Dalaba : la villa en décrépitude de Myriam Makeba (BBC)
La villa de Myriam Makeba, star planétaire sud-africaine, à Dalaba en Guinée, son pays d’adoption, est à l’abandon.
Myriam Makeba a vécu la moitié de son exil en Guinée.
Dans ce pays, elle était tombée sous le charme de la ville de Dalaba où elle avait construit sa résidence privée.
Bâtie sur un domaine luxuriant au décor féerique avec des fleurs roses, la « Villa Makeba », quoiqu’en décrépitude de nos jours, laisse entrevoir des signes qui montrent que celle qu’on appelle « Mama Africa » avait un amour certain pour la nature.
Dans la villa, des objets laissés par la chanteuse sont intacts mais en mauvais état.
Des photos témoignent des longues années qu’elle a vécues en Guinée sous Sékou Touré.
Sous la protection de Sékou Touré
Le gardien de la résidence, Oumar Téli Diallo, a bien connu Myriam Makaba.
Il était en charge de tous les travaux dans la villa lorsque la chanteuse, contrainte à l’exil par le régime de l’Apartheid à cause de ses chansons engagées, séjournait dans sa villa.
Elle y passait des jours entiers de repos après ses tournées internationales.
Mais, c’est aussi dans le jardin de cette villa que la chanteuse sud-africaine préparait ses concerts internationaux.
C’est en 1968 que Myriam Makeba qui se trouvait dans une délégation officielle que conduisait l’ancien président guinéen Sékou Touré, foule le sol de Dalaba.
La Sud-africaine ne tarda pas à tomber amoureuse de cette petite ville au climat exceptionnel et à la végétation attrayante.
Aussitôt elle émet le souhait d’y couler des jours tranquilles loin du vacarme de la capitale Conakry.
Sékou Touré présente la Sud-africaine à Mamadou Alpha Bah, le responsable en charge du patrimoine bâti de Dalaba de l’époque en demandant à ce dernier de trouver un terrain et d’y construire une villa pour Makeba.
Il avait supervisé la construction de la villa Makeba.
Aujourd’hui âgé de 70 ans, il témoigne de sa première rencontre avec la star.
« Le Président m’a appelé, il m’a dit « Bon, cette dame est venue à Dalaba. Elle a choisi Dalaba. Donc, on vous la confie. Il faut chercher un lieu pour construire sa villa. Elle était satisfaite de l’accueil, sur tout. Elle venait avec ses amis, l’orchestre qui l’accompagnait, elle faisait les répétitions ici. C’est elle-même qui faisait la cuisine. Pour servir tout le groupe. Les pommes de terre, les choux. Comme il y a des légumes à Dalaba, elle se contentait de cela. A de rares occasions, elle préparait du riz », témoigne M. Ba.
Selon le retraité, Myriam Makéba était une femme simple.
« Elle n’a jamais accepté le maquillage. Très simple, son teint est resté tel. Elle a dit qu’elle est noire et elle aime sa couleur. Que c’est Dieu qui lui a donné ce teint et qu’elle s’en contente » ajoute-t-il.
Lieu de pèlerinage
Depuis la mort de la diva, sa villa est en décrépitude.
Elle a été pratiquement abandonnée.
Quelques rares touristes s’y rendent pour visiter les lieux.
Mais, souvent quand ils arrivent, ils sont partagés entre joie et regret.
La joie de faire ce petit pèlerinage mais le regret de voir que cette villa jadis resplendissante se meurt progressivement
El hadj Thierno Habib, le maire de la commune urbaine de Dalaba se dit préoccupé par l’état de décrépitude avancée de la « Villa Makeba ».
C’est un ancien ami de la famille Makeba.
A l’époque, il jouait au basket avec Stockely Carmichael des Black Panthers, le mari de Makeba qui était aussi refugié en Guinée.
« Cette villa a été construite pour elle et elle y a habité, elle y préparait ses concerts. Après son départ, il y a eu sa fille ou sa petite fille Bongui qui y a habité. Celle-ci partie, la villa est tombée en ruine. C’est même alarmant. La Préfecture a voulu restaurer, mais on a dit que ce n’était pas un patrimoine de la préfecture, que ça appartenait à Myriam Makeba », indique-t-il.
Selon lui l’espoir est permis car des démarches sont entreprises pour la réhabilitation de la villa.
« Nous avons profité la dernière fois de l’arrivée d’une mission de touristes envoyées par le président de la République pour leur expliquer l’état de cette maison qu’ils ont vu. Et je crois que c’est tombé dans de bonnes oreilles parce que tout récemment, nous avons reçu une mission de l’ambassade de l’Afrique du Sud spécifiquement pour voir l’état de cette maison. C’est sûr qu’elle va la restaurer. Ou à défaut nous allons demander à la préfecture de saisir le Ministère de l’Administration du Territoire (MATAP) pour qu’on nous autorise à restaurer ce bâtiment. Nous allons nous battre, requérir même l’apport des ressortissants pour restaurer ce bâtiment » ajoute-t-il
Une diva au grand coeur
En attendant une rénovation qu’ils souhaitent de tout cœur, les habitants de Dalaba et les inconditionnels de Makeba ne ratent pas l’occasion de se rendre à la terrasse de la villa Makeba pour respirer le parfum des fleurs et pour écouter les chants d’oiseaux.
C’est leur façon à eux de revivre les bons moments de Myriam Makeba à Dalaba.
Ils aiment répéter, avec un éclat de lumière dans les yeux et un ton teinté de mélancolie qu’entre Myriam et Dalaba, c’est une histoire d’amour éternel.
En fait c’est à juste raison que Dalaba continue de pleurer Mama Africa.
« À l’époque des ballots, chaque année, elle faisait venir de friperie. Elle envoyait des habits presque à la moitié de la ville. Elle chantait et les fruits de ses chansons, elle les dédiait à Dalaba, elle les donnait aux enfants de Dalaba, l’équipe sportive, les jeunes, tout le monde. Elle faisait attention à tout le monde. Nous avons le cœur serré ici quand nous pensons que « maman Myriam » a disparu », regrette El Hadj Ibrahima Bah, un natif de Dalaba
Si Makeba a disparu, les habitants de Dalaba ne veulent pas voir mourir l’unique symbole de la présence de la chanteuse sud-africaine dans leur ville.
BBC
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