Ibrahima Kourouma, ministre de la Ville : ‘’dans un pays pauvre comme le nôtre, une Banque de l’Habitat balisant l’accès au logement des fonctionnaires est indispensable’’
Conakry, le 12 Octobre 2017 – La création d’une Banque de l’Habitat est une stratégie essentielle à la réalisation des projets ambitieux du Ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire. C’est en ce sens que le Ministre Ibrahima Kourouma, entend jouer le rôle de catalyseur pour mieux comprendre les problèmes qui assaillent le secteur de la Ville et de l’Aménagement du territoire. Par conséquent, les chantiers s’étendront de la sécurisation des documents fonciers en République de Guinée, à l’amélioration du système actuel. Pour parler de tous ces sujets, nous recevons pour Dr Ibrahima Kourouma, Ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire.
Bonjour Monsieur Ibrahima Kourouma. A la suite d’un léger remaniement opéré au sein du Gouvernement par le Président de la République, Vous avez hérité du portefeuille du ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire. A ce titre, quel constat avez-vous fait sur l’urbanisation de la capitale Conakry et de ces environs après votre prise de fonction ?
Tout d’abord, je tiens à exprimer ma reconnaissance à l’endroit du Président de la République, le Pr Alpha Condé pour m’avoir renouvelé sa confiance. Ma gratitude va également à l’endroit du Premier Ministre, chef du gouvernement, pour son soutien indéfectible et le sens de l’Etat dont il fait montre tous les jours. Cela dit, dès ma prise de fonction, j’ai cherché à mieux comprendre les problèmes qui assaillent le secteur de la Ville et de l’Aménagement du territoire. Ces problèmes sont très nombreux comme vous l’imaginez et comme beaucoup de nos compatriotes le constatent. Ils vont de la sécurisation des documents fonciers en République de Guinée à l’amélioration du système actuel, obsolète et décalé, dans un monde où et l’informatique et les nouvelles technologies jouent un rôle fondamental. Ces problèmes touchent également l’occupation sauvage et illégale des domaines réservés de l’Etat, les constructions anarchiques ne répondant à aucune norme de qualité et de sécurité, l’envahissement des trottoirs qui complique la fluidité des déplacements aussi bien des engins roulants que des hommes, etc. Tout cela donne une image brouillée et négative à nos compatriotes d’abord mais aussi et surtout aux étrangers en séjour dans notre pays. Notre vision va bien au-delà de la capitale Conakry et de ses environs : nos villes ont du mal à dégager un aspect agréable, accueillant et organisé. Bref, le constat est regrettable mais ma mission consiste à chercher à redresser la situation avec méthode, détermination et fermeté.
Lors de votre prise de fonction, vous avez annoncé que vous allez vous pencher sur la création d’une future banque de l’habitat en Guinée. Quelle sera la politique qui sera mise en place pour aboutir à la matérialisation de cette ambition ?
J’ai dit que nous comptons porter et défendre le projet de création d’une Banque de l’Habitat qui est essentielle à la réalisation de nos nobles ambitions. Ce n’est pas exactement une politique mais une stratégie. Nous voulons jouer le rôle de catalyseur car il est évident qu’un tel projet a besoin du soutien d’autres ministères et de la Banque centrale pour être réalisable. Dans un pays pauvre comme le nôtre, où le fonctionnaire est hanté par l’idée de se retrouver dans la précarité après la retraite, une Banque de l’Habitat lui balisant l’accès au logement est indispensable. A côté, l’Etat peut soutenir l’idée d’une société immobilière à capital mixte pour encadrer l’aménagement des logements sociaux et leur mise à disposition progressive aux personnes qui ont adhéré au système. Quel que soit son niveau de salaire, un fonctionnaire et de manière plus large un travailleur guinéen doit avoir l’opportunité d’avoir sa propre maison en la payant par traite, dans un modèle de location-vente comme cela se passe dans plusieurs pays africains. Pour le moment, nous sommes en phase de réflexion et nous allons présenter ce projet dès que nous serons prêts.
Les modalités de collecte des ressources pour le financement du logement social, le manuel de procédure pour l’expropriation pour cause d’utilité publique des terres et des ressources naturelles en Guinée et l’adressage de la ville de Conakry sont entre autres les dossiers que vous avez reçus au lendemain de votre prise de fonction. Peut-on avoir une idée sur l’exécution et l’impact qu’aura chaque dossier pour apporter un réel changement à l’urbanisation en Guinée ?
Chaque dossier a sa propre spécificité et nous devrons procéder par étape, avec rigueur et méthode, en fonction de l’urgence. Pour le premier point, nous comptons agir sur deux leviers : le public ou plus exactement le mixte (donc public-privé) et le privé. La Banque de l’Habitat, si elle voit le jour, et nous allons œuvrer résolument à sa mise en place, va permettre à un grand nombre de travailleurs ayant accepté d’y loger leurs salaires de souscrire aux contrats de location-vente par le biais de la société mixte qu’il faudra mettre en place. A côté, des structures privées que nous allons encourager pourront construire des logements et chercher des acquéreurs. Un tel schéma permet à tout le monde de trouver son compte, en fonction de ses revenus et de ses propres impératifs. Voilà pour le système de collecte qui, bien entendu, ne lèsera pas ceux qui auront les moyens d’acheter leur propre terrain et de construire leur maison.
Sur le second point, il n’y a pas d’autre solution que le respect scrupuleux de la loi en la matière dans notre pays. Il n’y a pas d’autre voie. Nous allons cependant veiller à ce que les expropriations pour cause d’utilité publique se passent en parfaite entente avec les occupants légaux. Nous allons d’ailleurs mener une réflexion pour voir ce qui peut être amélioré dans les textes pour rendre la procédure plus efficace. Quant à l’adressage de la ville de Conakry, c’est évidemment à la fois un grand chantier et une priorité pour le Ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire (MVAT). Le traitement diligent de tous ces dossiers est indispensable à l’amélioration de la situation actuelle. Un autre de nos projets est d’améliorer le cadre de vie dans les quartiers en permettant l’exécution de certains projets pour l’aménagement d’aires de jeux et de sport. Nous ne sommes qu’au début des grands changements que nous comptons apporter au MVAT.
Quels sont les défis et enjeux auxquels l’aménagent du territoire est confronté ? Quels seront les axes forts de votre stratégie pour faire face à tous ces défis ?
Il n’y a pas mille manières de camper les enjeux et de dérouler le programme devant nous permettre d’atteindre nos objectifs. Les défis sont tellement grands ! Il nous faut une meilleure organisation pour avoir toute la visibilité sur les dossiers traités par notre département et nous devons faire la promotion du travail bien fait. Nous devons être proactifs en agissant avec lucidité, justice et sérieux. Trop d’acteurs se sont auto-invités dans les activités du MVAT ; cela crée des confusions et fait le lit de la corruption. Il faudra mettre un terme à cette spirale qui fait beaucoup de mal à notre pays. C’est pourquoi, nous le répétons, nous allons sanctionner les cadres indélicats pour que tout le monde comprenne que la gestion de la Ville et de l’aménagement du territoire est une chose si sérieuse qu’on ne peut pas s’autoriser des errements. Il faut qu’on mette fin à l’anarchie et à la légèreté. Que ce soit pour les domaines réservés de l’Etat, que ce soit pour l’amélioration de l’occupation des espaces publics, que ce soit pour l’adressage, la gestion des documents fonciers, l’informatisation du système, etc, nous devons être très rigoureux. Je veillerai personnellement à ce que tout le monde s’active dans ce sens.
Depuis votre prise de fonction, vous multipliez les visites de terrain dans le cadre de la récupération des domaines de l’Etat. Après la décharge de la minière, le site de Kagbélén, les flancs du mont Kakoulima et Copahu, quel constat faites-vous des occupations anarchiques de ces différents domaines appartenant à l’Etat ? Quelles sont les mesures prises par votre département pour faire face à cette triste réalité ?
Les gens doivent comprendre que tolérer ce genre de situation, à savoir l’occupation illégale des domaines réservés de l’Etat, serait la porte ouverte à tous les abus. Si les domaines fonciers de l’Etat lui-même sont pillés et morcelés, nul n’est à l’abri. Il faut souligner que les précédents occupants du domaine de la décharge de la Minière (Dar es Salam) avaient été intégralement dédommagés par l’Etat pour leur permettre de quitter les lieux dans la dignité. Ce sont de nouveaux occupants, qui ont bénéficié de la complicité de certains responsables de l’Etat qui y ont été installés en toute illégalité. A Kagbelen, des responsables ont fait des arrangements illégaux pour permettre à des particuliers d’envahir le domaine et ses emprises. Certains y ont construit leur villa ! Si l’on veut agir comme dans une jungle, c’est tout le monde qui perd et la loi n’aurait plus de sens. C’est absolument inacceptable. Les déguerpissements se feront et tous les sites que vous évoquez seront récupérés et sécurisés.
L’aménagement du territoire national reste handicapé par l’absence d’une politique de fermeté de l’autorité publique vis-à-vis notamment des constructions anarchiques et des occupations illégales de domaines publics. Comment comptez-vous faire face à cette situation pour réussir à inverser la tendance ?
Un des aspects de notre mission est justement de changer cet état d’esprit. Nous allons faire preuve d’une grande fermeté, dans le respect de la loi. Rien de durable ne peut être construit dans l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat. D’un autre côté, nous allons communiquer pour que tous les citoyens soient informés de nos textes et des décisions du gouvernement liées au MVAT. Cela permettra d’améliorer la perception des gens par rapport à notre mission et, nous l’espérons, changer la donne.
Aujourd’hui la Guinée est le seul pays de la sous-région où l’adresse physique n’existe pas. Quelle solution préconisez-vous pour permettre une urbanisation moderne de nos zones avec un système de numérotation ou de dénomination des boulevards et des rues ?
L’adressage englobe plusieurs enjeux y compris sécuritaires. C’est un aspect assez important pour être souligné. L’adressage permet de gagner du temps et de se situer par rapport à l’espace. La situation actuelle peut être améliorée et nous allons nous y atteler. Il y avait déjà un projet avant notre arrivée au MVAT. Nous allons procéder à des vérifications pour voir si les critères de qualité et de sérieux sont respectés et au cas où nous ne serions pas satisfaits, nous allons initier très rapidement un autre projet dans ce domaine. Ce qui est sûr c’est que notre action vise à faire de Conakry une capitale moderne, offrant un cadre de vie agréable.
Votre mot de la fin Monsieur le ministre
Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’avez offerte de m’exprimer dans le bulletin du gouvernement. C’est une belle initiative qui nous permet d’expliquer et de faire comprendre notre action. Nous travaillons dans l’intérêt des Guinéens.
La Cellule de Communication du Gouvernement