Interview- Saliou Diallo, agent immobilier, USA : “pas une famille à New York qui n’a pas hébergé au moins deux migrants. Même dans les mosquées…”

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Mamadou Saliou Diallo vit aux États-Unis d’Amérique depuis plus de 20 ans. Entrepreneur de son état, le jeune leader est également consultant en immobilier, domaine dans lequel il évolue il y a des années. Ancien président des ressortissants de la préfecture de Mamou, cet agent immobilier qui travaille dans deux entreprises immobilières : la société Bah Realty-Group (États-Unis) et Wanoun immobilière, établie en Guinée en mai 2023. En séjour en Guinée, son pays natal, Mamadou Saliou Diallo s’est rendu au chevet des victimes de l’incendie au grand dépôt d’hydrocarbures dans la nuit du 17 à 18 décembre 2023. Dans la foulée, il a accepté d’ouvrir son cœur à Mediaguinee. Les questions liées aux procédures de vente et d’achat de maisons aux États-Unis, la situation des migrants arrivés au pays de l’Oncle Sam, leur intégration mais aussi et surtout l’irrégularité du secteur de l’immobilier guinéen comparativement à certains États, ont été largement abordées.
Mediaguinee: Vous êtes dans l’immobilier aux États-Unis depuis des années, dites-nous comment avez-vous réussi à intégrer cette profession ?
Mamadou Saliou Diallo: Il faut d’abord rappeler qu’avant l’immobilier, je faisais certains travaux. Mais à un moment donné, je me suis posé beaucoup de questions, à savoir ce qu’il fallait faire pour ne plus continuer à travailler pour les autres. C’est ainsi  quej’ai décidé de me lancer dans l’immobilier, parce d’après plusieurs recherches et d’amples questions posées à ceux qui évoluent dans ce secteur, j’ai compris que c’est un domaine sécurisé pour l’investissement, mais pour se faire aussi de l’argent. Alors cela m’a poussé à me lancer dedans, avec l’intention au début d’aider nos compatriotes vivant aux États-Unis à s’offrir une maison de ce côté. Au fur et à mesure que je poursuivais mes recherches,  j’ai fini par comprendre que c’est un domaine très riche et un réel potentiel, non seulement pour les USA, mais pour la Guinée aussi. C’est pour cette raison j’ai continué le chemin dans ce sens.
Mediaguinee: Comment évoluent les activités au sein de votre société ?
 
Mamadou Saliou Diallo: Actuellement aux États-Unis c’est trop complexe économiquement parlant,  puisque nous faisons face à une inflation qui impacte directement mon domaine de travail, parce que nous travaillons avec les banques. Les personnes qui achètent se servent des prêts bancaires. Alors pour pouvoir contrôler cette inflation, l’État est obligé d’élever les taux d’intérêts. Et en le faisant, les gens ne peuvent oser prendre les prêts parce que ça trouvera que le taux d’intérêt est élevé. Voici donc les difficultés auxquelles nous faisons face actuellement.  Mais à part cela, il faut reconnaître que c’est un domaine qui aide à se faire de l’argent.
Mediaguinee: Quelles sont les procédures d’obtention d’une habitation aux États-Unis pour un (non) résident ?
Mamadou Saliou Diallo: À ce niveau, il faut signaler qu’il a y a deux volets. Lorsqu’on est résident, ça veut dire qu’on a des papiers, on travaille et on paye les taxes. À ce niveau donc, il y a des critères que la personne doit avoir. Notamment, elle doit être qualifiée pour pouvoir bénéficier d’un prêt bancaire, si toutefois la personne ne veut pas acheter en espèce. Par exemple, si vous avez 500 mille dollars, vous faites un chèque et on vous donne la maison. Mais si vous décidez de prendre des prêts bancaires, il y a des procédures à respecter. À ce niveau, il y a des catégories de personnes que les banques évaluent avant d’octroyer les dettes. Ces banques cherchent à savoir les personnes de moyenne classe, elles étudient leurs avoirs avant de leur attribuer les prêts.
Dans un autre pan, ces mêmes banques essaient d’évaluer aussi la crédibilité de ceux-là qui viennent prendre ces dettes. Voir dans le passé s’ils ont pris des prêts qu’ils ont pu payer à temps. En plus, voir combien la personne qui veut s’acheter une maison a comme revenu dans son compte, avant que la banque ne s’engage à lui donner le reste en prêt. Autre critère d’évaluation, ce sont des personnes autonomes. C’est-à-dire qui ne dépendent d’aucune entreprise.  Comme les chauffeurs ou autres qui travaillent à leur propre compte. À travers ces différents critères, les banques vont voir si toutefois vous êtes qualifiés à s’octroyer la maison à travers  les critères mis en place.
Alors, lorsqu’on n’est pas résident mais qu’on est rentré légalement et qu’on vit là-bas, on peut créer une entreprise dont le numéro vous permet d’acheter aussi une maison. Et dans ce sens, on vous considère automatiquement comme un investisseur, parce que tu achètes au nom d’une entreprise. Car au minimum, le pourcentage qu’on va vous demander, c’est de ne pas dépasser 20% du prix d’achat de la maison et les banques vous octroient les 80% à crédit. Ce sont alors les deux options d’obtenir les maisons aux États-Unis,  que tu sois résident ou pas.
Mediaguinee: Selon nos informations, un domaine coûte plus cher en Guinée que dans certaines zones des États-Unis. Comment vous expliquez cela ?
 
Mamadou Saliou Diallo: À ce niveau, moi je me dis que c’est parce que le secteur n’est pas trop réglementé en Guinée. Ici, une personne peut dire que son domaine coûte 100 mille dollars et un autre viendra fixer ce même domaine à 200 mille dollars. Mais aux États-Unis par exemple, lorsque vous achetez une maison, on vient faire la comparaison des prix. Sur les deux prix préalablement cités, les banques américaines vont étudier et définir clairement les choses par rapport à ces prix. Mais le fait que ce n’est pas réglementé ici en Guinée, vous verrez les domaines plus chers, qui dépassent même les prix de certaines maisons dans certaines zones desÉtats américains comme Boston, Atlanta(…). Avec 200 ou 250 milles dollars, ça peut te permettre d’avoir une maison dans ces villes. Mais on connaît des coins ici à Conakry, un simple terrain peut te coûter 200 mille dollars.
Mediaguinee: À vous entendre, on a l’impression que le secteur de l’immobilier guinéen nécessite une réglementation. Avez-vous quelques alternatives à proposer aux autorités guinéennes?
Mamadou Saliou Diallo: Oui je suis en train de travailler actuellement sur un programme que je vais soumettre à l’État guinéen, qu’il travaille là-dessus ou pas. Je pense que ce serait une contribution de ma part. J’espère qu’en appliquant cela, on pourra faire ce que les autres ont pu faire si toutefois la volonté est là. Allez aujourd’hui au Sénégal ou encore en Côte d’Ivoire,  il y a beaucoup d’entreprises et de banques qui prêtent de l’argent aux citoyens pour acheter des terres ou des maisons. Mais en Guinée on n’en a pas, parce que tout simplement le système n’est pas réglementé encore. Et à date, il y a beaucoup de méthodes et voies que l’on peut mettre en place pour amener l’État à s’impliquer pour investir afin de régulariser ce domaine qui sera non seulement bénéficiaire pour les vendeurs et acheteurs, mais aussi à l’État parce que les transactions vont rentrer dans les caisses. Autre avantage, cela pourrait également résoudre les problèmes fonciers qu’on a en Guinée ici. Alors si toutefois on arrive à régulariser et à informatiser les transactions, ce secteur peut apporter énormément d’argent à l’État. Ça peut aussi soulager les populations, encourager des partenaires à venir investir, tout en poussant les banques locales à prêter de l’argent aux citoyens qui décideront d’évoluer dans ce domaine, parce qu’il y aura une sécurité derrière qui est l’État.
Mediaguinee: À présent parlons de l’entrepreneuriat, puisque vous évoluez dans ce domaine durant des années. Dites-nous qu’est-ce que sait et ce qui le particularise aux États-Unis ?
 
Mamadou Saliou Diallo: Je dirais de façon très brève que l’entrepreneuriat est toute activité dans laquelle qu’une personne décide d’investir afin de créer son propre business et évoluer là-dessus. C’est un concept général qui englobe beaucoup de filières. C’est comme si l’on dit par exemple la démocratie, qui peut être différente de celle de l’Europe, de l’Amérique et même de l’Afrique. Entreprendre dépend donc de l’entrepreneur et du domaine dans lequel il veut évoluer. Maintenant ce qui fait la différence, d’abord les États-Unis, c’est un pays capitaliste qui encourage l’entrepreneuriat. C’est vrai qu’il y a d’énormes difficultés, mais là-bas on encourage toute personne qui veut faire son business et travailler. Il y a beaucoup de fonds disponibles pour des gens, surtout des débutants, même s’il y a des procédures à respecter avant d’obtenir. Lorsqu’on a toutes les conditions réunies, les banques, des fondations et même des personnes riches peuvent t’accorder des prêts pour débuter ton entreprise.
Mediaguinee: En termes de difficultés, dites-nous celles auxquelles vous faites face au pays de l’Oncle Sam dans l’exercice de votre profession ?
 
Mamadou Saliou Diallo: Là où moi j’évolue par exemple, je travaille par commission. C’est-à-dire je n’ai pas un salaire fixe, dire que dans une semaine, deux ou dans un mois je vais être payé. C’est à chaque fois que je vais une transaction que je retire mon argent. Ça peut donc faire un à trois mois sans que je n’aie une transaction. Parfois aussi je peux débuter une transaction qui peut aller jusqu’à trois mois mais ça tombe à terre, parce que les taux d’intérêt peuvent être élevés. Si tu étais qualifié à avoir 500 mille dollars comme revenu, tu te vois nettement chuter à cause du nouveau taux. Et automatiquement tu vas échouer avec la transaction. Ce qui veut dire que tu travailles un à trois mois, on t’appelle un beau matin et on te dit qu’il faut recommencer encore en cherchant un autre client. Alors en termes de difficultés, on rencontre toujours ces situations pareilles.
Mediaguinee: Évoquons maintenant la question de l’intégration. Ces derniers temps, beaucoup de nos compatriotes sont arrivés en masse aux États-Unis, ce qui complique naturellement leur intégration. Vous, en tant qu’agent immobilier qui a longtemps évolué de ce côté, comment appréciez-vous cet état de fait ?
 
Mamadou Saliou Diallo: Je dirai tout d’abord que l’aventure n’est pas facile et il n’est pas synonyme de  réussite. Au début ça a toujours été compliqué, pas parce qu’on ne va pas les assister, mais parce que les données ne pourront pas faciliter la tâche. Je dirai en second lieu que la plupart d’entre eux n’ont pas d’expérience des autres métiers. Autres facteurs, c’est qu’ils ne disposent pas de permis de travail et du coup, ne sont pas autorisés à travailler tout de suite. Voilà ce qui complique un peu leur situation. Sinon même si moi qui vous parle là est prêt à les aider, ça devient difficile vu toutes ces conditions. Je ne peux pas octroyer une maison à quelqu’un si je ne suis pas sûr de là où il va tirer des ressources, parce que là-bas tu ne peux rester dans une maison durant un à trois mois sans payer et ne pas voir ton nom devant la justice. Alors si ces gens là n’arrivent pas à avoir quelque part où travailler, ça ne sera pas facile de les aider. On continue bien sûr à les assister parce qu’actuellement vous ne pouvez pas voir une famille à New-m York qui n’a pas hébergé au minimum deux à trois personnes. Même dans nos mosquées, on a nos parents dedans. Et, cela complique un peu la situation, parce que bientôt le mois de ramadan et ces lieux doivent être libérés. Ils ne pourront continuer à restrer gratuitement dans les appartements des gens. Et actuellement les États-Unis, précisément New-York, les gens ont de sérieux  problèmes parce qu’ils n’ont pas où mettre ces migrants-là. Ce ne sont pas que des Guinéens qui sont d’ailleurs peu représentés comparativement aux autres venus des autres pays. C’est quand même un peu complexe, mais la communauté guinéenne s’entraide et est en train d’aller vers la mise en place des commissions pour pouvoir les aider à  s’intégrer et à sortir dehors pour se chercher du travail.

 

 

Mediaguinee: Et si on vous demandait un conseil à prodiguer à ces jeunes migrants ?
 
Mamadou Saliou Diallo: Je leur dirai en premier lieu de faire le maximum afin d’être dans les règles en respectant les lois du pays. Les États-Unis sont un pays fondé sur un système. Tu ne peux pas être plus malin qu’eux pour truquer ce système. Ce que tu fais maladroitement peut t’attraper même 10 ans après. Le Guinéen est habitué à  ne pas respecter les règles et lois, mais là-bas c’est complètement différent. Je dirai également de ne pas se précipiter pour se dire tout de suite qu’il leur faut avoir des millions. Là-bas c’est de s’adapter d’abord à leur système et accepter d’aller à l’école afin d’apprendre leurs langues. La Guinée est un pays francophone et aux États-Unis c’est l’anglais. Alors quel que soit ce que tu vas faire, le français là ne va pas t’aider à vivre. Se focaliser surtout sur les métiers professionnels. En Guinée, nous parlons des Professeurs, des Docteurs, des Licenciés mais cela compte peu aux États-Unis, où tu peux voir quelqu’un qui fait 100 ou 200 mille dollars mais tu lui demandes et il te dira qu’il n’a même pas sa licence. Les métiers que beaucoup ignorent ici donnent de l’argent là-bas.
Interview réalisée par Sâa Robert Koundouno 

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