Paris – A partir d’une entreprise de papeterie en perdition, Vincent Bolloré, 63 ans, main de fer dans un gant de velours, a bâti en quelques décennies un empire qui s’est progressivement étendu de la logistique aux médias, au prix de raids audacieux et de mises au pas.
Vincent Bolloré a d’abord redressé le groupe familial, fondé en 1822 et spécialisé dans le papier bible et le papier à rouler OCB, en le réorientant vers les films en plastique pour en faire Bolloré Technologies. Sont ensuite venus les transports, la logistique pétrolière et portuaire.
Sa première incursion dans les médias a été sa tentative de prise de contrôle du groupe Bouygues, propriétaire de TF1, en 1997, via un raid qui a durablement laissé des traces entre Vincent Bolloré et Martin Bouygues.
Une opération qui a renforcé dans le milieu des affaires français sa réputation de smiling killer, le tueur au sourire, tant son attitude affable et souriante, sous un bronzage et un brushing impeccables, peuvent cacher des méthodes parfois brutales.
La méthode Bolloré ou bollorisation est d’ailleurs désormais bien connue: elle consiste en une entrée discrète au capital d’un groupe avant d’en devenir le premier actionnaire puis d’en prendre le contrôle en réclamant des sièges au conseil d’administration.
Une technique qui lui a déjà permis de rafler plusieurs groupes, comme Havas (publicité-communication) en 2005, dont il possède désormais 60% du capital, ou Vivendi (médias et divertissements) en 2014, où il détient 14,5% des titres.
Cette même méthode, il tente de l’employer, pour l’heure sans succès, via Vivendi, avec les deux éditeurs de jeux vidéos, Ubisoft et Gameloft, fondés par les frères Guillemot, et avec lesquels M. Bolloré verrait bien des synergies avec les différentes activités du groupe Canal+.
Cette prise en main d’entreprises s’accompagne en général de l’installation d’hommes de confiance aux commandes, à l’image d’Havas, dirigé par son fils cadet, Yannick Bolloré, depuis 2013.
– A l’assaut de l’Afrique –
Son arrivée à la tête de Vivendi, où M. Bolloré est officiellement président du conseil de surveillance, n’est pas passé inaperçue, en particulier du fait de la mise au pas rapide de Canal+.
Bertrand Méheut, pourtant artisan du redressement de la chaîne cryptée qu’il dirigeait depuis 13 ans, a été écarté au profit de l’un de ses proches, Jean-Christophe Thiery.
Son implication dans tous les dossiers l’a amené à réorganiser la grille avec le passage en crypté des Guignols ou la nomination de Maïtena Biraben à la tête du Grand Journal.
Le 30 mars, cela a été au tour de Telecom Italia de vivre une situation un peu similaire, avec la désignation par le conseil d’administration de l’opérateur de Flavio Cattaneo au poste d’administrateur délégué, en lieu et place de Marco Patuano, en conflit avec Vivendi depuis plusieurs mois et démissionnaire le 21 mars.
Vincent Bolloré est également adepte des paris technologiques, à l’image de BlueSolution, la filiale électrique du groupe Bolloré qu’il aime mettre en avant: installée à Quimper (Finistère), elle développe des batteries utilisées dans les véhicules électriques BueCar, connues à Paris sous l’appellation Autolib’, ainsi que les BlueBus et BlueTram, qui pourraient prochainement sillonner la capitale.
Il se montre en revanche plus discret sur ses activités en Afrique, perçues comme l’un des relais de croissance les plus importants du groupe. Propriétaire de plantations d’hévéas, numéro un de la logistique, il y contrôle des ports comme Abidjan (Côte d’Ivoire), Conakry (Guinée) ou Misrata (Libye).
Et son prochain projet s’annonce pharaonique: la construction d’une boucle ferroviaire longue de 2.700 km, devant relier cinq pays d’Afrique de l’Ouest: la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Niger, le Bénin et le Togo.
Il sait en outre cultiver ses connexions avec les décideurs politiques, de gauche comme de droite en France, tout comme sa proximité avec nombre de chefs d’Etat africains, une habilité que ne manquent pas de critiquer ses détracteurs.
els/fka/az
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