Décès du prédicateur turc Fethullah Gülen, ennemi juré d’Erdogan

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La Turquie a confirmé lundi la mort du prédicateur musulman Fethullah Gülen, ennemi juré du président Recep Tayyip Erdogan, en exil aux Etats-Unis depuis un quart de siècle et dont l’influence avait déjà fortement faibli.

La mort du prédicateur, âgé de 83 ans et accusé par Ankara d’avoir ourdi une tentative de coup d’état en 2016, avait été initialement annoncée par un média proche du mouvement guléniste. « Le chef de cette sombre organisation est mort, mais la détermination de notre nation dans la lutte contre le terrorisme se poursuivra », a annoncé le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan. « Il laisse derrière lui beaucoup de souffrances et de trahisons », a déclaré le président du principal parti d’opposition (CHP, social-démocrate), Özgür Özel, qui a regretté que le défunt n’ait pas eu à rendre des comptes en Turquie.

 

Inspirateur du mouvement Gülen, aussi appelé « Hizmet » (« Service », en turc), Fethullah Gülen s’était installé de son plein gré en Pennsylvanie en 1999. D’abord allié de Recep Tayyip Erdogan, le prédicateur était depuis plus d’une décennie accusé par le pouvoir turc de diriger un groupe « terroriste ». M. Gülen affirmait n’être à la tête que d’un simple réseau d’organisations caritatives et d’entreprises. Le prédicateur avait émis le souhait en 2012 d’être inhumé à Izmir (ouest), « près de sa mère bien-aimée », ce qui semble exclu.

 

« Traître »

La Turquie, qui le considère comme un « traître » et qualifie son mouvement de « Fetö » (acronyme pour Organisation terroriste de Fethullah Gülen), l’avait déchu de sa nationalité en 2017. Selon la chaîne de télévision privée NTV, qui cite des sources sécuritaires turques, « le lieu de sa tombe sera gardé secret » à l’issue de funérailles en comité restreint, possiblement dans une forêt appartenant à un responsable du mouvement aux Etats-Unis. En dépit des déclarations officielles, estime Bayram Balci, chercheur au Ceri-Sciences Po à Paris, sa disparition « restera un non-événement en Turquie » où la mouvance güleniste est très affaiblie.

« Depuis la rupture avec Erdogan en 2010 et surtout après la tentative de coup d’Etat en 2016, l’image de Gülen est très mauvaise. Très peu de gens lui ont gardé leur estime », assure ce spécialiste du mouvement. Mais « le travail se poursuivra », a assuré lundi à l’AFP Ercan Karakoyun, le porte-parole du mouvement güléniste en Allemagne, où réside la principale diaspora turque, environ trois millions de personnes. Se sachant malade, le prédicateur avait organisé des comités pour lui survivre, a-t-il assuré en dénonçant « une chasse aux sorcières »: « On nous a accusés de quelque chose que nous n’avons pas fait ».

Ankara l’accusait de terrorisme depuis qu’un scandale de corruption, orchestré par des magistrats acquis à la nébuleuse guléniste, avait éclaboussé fin 2013 des proches de l’alors Premier ministre Erdogan. Après le coup d’Etat raté du 15 juillet 2016, les autorités ont lancé de vastes purges visant les gulénistes, qui se poursuivent encore à moindre échelle. En outre, il a exigé de ses alliés l’extradition de tout membre du réseau ou proche de l’imam. Des poursuites ont été engagées contre près de 700.000 personnes, et 3.000 d’entre elles, accusées d’avoir joué un rôle dans le putsch manqué, ont été condamnées à la prison à vie, selon les autorités turques.

« C’est fini »

Des purges de grande ampleur ont visé les rangs de l’administration et de l’armée: plus de 125.000 personnes ont été limogées des institutions publiques, dont quelque 24.000 soldats et des milliers de magistrats. « La lutte contre cette organisation, qui continue de constituer un problème fondamental de sécurité nationale (…) se poursuivra », a promis lundi le ministre turc de la Justice, Yilmaz Tunç. Mais pour Bayram Balci « il reste en réalité peu de choses de cette mouvance qui fut au centre de la vie politique turque et a contribué au rayonnement de la Turquie dans le monde », notamment au travers d’un puissant réseau d’écoles jusqu’en Afrique ou en Asie. Aujourd’hui, poursuit le chercheur, nombre d’entre elles ont fermé notamment en Afrique et en Asie centrale, victimes des bonnes relations du président Erdogan avec de nombreux pays où la Turquie multiplie les investissements.

Ses derniers adeptes se trouvent principalement au sein des diasporas en Allemagne et aux Etats-Unis, estime-t-il. « Pendant les belles années où ils étaient alliés, les gülénistes ont été eux aussi au service de la répression d’Erdogan », rappelle-t-il. Selon lui « les ennemis d’Erdogan les détestent encore plus (que le président): les kémalistes (partisans de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la république, ndlr), les nationalistes, les islamistes les détestent », insiste-t-il. La mouvance güléniste « ne représente plus aucune menace. La communauté n’est plus aussi forte: elle se concentre surtout sur l’aide aux victimes de la répression » orchestrée par Ankara, ajoute-t-il. « C’est fini, ils le savent ».

AFP

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