Km36 : entre commerce, déguerpissement et racket, un pont livré à l’anarchie

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Le pont du Km36 est situé dans la commune de Sanoyah, relevant de la préfecture de Coyah. Ici, une scène désolante se répète chaque jour. Ce pont, censé être une voie vitale pour les habitants et les usagers, est devenu un marché anarchique, où les femmes vendeuses et les conducteurs de moto-taxis s’approprient les artères, étouffant la circulation et mettant en péril la sécurité des citoyens. Mais au cœur de ce chaos, une autre réalité bien plus inquiétante s’impose : une connivence effrayante entre ces commerçants et les autorités censées faire régner l’ordre. L’occupation de ce pont qui était pourtant interdite à la suite de plusieurs communiqués des ministères en charge, est devenu le théâtre d’une corruption décomplexée, où la loi n’est qu’un jouet.

Km 36, le pont de l’extorsion et de la précarité
Chaque jour, des femmes comme Mariame Kamano, vendeuse de pochettes pour téléphones, tentent désespérément de gagner leur vie sur ce pont. Elles sont non seulement exposées aux dangers du trafic, mais aussi aux extorsions régulières des policiers. « C’est vrai que ces places ne sont pas officiellement mises à notre disposition, mais à chaque fois nous faisons de petites contributions pour donner aux agents. Parce qu’à tout moment, ils viennent nous faire quitter, surtout quand leur chef arrive », confie-t-elle, exaspérée. Le plus révoltant dans cette affaire, c’est qu’elles paient pour rester, mais finissent toujours par être chassées, parfois dans la même journée. « On peut finir de payer de l’argent, et ils viennent nous chasser encore. Ce qui fait que même s’ils nous font quitter de force, nous revenons toujours nous réinstaller. »

Un système organisé de corruption ?
Pour certains, il ne fait aucun doute qu’il y a une organisation souterraine dans ce racket constant. Cette vendeuse de produits maraîchers, qui a acquis l’anonymat, ne cache pas sa colère face à la situation : « Moi, je pense qu’il y a une complicité dans cette affaire. Généralement, ceux-là qui viennent nous demander de l’argent ne sont souvent pas habillés en tenue. Ils portent des t-shirts. Parfois, les policiers eux-mêmes peuvent venir nous installer, et en contrepartie, on peut payer 30 000 GNF. » Ce système, profondément ancré dans la corruption, plonge ces commerçants dans une précarité sans fin, où ils doivent constamment choisir entre payer pour travailler ou être expulsés sans ménagement.

Le souhait de ces vendeuses n’est pas une montagne à déplacer : « Si au moins ils nous laissaient le temps de nous débrouiller de 6 heures à 11 heures, cela pourrait nous aider. Mais malheureusement, ils nous fatiguent trop parfois », plaide-t-elle, le visage crispé.

Des promesses vides face à la réalité du terrain
L’arrivée de M. Aly Manden Mansa Keïta, président de la délégation spéciale de Sanoyah Km36, avait pourtant suscité de l’espoir. Lors de sa première réunion, il avait promis de mettre fin à l’occupation des routes et à l’encombrement causé par les commerçants et les taxis-motos. Mais jusqu’à présent, la situation n’a fait qu’empirer. Cheick reconnaît lui-même les limites de cette administration : « Nous avons pris nos dispositions, mais notre commune n’a pas de gare routière. En attendant, nous avons recruté et formé des personnes pour gérer le stationnement des véhicules et éviter les embouteillages. Mais le véritable souci est que les commerçants continuent d’occuper le pont. »

Ces promesses d’améliorations, comme la construction de gares routières et un marché modernes, semblent être un mirage pour les commerçants et les chauffeurs de taxi-motos, contraints de survivre dans une situation intenable.

Les conducteurs de taxi-motos en première ligne.
Les conducteurs de moto-taxis, eux aussi, sont victimes de cette désorganisation généralisée. Mohamed Gomez Soumah, secrétaire général du syndicat des taxi-motos de Sanoyah Km36, résume le dilemme auquel ils sont confrontés : « Nous, les motards, c’est sur ces trottoirs occupés par ces femmes que nous devons nous garer. Ce qui fait que nous n’avons pas d’autre choix sinon que de nous garer là-bas en attendant. » Les conducteurs se retrouvent pris en tenaille entre les commerçants et les autorités, sans aucun espace légal pour stationner leurs véhicules.

Le secrétaire général, bien qu’en colère, reconnaît l’effort des autorités tout en soulignant l’urgence d’agir : « Nous sommes reconnaissants de ce que le président de la République nous a offert. Il faut donc préserver cet espace. Sinon, de notre côté, on peut quitter même demain. Mais là où nous devons être, c’est là-bas que les femmes ont occupé. Et nous, nous n’avons pas le pouvoir de les faire quitter. »
Face à cette situation chaotique, ce sont des vies humaines qui sont en jeu. Les commerçants, pour la plupart des femmes, et les jeunes conducteurs de taxi-motos n’ont pas d’autre choix que de se battre pour survivre. Ils ne demandent ni privilèges ni largesses, juste la possibilité de travailler dans des conditions dignes et sécurisées. « En interdisant carrément d’occuper ce pont, c’est créer un autre fléau parce qu’il n’y a pas assez de conditions de travail dans le pays », prévient Mohamed Gomez Soumah. Les autorités locales et nationales doivent comprendre que ce pont n’est pas seulement un espace de passage, mais aussi un lieu de vie pour des milliers de personnes.

Ce chaos quotidien, nourri par la corruption des forces de l’ordre et l’inaction des autorités, risque d’avoir des conséquences désastreuses si rien n’est fait. Le pont du Km36, au lieu d’être un symbole de progrès, est devenu le miroir d’une société en souffrance, où les plus vulnérables sont abandonnés à leur sort, extorqués par ceux qui devraient les protéger.

Sâa Robert Koundouno

(+224) 620-546-653

 

 

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