La nouvelle a fait le tour du pays, l’image de l’imposante villa a inondé la toile, le geste du président de la transition continue de susciter moult commentaires.
Certains tressent des lauriers au généreux donateur et semblent prêts à écrire une chanson de geste à sa gloire. D’autres s’interrogent sur les motivations profondes de cet altruisme dont le caractère désintéressé, il est vrai, est tout de même mis à mal par la grande publicité faite autour.
Le colonel Mamadi Doumbouya, « le seul maître à bord après Dieu (en tout cas sur le navire Guinée) », a offert une somptueuse résidence à une jeune élève qui a perdu ses parents dans un incendie. Le drame s’est déroulé l’année dernière et avait profondément ému au sein de l’opinion. Déjà, à l’époque, l’hôte du palais Mohammed V avait reçu l’orpheline, fait preuve de compassion et de générosité en s’engageant, entre autres, à prendre en charge sa scolarité. Ce qui est tout à son honneur.
Coup de chapeau donc, pardon coup de béret écarlate au chef de l’État pour cette action qu’on se doit de saluer ! L’on ne devrait que se réjouir pour Safiatou Diallo et ce qui lui reste de famille. D’aucuns parleront d’une opération de com, mais après tout pourquoi pas ? Surtout si cette dernière apporte du baume au cœur d’une personne mineure qui a été durement éprouvée par un sort cruel.
On pourrait conclure ainsi que tout est bien qui finit bien dans le meilleur des mondes possibles.
Cependant, est-ce qu’il ne serait pas plus grand, plus équitable d’aller bien au-delà de ce geste, aussi louable soit-il ?
Puisque le credo des autorités de la transition c’est le changement qualitatif, l’engagement de réformes hardies pour améliorer l’existence des Guinéens et des Guinéennes, ne faudrait-il pas réfléchir à formaliser la solidarité nationale face à des drames de ce genre ou autres ?
En effet, combien d’orphelins et d’orphelines ayant vécu – ou qui vont vivre – des tragédies comme celle de Safiatou Diallo n’auront pas la chance qu’elle a eue ? Combien ne pourront pas rencontrer le colonel Doumbouya ou les présidents qui viendront après lui ? Combien ne verront pas leur malheur suffisamment médiatisé pour s’attirer la mansuétude- intéressée ou non – de bons et puissants samaritains ?
Alors que là également, comme on l’a fait dans d’autres domaines, les autorités pourraient s’inspirer de ce qui existe dans certains pays (France, Sénégal, etc.). Il s’agit du statut de « pupille de la nation » (ou de la République) conféré à une catégorie d’orphelins mineurs pour marquer la solidarité nationale à leur égard.
Le statut de « pupille de la nation » est ainsi une réalité dans certains pays pour venir en aide à des enfants mineurs qui ont perdu leurs parents dans des circonstances particulières telles que les guerres, les opérations de maintien de la paix, les accidents graves ou les catastrophes naturelles. Ces enfants sont considérés comme des pupilles de la nation ou de la République et bénéficient de divers avantages tels que des allocations mensuelles, l’exonération de frais d’inscription dans les établissements d’enseignement, une prise en charge en matière de couverture sanitaire, etc. Le but est d’assurer une scolarité régulière et dans de bonnes conditions pour ces enfants, ainsi qu’une aide financière pour subvenir à leurs besoins et leur permettre de vivre dignement malgré leur situation difficile. Cette mesure vise également à reconnaître la contribution des parents de ces enfants à la nation et à garantir une forme de protection et de soutien à leur descendance.
On pourrait y ajouter les enfants mineurs des personnes victimes d’accidents graves ou de catastrophes dont l’État accepte la prise en charge. Il en serait de même pour les cas où les tribunaux auraient établi la responsabilité de l’État dans lesdits drames.
Ce qui n’est pas rien, et puisque le statut est aboli lorsque le bénéficiaire atteint la majorité (18 ans en Guinée), on ne risque pas de voir le volume des allocations grimper indéfiniment.
Le cas de Safiatou Diallo pourrait bien inspirer à nos décideurs quelques réflexions sur le sujet.
Comme qui dirait : à malheur égal ou semblable, solidarité non sélective ou aléatoire !
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