Interview. Moustapha Cissé sur l’accident au cou de « Sana » : « on a voulu le faire sauter afin de le faire culbuter… »

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Alhassane Camara, âgé d’une vingtaine d’années et leader du groupe de cirque AmouKanama s’est cassé le cou lors d’une répétition d’une nouvelle mise en scène le dimanche 10 septembre.
Malgré l’engagement de son équipe, avec une équipe très réduite à l’hôpital le week-end, l’acrobate devait attendre le lendemain pour suivre une intervention.
Très malheureusement, «Sana acrobate» n’a pu tenir que quelques heures avant de rendre l’âme le lundi 11 septembre a 02h du matin.
Réputé pour leur représentativité sur le plan international, le manager du groupe nous parle des 3 décès dans les mêmes circonstances, tous de la commune de Matam.
À travers un entretien accordé à notre rédaction, Moustapha Cissé alias Dalev le Villageois nous explique les circonstances de ces drames, l’attachement de cette commune à cet art et les manquements malgré l’effort des jeunes.
Mediaguinee: L’un de vos éléments clés a fait un accident pendant un exercice et a succombé malheureusement à ses blessures. Comment  ça s’est passé? 
Moustapha Cissé: Effectivement, on a perdu un élément sûr du groupe AmouKanama. Il s’appelle Alhassane Camara, connu sous le nom de «Sana acrobate», âgé d’une vingtaine d’années.
Il est de la deuxième catégorie. Parce qu’il y a trois générations, le groupe AmouKanama, la première troupe présentement aux Etats-Unis, Il y a eux et il y a les enfants aussi.
D’abord, AmouKanama c’est un groupe acrobatique créé à Matam en 2017 par un ancien acrobate du cirque Baobab.
Le cirque Baobab est la toute première troupe acrobatique en République de Guinée. Souvent pour les répétitions, on ne travaille pas le week-end, c’est du lundi au jeudi. Ça c’est connu de tous. Mais souvent certains membres décident de faire des créations entre eux. C’est-à-dire un groupe de deux, trois personnes, vont au bord de la mer, faire des créations. Donc eux, ils ont dit qu’il était nécessaire de faire des créations et c’était à Kaloum.
Hier matin, ils  sont allés pour des créations, comme vous avez vu certainement, le dimanche. Donc ils voulaient faire des créations et se faire filmer, malheureusement, pendant l’exercice il y avait des montages, des pyramides, des contorsions de trucs.
En plein exercice, on a voulu vraiment le faire sauter afin de le faire culbuter pour s’asseoir. Mais malheureusement, il a eu un choc sur le champ et il a perdu connaissance. Il ne parlait pas, il ne bougeait pas.
Donc du coup, ils ont dit qu’il était nécessaire de l’amener à Ignace Deen, parce que c’était l’hôpital qui était proche. Et les docteurs ont vraiment informé l’équipe, en disant que ce n’était pas leur spécialité, qu’il fallait partir à Donka.
Arrivé à Donka vers 14h, parce qu’il avait fait l’accident à 12h. Moi, c’est à 13h qu’on m’a appelé, d’être là-bas, que c’est vraiment grave. Donc je suis venu et on l’a emmené juste à la radio pour que les gars voient réellement son état.
Et sincèrement, ce n’était pas bien. Donc du coup, il y a eu vraiment un choc grave, il avait une fracture au cou. Donc c’était une intervention très horizontale qu’il fallait faire. Mais après les enquêtes, j’ai compris tout. Comme vous-même, les hôpitaux, le dimanche, le samedi, vous pouvez voir si c’est 10 personnes présentes  seulement une est professionnelle.
Du coup, le monsieur nous a dit que ce n’était pas facile. Aujourd’hui, il faut peut-être attendre le matin. Donc je lui ai demandé le coût, c’est quoi, parce que c’était vraiment nécessaire. Et ce n’est pas la première fois. Donc je lui ai dit qu’il fallait peut-être préparer quelque chose de 25 millions. On a dit qu’il n’y aurait pas de soucis.
Mediaguinee: Donc ce n’était pas la première fois ?
Moustapha Cissé: Depuis le premier groupe, c’est-à-dire le premier circuit, c’est-à-dire le circuit Baobab [actuellement au USA], il y a eu un accident.
Heureusement pour ce monsieur, il y avait des Blancs. Il a été évacué et on a pu le sauver. Ce n’est plus maintenant acrobate. Mais au sein de ce groupe AmouKanama, on a eu deux cas et deux morts. Ça fait la deuxième fois. Et la première, on n’a pas pu sauver la personne. À cela s’ajoute ce monsieur.
Mediaguinee: Quand même au compte de Matam, ce sont ces trois personnes qui victimes. Entre le premier et le second cas, il y a combien de temps d’intervalle ? 
Moustapha Cissé: Deux ans. Deux ans et demi comme ça. Deux ans. Donc c’est comme ça que ça s’est passé. Hier, on a été là-bas. Ils ont prescrit des ordonnances.  J’ai dit, attends, ça là, il faut que je vienne à la maison pour contacter les gens, informer les gens. Parce qu’ils ont joué devant même le président de la République. Donc il faut informer les gens à temps. À partir de 0h, on m’a appelé, pour dire qu’il a commencé à baisser sa voix. Parce qu’il ne se réveillait pas, mais il parlait très bien quand même. À partir de 0h30 comme ça, il ne parlait plus. Et il a rendu l’âme. Donc on m’a appelé et il a rendu l’âme. Dalev le Villageois, je suis journaliste activiste. J’aime lancer les SOS pour les gens mais les cas comme ça, je sais que peut-être on n’a pas beaucoup de moyens, mais on est un peu sécurisé. C’est pour cela qu’on a fermé l’information. Et puis hier, on pensait que peut-être on pouvait le sauver, on pouvait l’évacuer.
L’équipe était là, pour ça . Donc c’est pour cela qu’on a un peu fermé les trucs. Parce que vouloir mettre les images comme ça, ça va choquer les gens. Donc on a dit, on va fermer les trucs. Mais quand même, moi, je ne suis pas parti vraisemblablement informer la famille.
Et même sur le niveau des réseaux sociaux. J’ai mis directement sur Internet. Et c’est à partir de là-bas que j’ai été contacté par le ministère de l’Agriculture quand même, aujourd’hui. Parce que lorsqu’ils étaient à la morgue, le ministère de la Culture a appelé avec une forte délégation.
Et puis, justement, le directeur du centre de percussion et le directeur de l’Agence guinéenne du spectacle sont représentés par le ministre. Donc, on était ici le matin pour présenter nos condoléances. Mais la commune, quand même, avec les réseaux sociaux comme vous, les médias et le ministère, n’est pas pour le moment là.
Il est l’un de nous mais il a aussi sa famille qui a besoin aussi de se recueillir. Depuis qu’il parlait après ’accident, il disait que c’était fini pour lui. En tout cas, il voulait partir dans son village. C’est ce qu’il disait, c’était son vœu. Il est de Forecariah Kakossa, l’enterrement était prévu à 14 h. C’était son vœu, aller chez lui à Forecariah.
Je voulais juste ajouter quelque chose. Comme je disais, c’est trois générations.
Ceux qui sont allés aux Etats-Unis, ils se sont donné les mains pour acheter un terrain depuis près d’un mois. Dix étudiants belges étaient en Guinée pour nous aider un peu à peut-être faire quelques travaux sur le terrain. Sur un terrain à Forecariah .
Mediaguinee: L’objectif, c’est quoi ? 
Moustapha Cissé: C’est de construire une école d’acrobatie digne de nom. Parce qu’en vérité, tout ce que vous venez de voir, les étages électriques, là, ils ne sont pas pratiqués dans les accessoires qu’ils font. C’est-à-dire, on a vraiment besoin d’une école de cirque, de matériel, vraiment digne du nom. Parce que l’acrobatie, ce n’est pas comme la percussion, comme dle ballet, c’est vraiment spécial. C’est de la force et c’est des pyramides. L’accident aussi, a tous les coups. Si ce n’est pas la mort, c’est les blessures graves. Si la place était aménagée, vous voyez la vidéo, c’est une chute qui aurait pu être maîtrisée. Le destin est inévitable mais avec des tapis vraiment raisonnables, professionnels, c’est des trucs qui sont vraiment simples. Ici l’épaisseur était vraiment petite.
Mediaguinee: Voir son ami mourir sous ses yeux, quel est l’état d’esprit de cette équipe-là ? Est-ce que ses amis sont restés inébranlables ou bien ils sont découragés ? 
Moustapha Cissé: C’est un choc. Les quatre personnes qui étaient sur le terrain, les trois étaient vraiment découragées. Les trois pleuraient. C’était des hommes, l’espoir n’était pas là. Il y avait une seule qui avait le courage de porter son ami, s’endosser mais en ce temps le monsieur parlait, disait le nom de tout le monde. Aujourd’hui, quand même, ils sont touchés moralement, parce que c’est avec l’acrobatie, l’accident, si c’est pas la blessure grave, c’est la mort même aujourd’hui. Là où je vous parle, j’ai deux contrats pour eux. Et le 16 de ce mois, et le 12 septembre. Je préfère rompre le contrat. J’ai peur quoi. La vérité, ce que j’ai vu hier, ça fait peur. C’est notre métier mais pour le moment, il y a plus de peur que de courage. Vous savez, nous sommes dans un bas quartier. Réunir les enfants de la rue comme ça, c’est pas facile. Il faut de l’aide. Matam est une commune compliquée. Je reconnais. Ici, même les étudiants diplômés, c’est des anciens thugs . Donc, ces jeunes ont accepté vraiment d’être dans les structures. Ils ont besoin d’être accompagnés parce qu’on a compris que la rue, le banditisme n’arrange rien. Vous allez entendre des mouvements un peu partout dans les quartiers mais pas ici. C’est pas parce qu’on ne peut pas le faire, mais on a compris que ce n’est pas la solution. C’est cette énergie qu’on met dans le football et la culture.
Mayi Cissé

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