Des violences ont éclaté jeudi dans différents quartiers de Dakar après la condamnation de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, accusé de viols, à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse », une peine qui compromet encore davantage sa candidature à la présidentielle de 2024.
Des groupes de jeunes ont attaqué des biens publics en plusieurs points de la capitale, brûlé des pneus et disposé des obstacles dans les rues, a constaté un photographe de l’AFP. Des heurts ont mis aux prises des groupes et les forces de sécurité à coups de pierres et de gaz lacrymogènes.
Des troubles ont été rapportés sur les réseaux sociaux ailleurs dans le pays. Mme Satire Mbaye, une responsable du parti présidentiel à Keur Massar, dans la banlieue de Dakar, a indiqué que le siège du parti avait été « saccagé ». « Ils ont cassé les vitres et détruit le matériel qui était à l’intérieur. Ils ont demandé où se trouve la maison de Assome » Diatta, responsable local du parti, a-t-elle dit.
L’autoroute conduisant à l’aéroport a été coupé par des manifestants, ont rapporté les médias. Le nouveau train desservant la cité nouvelle de Diamniadio à partir de la capitale a cessé de circuler. Ces violences font suite au délibéré rendu jeudi par une chambre criminelle de Dakar contre Ousmane Sonko, le plus farouche adversaire du président Macky Sall, accusé de viols et de menaces de mort.
Le tribunal l’a condamné pour « corruption de la jeunesse », qui consiste à favoriser la « débauche » d’un jeune de moins de 21 ans. Elle l’a en revanche acquitté des accusations de viols et menaces de mort. La plaignante, Adji Sarr, ancienne employée du salon de beauté où M. Sonko allait se faire masser, avait moins de 21 ans au moment des faits qu’elle dénonce.
La décision du tribunal a soulevé de bruyantes manifestations de réprobation dans la salle du tribunal placé sous forte protection policière, sans qu’apparaisse clairement si elles étaient dues à la sympathie pour la plaignante ou pour M. Sonko.
Adji Sarr a quitté le tribunal sans s’exprimer. Menacée et insultée depuis que le scandale a éclaté, placée sous protection policière, elle a toujours persisté dans ses accusations. Elle a dit au procès que M. Sonko avait abusé d’elle à cinq reprises entre fin 2020 et début 2021. Elle n’est jamais devenue la figure d’un combat contre les violences faites aux femmes, le dossier étant trop politisé par la présidentielle et la société ne facilitant pas un tel engagement.
« Séquestré »
M. Sonko n’a cessé de nier les accusations et de crier au complot ourdi par le pouvoir pour l’écarter de la présidentielle. La patronne et des témoins ont contesté les dires d’Adji Sarr au procès.
La patronne du salon Sweet Beauté, Ndèye Khady Ndiaye, a été également été condamnée à deux ans de prison ferme pour incitation à la débauche, mais acquittée de complicité de viols. Elle et M. Sonko doivent payer chacun 600.000 francs CFA (900 euros) d’amende et conjointement 20 millions de FCFA (30.000 euros) de dommages et intérêts à la plaignante.
« Nous sommes satisfaits de la culpabilité de Sonko », a dit à la presse Me El Hadji Diouf, avocat d’Adji Sarr. Mais 20 millions de FCFA de dommages, c’est peu pour les « souffrances » qu’elle a endurées, a-t-il déploré. La décision paraît au vu du code électoral maintenir la menace sur l’éligibilité de M. Sonko et sur sa faculté à concourir à la présidentielle de l’an prochain.
Le tribunal ne s’est pas prononcé sur une éventuelle arrestation de M. Sonko. « La décision de l’arrêter ou pas dépend du ministère public », a dit un des avocats de M. Sonko, Me Djiby Diagne. « Que tous les Sénégalais le sachent: Ousmane Sonko ne peut plus être candidat », a dit un autre de ses conseils, Me Bamba Cissé.Au moment de la décision de justice, M. Sonko, président du parti Pastef-les Patriotes et troisième de la présidentielle de 2019, était présumé se trouver chez lui à Dakar, bloqué depuis dimanche par un important dispositif policier, « séquestré » selon ses mots.
Les forces de sécurité ont repoussé, y compris par la force, toute tentative de l’approcher de la part de ses avocats ou de ses sympathisants. L’enjeu est autant criminel que politique. L’égibilité de M. Sonko, 48 ans, est déjà compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre.
Depuis février 2021 que l’affaire de viols présumés défraie la chronique, M. Sonko est engagé dans un bras de fer avec le pouvoir pour sa survie judiciaire et politique. Une vingtaine de civils ont été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à sa situation. Le pouvoir et le camp de M. Sonko s’en rejettent la faute.
AFP