L’épidémie des coups d’État en Afrique de l’Ouest francophone [Aly Souleymane Camara]

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Jeudi matin, je suis intervenu sur les ondes de la radio Espace dans l’émission vous êtes en direct et dans le journal de midi sur FIM FM. Il s’agissait de donner mon avis sur le coup d’Etat survenu au Niger dans la journée du mercredi, 26 juillet 2023.

Au premier abord, il faut noter que la résurgence de l’épidémie des coups d’État dans les pays de l’Afrique noire francophone constitue une véritable menace contre notre système démocratique en construction, donc par ricochet, contre la stabilité sociopolitique et institutionnelle de nos États.

Finalement, le phénomène des coups d’État est devenu tellement banal en ce sens que les putschistes n’attendent plus le crépuscule, ils le font à l’aube au vue et au su de tout le monde ; ils ne s’en cachent plus, ils saisissent la moindre occasion pour annoncer la prise effective du pouvoir politique.

Pourquoi cette irruption répétitive de l’armée dans la gestion du pouvoir politique ?

La question est d’autant plus importante et complexe qu’on ne pourrait se permettre de donner de manière exhaustive et holistique des éléments de réponse qui prennent en compte toutes les dimensions de la problématique.

Mais il faut aborder sereinement cette question sans que nos appréhensions personnelles n’altèrent notre rationalité. Car le mode opératoire emprunté par les putschistes est la preuve éloquente de la fébrilité de nos États et la difficulté apparente relative à l’encrage des valeurs démocratiques.

En effet, je ne peux pas nier la part de vérité soulevée par les putschistes en Guinée, au Mali, au Burkina Fasso et au Niger. Leurs déclarations ne sont pas tout à fait dépourvues de sens, loin de là.

En tout état de cause, il serait bien imprudent de ma part d’attribuer toute la faute aux militaires. Nombreux sont les régimes civils établis quelques années après « la troisième vague de démocratisation » qui ont brillé honteusement dans la violation des textes constitutionnels, considérés parfois comme des torchons par ceux-là qui les ont taillés sur mesure.

En plus des traditionnelles corruptions et le détournement des deniers publics, les régimes civils ont aussi brillé par marchandisation des voix du peuple exprimées lors des élections de façade où le président en exercice serait un maudit s’il perdait les élections face à une opposition désorganisée, déstructurée et divisée.

La logique est connue de tous, c’est que le peuple accomplit régulièrement son devoir de vote, mais le nombre de voix devant être réparti entre les candidats est connu avant l’élection.

Dès lors, les forces de défense et de sécurité associées à ces mascarades électorales deviennent sans l’ombre d’aucun doute leur talon d’Achille ; c’est là réside le point de départ de leur chute.

Pour preuve, après l’élection du Président Ibrahim Boubacar Keita dans un contexte de crise socio-politique et sécuritaire au Mali, le colonel Assimi Goita n’a pas hésité de tenter sa chance comme l’ont fait ses prédécesseurs pour renverser le régime démocratiquement élu.

En Guinée, le double scrutin controversé et boycotté par une majorité des acteurs politiques de l’opposition, le Pr Alpha Condé s’est présenté comme candidat pour un troisième mandat en violation des dispositions des articles 27 et 154 de la constitution de 2010.

Ironie du sort, il a aussitôt été renversé par le commandant du groupement des forces spéciales qu’il a lui-même créées, lesquelles forces spéciales étaient ses bras armés dans la répression des manifestations sociales et politiques entre 2018-2020.

De ce fait, s’il faut mettre fin au phénomène des coups d’État en Afrique, il faut inéluctablement commencer à guérir le mal à la racine.

D’abord, il faudrait que les chefs d’Etat soient les premiers à respecter les textes qui régissent le fonctionnement de leurs pays.

Ensuite, il ne serait pas moins important de redéfinir les mécanismes de prévention et de sanction de tout changement anticonstitutionnel ou toute forme d’accession au pouvoir en dehors des méthodes démocratiques.

Enfin, la population africaine doit résolument être engagée dans la préservation des acquis démocratiques, chèrement obtenus. Elle doit demeurer vigilante et exigeante dans le choix de ses représentants.

Aly Souleymane Camara, analyste politique.

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