si nous devons arriver à changer les choses, mais elles se font sur la base d’un certain préalable. Nous avons été contactés pour cette alliance. J’ai dit que nous avons entamé une démarche et je crois qu’on devait la laisser aboutir. C’est celle d’abord, de réfléchir sur l’avenir de notre opposition et d’en faire le diagnostic. Une fois qu’on l’aura fait et identifié ce qui ne va pas et qu’on trouve des solutions, nous pouvons nouer des alliances. Mais on ne peut pas se lever un matin pour faire des tresses sur les poux puis- que c’est pour défaire le lendemain.
Le paysage politique a évolué depuis 2010 avec des ténors de l’opposition qui ont rejoint la mouvance bien qu’ils se réclament toujours de l’opposition. C’est le cas de l’Ufr qui a des représentants dans le gouvernement ainsi dans l’administration publique. Alors, dans cette situation quelle est la chance de votre démarche d’aboutir à la réunification de l’opposition?
Il faut bien qu’on parte de quelque pour savoir qui est opposant et qui ne l’est pas. La loi dit: est opposant celui qui ne participe pas au gouvernement et ne soutient pas les actions de celui-ci. Il y a des partis de l’opposition et qui s’affirment comme tels, mais qui ne sont pas ensemble. On a l’opposition républicaine qui regroupait tout le monde et qui a fini par s’effriter. Elle n’est réduite aujourd’hui qu’à l’Ufdg et à quelques autres partis politiques autour. Ignorer qu’en dehors de l’opposition républicaine, il y a des partis de l’opposition qui n’ont rien à envier ou à rougir devant ce que fait l’opposition républicaine c’est faire preuve de mauvaise foi. Qu’est-ce qu’on peut faire pour que tous ces gens-là, sur la base d’une plateforme souple et légère, conjuguent le même verbe et développent les mêmes stratégies par rapport à certains enjeux ? Nous savons que tout en étant de l’opposition, on est des adversaires politiques. C’est-à-dire que si nous allons aux élections locales le 4 février 2018, le BL sera en compétition avec l’Ufdg, le Pedn, l’Ugdd et tous les autres. Mais au-delà, nous devons quand même nous donner la main pour que les conditions qu’on doit remplir pour notre compétition soient saines. C’était pour cette raison que l’opposition républicaine est née. Mais il faut reconnaitre qu’après sa naissance beau- coup d’acteurs ont fait du mal à cette opposition.
A qui faites-vous allusion ?
Sans dire le nom de personne, j’inscris ça dans le cadre du diagnostic de notre opposition dans son ensemble. Les guinéens qui nous observent peuvent se rendre compte qu’à un moment donné beaucoup d’acteurs ont exigé que l’opposition républicaine marche sur la base d’une certaine organisation et des règles de fonctionnement. Rappelez- vous qu’à un moment donné, la Coalition de l’opposition extraparlementaire (COEP) avait fait une déclaration pour dire que si certaines choses ne changeaient pas au sein de l’opposition républicaine, on se retirait. On a pris de la hauteur en faisant en sorte qu’il y ait une charte qui devait s’imposer à chacun des acteurs. Mais il a suffi une contradiction suite à l’adoption du point 2 de l’Accord politique du 12 octobre 2016 pour que ça vole en éclats. Tout simplement parce que les uns et les autres n’ont pas eu la même appréciation de la chose.
Bien qu’il y ait eu une charte, cela n’a pas empêché l’effritement de l’opposition. Maintenant, qu’est-ce qu’il vous faut vraiment pour être ensemble?
La vérité est une valeur. Ou on se conforme aux valeurs ou on ne s’y conforme pas. Est-ce que le fait qu’un parti politique ait une position différente autorise d’autres à le taper dessus, à le trainer dans la boue. Nous avons été invectivés…
Faites-vous allusion aux couacs enregistrés récemment entre le BL et l’Ufdg?
Pas seulement l’Ufdg, mais l’opposition républicaine dans son ensemble ! Il y a eu telle- ment d’invectives et de calomnies dans les médias jusqu’à ce qu’un envoyé de l’opposition républicaine vers le Front pour la défense des droits des citoyens (Fronddc) ait proposé des millions de FG à certains leaders pour abattre d’autres. Nous avons vécu cela dans l’échiquier politique guinéen. Vous croyez qu’on va perdre notre temps à aller s’asseoir autour de la table avec des gens qui attendent qu’on tourne le dos pour nous poignarder ? Non !
Donc, il y a eu un leader politique, en plus, de l’opposition républicaine qui a payé de l’argent pour vous déstabiliser ?
Il a proposé de l’argent à d’autres. C’est payer ou pas, nous ne savons pas. Cela a été de manière claire. Ce sont des gens à qui on a proposé jusqu’à 50 millions de FG qui nous l’ont dit. Ils ne l’ont pas dit en privé, mais en public. Ils l’ont dit à l’occasion des rencontres du Fronddc. Encore une fois, je dis
Il y a quelques semaines vous aviez engagé des démarches pour réunifier l’opposition. Où en êtes-vous ?
Faya Milimouno: Au BL, c’est une préoccupation pour nous de réunifier l’ensemble de l’opposition. Dès que la décision a été prise au niveau des instances du parti, nous avons entrepris la tournée. On est allé voir le chef de l’opposition qui était entouré de ses collaborateurs. Nous avons été vers le Front pour l’alternance démocratique (Fad), le Pedn et beaucoup d’autres formations politiques qui s’identifient à l’opposition. Donc, un comité a été mis en place. Nous avons eu une réunion dans cette salle même (au siège du BL) avec des responsables politiques pour définir les orientations. On attend les travaux du comité même si à distance, nous avons un représentant, nous voyons que les gens ne veulent pas se soumettre à une démarche rigoureuse. On est dans un espace politique où les gens sont beaucoup amateurs de sensationnalisme. Les questions de fond ou les démarches rigoureuses ne semblent pas intéresser les gens. Au BL, nous ne sommes pas intéressés à participer à des actions de feu de pailles. Nous sommes en politique pour apporter quelque chose de nouveau à la Guinée. Nous invitons donc, les collègues à prendre au sérieux cette démarche parce qu’elle a le mérite de nous imposer une certaine rigueur et ne pas simplement nous focaliser sur ce que fait autrui. C’est-à-dire c’est trop simple de dire que l’opposition n’a pas encore réussi à créer l’alternance parce qu’on a toujours volé les élections. Là, c’est lorsque nous avons le focus exclusivement sur autrui. Faut-il qu’à un moment donné que nous tournions le regard sur nous- mêmes, que nous fassions l’autocritique et que nous comprenions que ce qui nous amène à des échecs, il y a en partie ce que nous posons comme acte. Faut-il que nous commencions par balayer devant notre propre porte et puis voir comment contrer ce qu’autrui fait.
Cette démarche rigoureuse est nécessaire. C’est pour cette raison que nous invitons les collègues à s’y conformer pour nous permettre de préparer l’alternance en 2020.
Etes-vous satisfait du travail de ce comité ?
Pour l’instant, non ! Parce que nous aurions dû avoir un retour d’informations. C’est aussi cela que nous déplorons sur l’échiquier politique guinéen. Même si l’idée sur la table semble bonne, à cause de la personne qui l’émet, on peut saboter. Nous sommes habitués à cela au BL. Nous avons mis beaucoup d’idées sur la table et beaucoup de propositions que nous avons faites, mais qui n’ont jamais été prises en compte. Donc, nous ne sommes plus intéressés à être avec des gens pour faire des photos. Nous sommes plutôt intéressés à travailler rigoureusement avec les gens pour amener le pays à connaitre une véritable rupture. Alors, à ce stade, je ne suis pas encore très satisfait des travaux du comité. Et j’en appelle à la volonté de tout un chacun pour que l’on comprenne que cette démarche est nécessaire pour nous permettre de prendre de l’initiative par rapport aux enjeux du moment.
L’unité d’action de l’opposition comme dans les années 2012 et 2013 dont vous rêvez est- ce possible en ce moment ?
J’ai grand espoir que c’est encore possible parce que je suis de ceux qui, en politique, sont venus pas pour parler des hommes, mais des idées et des stratégies pour sortir ce pays de l’ornière et qui, malgré et continue de dire que le BL est et demeure partie intégrante du Front. C’est un parti de l’opposition républicaine. Pour la première fois, j’ai entendu qu’un leader politique veuille proposer de l’argent à d’autres partis politiques pour s’attaquer à un autre leader politique du même bord politique. J’en ai parlé même avec le chef de l’opposition : Qu’est- ce que ça vous dit que vous entendiez que moi, j’ai proposé de l’argent à quelqu’un pour calomnier un autre leader politique ? Je n’ai jamais entendu une réponse adéquate par rapport à cela. Encore une fois, on ne tresse pas les cheveux sur des poux.
C’est l’Ufdg qui vous l’avait fait ?
Je n’ai pas dit que c’est l’Ufdg. Ce qui est sûr, c’est quelqu’un qui est mandaté par l’opposition républicaine d’entrer en contact avec nous.
Aujourd’hui, de quelle entité de l’opposition se réclame le BL?
Le Bloc libéral se réclame de l’opposition. Nous travaillons à réunifier l’ensemble de l’opposition. On a comme l’impression qu’en Guinée si on n’appartient pas à l’opposition républicaine ou à la mouvance présidentielle, on n’existe pas. Non ! L’espace politique est plus riche que ça. Moi, mon souhait personnel et celui de mon parti ont toujours été l’unité au sein de l’opposition. Mais cela ne peut se construire que dans le respect mutuel et que lorsque chacun est
respectueux de ce que nous décidons ensemble. C’est ce que nous n’avons pas encore obtenu des autres acteurs. Nous voulons travailler sereine- ment et honnêtement avec les uns et les autres. Beaucoup pensent que je suis naïf et qu’il n’y a pas d’honnêteté en politique.il y’a des gens qui me reprochent que je parle beaucoup comme un imam ou un prêtre. Je crois profondément que la politique n’est pas une contrevaleur.
Etes-vous optimiste au BL par rapport à la tenue des élections communales ?
Nous ne voulons pas ne pas être optimistes sinon, nous allons cesser d’exister. Or, l’espoir fait vivre. Nous sommes en train de courir après les élections locales et il y a beaucoup de nos compatriotes qui ne sont plus de ce combat et pour qui nous prions. Il y a un motif d’espoir aujourd’hui. La Ceni est de plus en plus ouverte aux acteurs pour lesquels elle organise les élections. Encore cette semaine réalisée le , il y a une convocation. Tous les acteurs politiques autour de la table ont fait l’évaluation du niveau d’avancement du chronogramme. La Ceni en a profité pour présenter le logiciel de gestion des candidatures. Dès que l’information manque, c’est la rumeur qui intervient. Dès que la communication manque, c’est la confusion qui s’installe. Je crois que la Ceni est en train de faire un effort pour éviter la confusion. Mais toute la volonté de la Ceni ne suffit pas pour que les élections aient lieu le 4 février prochain. Il faut la volonté du président de la République et de la mouvance présidentielle pour que nous y arrivions. Même si Kébé et tous les autres commissaires ont la volonté, s’il n’y a pas d’argent, il n’y aura pas d’élections. La Ceni ne fait que la proposition de la date. Ce n’est pas elle qui appelle les électeurs aux urnes; c’est le président qui le fait. C’est le gouvernement qui détient le cordon de la bourse. Nous sommes très sensibles à la nouvelle dynamique de la Ceni. Le style de gouvernance de Me Kébé semble totalement différent de celui de son prédécesseur Bakary Fofana qui pensait être invincible.
Le dépôt des candidatures et prévu entre le 6 et le 20 décembre 2017. Comment préparez-vous le scrutin ?
Nous sommes en train de nous préparer. J’étais à l’intérieur il n’y a pas longtemps. Au moment où je vous parle, il y a beaucoup d’endroits où nos responsables locaux sont en train de sillonner pour préparer des listes. C’est cette semaine seulement que j’ai envoyé à toutes nos structures le nouvel arrêté qui, au regard des résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat, nous dit, en fonction de la population, le nombre des conseillers par commune. Aujourd’hui, nous savons que c’est environ 7 024 conseillers qui seront élus le jour où nous irons aux urnes. Nous sommes en contact avec nos responsables pour que chacun regarde ça et en tienne compte. On est en plein dans les préparatifs. Nous disons à tous ceux qui croient en nous et en notre projet de société de nous venir en aide. Matériellement et financièrement, nous sommes preneurs. Nous ne sommes pas en politique parce que nous sommes riches, il faut qu’on le dise. Ce n’est pas une compétition d’hommes d’affaires, c’est une compétition de visionnaires. Venez nous en aide pour que nous puissions faire élire des gens qui vont changer la gouvernance au niveau local.
Quelles sont les circonscriptions qui vous intéressent le plus ?
Nous avons des circonscriptions un peu partout sur l’étendue du territoire national. A Conakry, il y a Ratoma, Matoto et d’autres sur lesquelles nous sommes en train de travailler. Il y a aussi des circonscriptions comme Coyah, Dubréka, Fria que nous regardons avec intérêt. En Moyenne Guinée, il y a Labé et Lélouma. En Haute Guinée, nous pensons que Kankan n’est pas une chasse gardée de quelqu’un. Nous serons également à Siguiri, Dabola, Dinguiraye ainsi qu’à Faranah et Kissidougou. Dans la région forestière, nous comptons avoir aussi des candidats. Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler avec une centaine de communes urbaines et rurales pour préparer des candidats.
Ces derniers temps, on sent des velléités de musèlement de la presse guinéenne. Il y a eu des journalistes arrêtés et d’autres bastonnés, ainsi que des médias suspendus. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Nelson Mandela disait : « un homme qui prive un autre homme de sa liberté y compris celle d’expression est prisonnier de la haine, de préjugé et d’étroitesse d’esprit ». Ce que nous observons par rapport à la presse guinéenne ne nous encourage pas. Nous avons l’impression qu’on a une volonté de museler la presse nationale. Or, c’est un pilier fondamental dans la construction d’une société démocratique. Jusqu’à présent, on se demande la vraie raison de cet acharnement contre Gangan TV. On a privé son directeur général de liberté d’abord à la gendarmerie de Tannerie et après à Matam. La solidarité fait partie de notre devise. Donc, des journalistes sont allés témoigner la solidarité à leur confrère. Ils ont été violentés, leurs matériels détruits. Il y en a qui ont été blessés. Nous regardons cela avec inquiétude. Nous avons également entendu la décision de la Hac (Haute autorité de la communication, ndlr) contre Espace. Qu’une émission soit suspendue, je suis d’accord, mais aller jusqu’à fermer c’est faire un excès de zèle, de l’abus d’autorité. Un avertissement a été aussi envoyé à Evasion TV. Je crois que tout cela dénote de l’intimidation pour fermer la bouche à la presse. La dictature n’est pas la pire des choses qui puissent arriver à un pays, c’est le silence de la majorité. Nous avons condamné dans une déclaration ces agissements anti-républicains, anti-presse de certains de nos gouvernants, mais aussi témoigner de notre solidarité à la presse guinéenne.
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