La légitime défense ne peut être assimilée à la vengeance… (Par le juge Mohamed Diawara)
La légitime défense l’une des causes d’irresponsabilité pénale, trouve son fondement dans les articles 59 et 320 du code pénal guinéen de 1998.Elle empêche que soit engagée la responsabilité pénale de l’auteur bien que l’infraction commise soit constituée dans tous ses éléments à savoir :
L’élément légal (les dispositions du code pénal et textes annexes).
L’élément matériel (le fait d’agir pour accomplir un acte).
L’élément moral (l’intention coupable).
Face à une cause d’irresponsabilité pénale notamment la démence (la maladie mentale), l’état de nécessité (qui consiste à autoriser une action illégale pour empêcher la réalisation d’un dommage plus grave), les juges a priori constatent qu’une infraction a bel et bien été commise, puis conclut que l’auteur de ladite infraction n’est pas juridiquement coupable ce qui signifie que l’intéressé n’est ni déclaré coupable ni bien sûr condamné.
Il s’agit plus précisément d’un fait justificatif, si nous voulons une cause d’irresponsabilité liée à l’infraction elle-même et non à son auteur.
En effet ; la notion de légitime défense s’applique lorsqu’ une personne agressée n’ayant pas d’autres choix fini par se défendre. Elle s’applique aussi bien aux individus qu’aux États.
Entendons par légitime défense comme l’autorisation légale de faire cesser une agression immédiate et injustifiée contre soi-même , à autrui ou à ses biens, ou encore pour interrompre l’exécution d’un délit ou d’un crime à l’encontre d’un bien par des moyens en d’autres cas interdits.
A propos l’article 320 du code pénal guinéen de 1998 dispose : « Est présumé agir en état de légitime défense, celui qui commet un homicide, porte volontairement des coups ou faits des blessures soit en repoussant, pendant la nuit, l’escalade ou l’effraction des clôtures, murs ou entrées d’une maison, d’un appartement habité ou de leurs dépendances, soit en se défendant contre les auteurs de vols ou de pillages exercées avec violence.»
Il ressort du présent article que la personne en état de légitime défense est pénalement irresponsable de ses actes. Elle ne doit pas être sanctionnée par la justice.
Ce faisant, trois(3) critères sont à observer :
-Premièrement l’acte nécessaire: Il n’y a aucun autre moyen de se soustraire au danger ou de commettre l’acte pour se défendre, défendre une personne ou ses biens.
-Deuxièmement la simultanéité: La riposte doit être immédiate, donc en matière de légitime défense, on ne doit pas agir par vengeance ou dans le but d’anéantir l’agresseur en fuite.
Rappelons que la légitime défense est une notion mal comprise et surtout mal assimilée par bon nombre de personne mais qu’il ne faut surtout pas confondre avec la vengeance c’est pourquoi, nous avons trouvé opportun de préciser que ces deux(2) notions (la légitime défense et la vengeance) se séparent fondamentalement elles ne sauraient être les mêmes loin s’en faut. Si la légitime défense fait partie des circonstances qui justifient ou légitiment une infraction, la vengeance quant à elle ne peut l’être. Un exemple pratique en la matière, tirer son agresseur dessus alors que ce dernier est en train de se sauver n’est plus un acte de défense mais une réaction guidée dans l’optique de se faire justice donc de vengeance. Puisque personne n’a le droit de se faire justice soi-même, l’auteur de la vengeance est sans nul doute sanctionné par la justice ce faisant, en aucun cas la légitime défense ne peut être assimilée à la vengeance.
Cette précision vise surtout à distinguer la légitime défense de la vengeance (le fait de se faire justice soi-même), deux(2) notions qui méritent d’être distinguées pour éviter les malentendus, les approximations, voire les erreurs judiciaires.
-Troisièmement la proportionnalité de la riposte à l’agression : Il ne doit pas y avoir d’excès dans la riposte.
La légitime défense ne saurait être retenue lorsqu’ en réponse, un agresseur non armé aura été tiré dessus à bout portant par la victime.
En sus de ces trois(3) critères, l’attaque contre soi-même ou autrui doit également répondre à trois conditions:
1 -Etre actuelle : le danger est imminent ; l’agression et la riposte doivent être concomitantes c’est-à-dire dans une même unité de temps. Dès lors qu’un temps plus ou moins long s’est écoulé entre l’attaque et la riposte, on ne saurait parler de la présence du danger. Rappelons de nouveau que la fuite de l’agresseur exclut la notion de légitime défense.
2-Etre injustifiée : Il ne saurait y avoir agression si l’acte est juste, c’est-à-dire autorisé ou ordonné par la loi. L’usage de la force par une personne peut être justifié. En guise d’illustration, la riposte aux forces de police qui font usage de force nécessaire pour le maintien d’ordre pendant une manifestation ne peut être assimilée à la légitime défense.
3-Etre réelle : l’agression ne doit pas être putative, c’est-à-dire, les objectifs de l’agresseur étant univoques, l’agression doit exister de manière certaine.
Cependant, la légitime défense est admise en cas d’agression naturellement apparente et vraisemblable. Seule une agression imaginaire est exclue en la matière.
La légitime défense s’applique également aux atteintes aux biens. Les conditions d’application restent et demeurent les mêmes, excepté l’homicide volontaire qui n’est en aucun cas légitimé dans la défense d’un bien.
Si concernant la défense des individus, la loi dispose d’une présomption de proportionnalité en faveur de la victime de l’agression, il appartient à la personne demandant le bénéfice de la légitime défense des biens de prouver que sa riposte était bien mesurée par rapport à l’agression.
La légitime défense ne peut être admise en matière d’atteinte aux biens que lorsque l’acte commis a pour objet d’interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit.
Cependant, l’appréciation du caractère nécessaire et proportionné de la riposte appartient souverainement aux juges du fond.
Ne peut être considéré comme proportionné le fait de blesser en tirant dessus à balle réelle un individu qui tentait de voler des galettes ou des bonbons.
Quant à la question de la preuve de la légitime défense, le principe est que la charge de la preuve incombe à la partie poursuivie. Celui qui invoque le bénéfice de la légitime défense doit démontrer les conditions d’existence de celle-ci.
La responsabilité pénale de la personne ne peut être retenue pour les atteintes qu’elle a pu elle-même causer en état de légitime défense pour ce faire, le pouvoir d’utiliser la force ne peut se réaliser que de manière proportionnelle, pour repousser une agression injuste, actuelle ou imminente, contre une ou plusieurs personnes.
Mohamed DIAWARA
Juge d’Instruction de Kérouané
Tél : 624094909