Immersion à la mairie de Kindia : les candidats au concours de recrutement crient à la corruption et aux affinités (reportage)

La constitution des dossiers pour le concours de recrutement à la fonction publique lancé par le gouvernement de transition du colonel Mamadi Doumbouya se poursuit sur toute l’étendue du territoire national.  A Kindia, notamment à la mairie, les candidats à ce concours tant entendu rencontrent d’énormes difficultés liées à la recherche des documents sollicités par le ministère du Travail et de la Fonction publique. Au-delà de la procédure jugée lente et coûteuse, ils crient à la corruption et aux affinités dans le traitement des dossiers.

Dans les entrailles de la mairie de Kindia, des candidats au concours de recrutement à la fonction publique venus de plusieurs préfectures de la région se bousculent soit pour déposer ou faire le retrait de leurs dossiers. Des files d’attente sont formées et les candidats gardent patience.  Abdoulaye Bangoura était là depuis 6 heures, il était 9 heures et les agents censés distribuer les fiches d’inscription n’étaient toujours pas là. « Je suis venu ici depuis 6 heures du matin comme la plupart des candidats mais jusqu’à présent, les travailleurs ne sont pas là et il est presque 10 heures. Ici c’est très difficile de faire le dépôt à plus forte raison de retirer les dossiers.  Hier j’étais là de 11 heures 18 heures, je n’avais pas pu prendre mes documents et aujourd’hui encore, nous sommes là en attente », dit-il.

Depuis trois semaines voire plus, certains candidats rencontrés ce jeudi matin, peinent à faire le retrait de leurs dossiers. C’est le cas par exemple de Aissatou Diallo qui accuse la mairie de corruption. Elle aurait donné 50 mille francs guinéens aux gens de l’état civil sans une issue favorable. Je suis venue déposer mes dossiers et ça fait trois semaines, je traîne. On me dit même qu’ils n’ont pas retrouvé mes dossiers. Pourtant j’ai déposé, on m’a demandé de l’argent, j’ai donné 50 mille francs pour le traitement de mes dossiers et hier je viens, ils disent qu’ils ne retrouvent pas mes dossiers.  Je ne sais plus quoi faire. Hier j’ai pleuré ici. Les militaires viennent avec leur femme, ils rentrent, d’autres personnes viennent, elles rentrent.  Ils travaillent par affinité. Donc je demande à l’autorité, de nous aider ou bien ça ce n’est pas bon. Les femmes souffrent ici », a alerté cette dame désespérée.

Même réaction chez Bintou Camara, aussi diplômée qui dénonce également la corruption et l’affinité dont font preuve les agents de l’état civil de la mairie de Kindia. « Cela fait presque deux semaines, je laisse toutes mes activités pour être là. Et à chaque fois, ils me disent qu’ils n’ont pas fini de traiter mes dossiers. Ici actuellement si tu n’as rien ou si tu ne connais pas quelqu’un à l’intérieur, on ne fait pas ton travail. Les gens qui donnent l’argent, c’est eux qui sont privilégiés ici et c’est anormal », déplore cette autre candidate au concours de recrutement à la fonction publique.

Au-delà de ces accusations signalées par nos interlocuteurs, on constate un véritable désordre dans la cour de la mairie de Kindia. Des candidats à ce concours, sont visibles de partout et s’interrogent sur les différentes étapes à suivre. « Le service est très mal organisé, c’est ça la vérité. Dans les conditions normales si le service est bien organisé, toutes les étapes seront faciles à passer. Le bureau de transcription, on fait la transcription, il y a un autre bureau où on doit faire le remplissage des documents, on quitte là-bas il y a un troisième bureau. Normalement, les dossiers doivent parcourir sans que le citoyen ne s’y mêle.  A la dernière minute où il faut faire le retrait, le citoyen vient il fait le retrait mais ici les gens ne savent même pas comment il faut faire la procédure. On saute même les étapes, moi  je suis toujours au niveau du premier bureau mais rien n’a bougé.  Il faut s’organiser, un service public, ça s’organise », déplore Monsieur Aly Badara Keïta.

Venu accompagner son fils, Siba Hervé Kolamou est aussi dépassé par la tournure des choses. « Là il faut se dire la vérité, il y a tout un amalgame de souffrance que les jeunes sont en train de subir.  Pour avoir une seule fiche, il faut se mettre en ligne, il faut se bousculer. J’ai vraiment pitié de ces enfants qui sont là, ils viennent de loin et d’autres n’ont pas leurs parents ici ni leurs tuteurs mais s’il faut passer deux jours ou trois jours pour avoir seulement la fiche alors qu’il y a d’autres étapes à franchir, je vois que vraiment c’est pénible. Donc, l’organisation c’est passable », ajoute ce responsable de famille.

Selon le secrétaire général de la commune urbaine de Kindia, les agents de l’état civil font le bénévolat et aucun franc n’est déboursé pour les entretenir mais néanmoins toutes les dispositions sont prises pour que la procédure se déroule dans une véritable transparence.  Monsieur Lansana Bangoura rejette en bloc toutes les accusations des candidats en ces termes : « je ne confirme pas, ceux qui ont donné de l’argent, ça c’est à leur gré. Nous ici tout ce qui est lié aux documents administratifs, l’affiche est là-bas parce que même les reçus, ce n’est pas l’argent espèce qui vient ici, c’est des reçus des agences habilitées à recevoir l’argent. Et, par rapport à la transcription, le prix est officiel, c’est 30 mille francs guinéens. Si toi tu te hasardes à payer 50 mille ou 100 mille francs ça c’est tant pis pour toi. Les fiches de réinscription qui sont à la commune ici quand ça manque, le chef de service de l’état civil m’informe et directement on informe Conakry, on envoie, c’est moyennant aucun franc.  En ce qui concerne le retard c’est lié au manque de courant, s’il n’y a pas le courant, les machines ne fonctionnent pas. En plus c’est l’affluence, j’ai l’impression que toutes les préfectures se sont donné rendez-vous ici à Kindia et on prend Kindia comme région et non préfecture », a expliqué le secrétaire général de la commune urbaine de Kindia.

Ce concours de recrutement tant attendu se déroulera les 25 et 26 novembre 2023 dans plusieurs villes du pays. Une plate-forme d’inscription et de réception des dossiers en ligne est disponible depuis le 1er novembre dernier.

Aboubacar Dramé, correspondant régional à Kindia

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