Obama : « Je pense que mes cheveux blancs sont dus à la Syrie »
Le président américain a eu la volonté, depuis son arrivée à la Maison-Blanche, de résister à la tentation interventionniste, mais ses hésitations en Syrie ont eu des conséquences désastreuses.
Début août, Barack Obama est apparu fatigué lors d’une rencontre avec la presse au Pentagone, à Washington, après avoir participé à une réunion consacrée à la menace de l’organisation Etat islamique. « Je pense que mes cheveux blancs sont dus à la Syrie », a-t-il dit sur un ton désabusé qui montrait un commander in chief, comme les présidents américains aiment à se décrire, en fin de course.
Barack Obama est en panne de stratégie en Syrie, ce qui ne serait pas grave si la guerre dans ce pays n’avait autant de conséquences tragiques, d’abord pour le peuple syrien martyrisé, et ensuite pour le reste du monde. Réfugiés, terrorisme, déstabilisation… le prix de l’inaction depuis cinq ans est devenu très élevé, ce qui ne facilite pas la prise de décision.
Le président des Etats-Unis réfléchissait à haute voix, ce jour-là, sur un plan de coordination militaire avec la Russie en Syrie, qui ne fait pas l’unanimité au sein de sa propre administration, tout en disant qu’il ne pouvait pas faire totalement confiance à Vladimir Poutine… Mais, au moment même où il s’exprimait, une bataille décisive se déroulait sur le terrain, loin, très loin des tergiversations du chef de l’exécutif américain.
Double défi
Les combats se déroulaient autour de la ville clé d’Alep, dont la partie tenue par les rebelles était encerclée depuis un mois par l’armée du régime de Bachar al-Assad, soutenue par la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais. Et, contre toute attente, une contre-offensive rebelle est parvenue à rompre cet encerclement et à ouvrir un couloir permettant l’approvisionnement de quelque 275.000 civils privés de tout.
Ce coup de théâtre militaire pose un double défi à Obama : d’abord avec la Russie, car l’encerclement d’Alep contredisait les engagements de cessez-le-feu pris par Moscou. Au lendemain du succès rebelle, l’aviation russe a effectué un bombardement violent de la ville d’Idlib, non loin d’Alep, avec, selon les rebelles qui tiennent cette localité stratégique, des bombes incendiaires, certains disent au phosphore, qui ont provoqué des incendies visibles de loin. Mauvais augure pour la prochaine rencontre Kerry-Lavrov, les deux chefs de la diplomatie, qui devaient définir des objectifs communs.
Mais la bataille d’Alep marque aussi l’ascendant pris sur la nébuleuse rebelle par le groupe Fatah al-Cham, plus connu sous son ancien nom, Jabhat al-Nosra, jusqu’à récemment la branche syrienne d’Al-Qaida. Al-Nosra a rompu ses liensavec la « centrale » djihadiste et a changé de nom, mais pas nécessairement d’idéologie. Or, à Alep, nécessité faisant loi, tous les groupes rebelles – à l’exception de Daech, peu présent dans la ville – se sont alliés pour briser l’encerclement, y compris ceux a liés à l’Armée syrienne libre soutenue par Washington et Paris. De quoi compliquer un peu plus les alliances dans cette guerre où les ennemis de mes ennemis ne sont pas nécessairement mes amis…
Dossier prioritaire
Barack Obama a eu la volonté, depuis son arrivée à la Maison-Blanche, de résister à la tentation interventionniste qui a provoqué les guerres dont il a hérité en Afghanistan et en Irak. Mais ses hésitations en Syrie ont eu des conséquences désastreuses.
A l’approche de l’élection de son successeur, des voix se font entendre pour un durcissement américain, comme celle de Dennis Ross, ancien conseiller de Hillary Clinton au Département d’Etat, qui a préconisé, dans le « New York Times », de bombarder l’armée d’Assad pour amener Damas – et Moscou – à négocier.
Si Hillary Clinton est élue, la Syrie sera assurément son dossier prioritaire, pour le meilleur ou pour le pire.
In L’Obs