Régulièrement prise à partie, notamment en Afrique, la France a décidé de prendre un rôle plus actif dans la guerre de l’information en érigeant « l’influence » au rang de « priorité stratégique », a annoncé mercredi Emmanuel Macron.
« Nous ne serons pas des spectateurs patients » assistant à la propagation de fausses informations ou de narratifs hostiles à la France, a déclaré le président français à Toulon en présentant les priorités de la stratégie de Défense de la France, sans viser explicitement aucun pays.
Depuis quelques années, Paris a régulièrement affirmé avoir été la cible de campagne de désinformation et de manipulation des opinions via les réseaux sociaux, orchestrées par des puissances étrangères comme la Russie ou la Turquie. Face à cette forme de guerre hybride, qui se livre sur une multitude de théâtres, y compris immatériels comme celui de l’information, La France veut être plus agressive.
La situation au Sahel illustre l’évolution de la posture française au fil des années et la mise en ordre de marche des moyens de l’État. Après avoir été un peu pris de court face à la montée du sentiment anti-français attribuée aux menées russes, les autorités françaises se sont mobilisées. Les Armées sont montées au créneau, par exemple pour attribuer au groupe paramilitaire russe Wagner la fabrication d’un charnier près d’une ancienne base française censée permettre d’accuser les militaires français.
Puis le ministère des Affaires étrangères, qui a rapidement réagi lors du dernier coup d’État au Burkina Faso pour démentir que la France abritait le chef de l’État renversé. Ou même de manière préventive, lors de la répression violente de manifestations au Tchad, pour affirmer que la France n’avait rien à voir dans ces évènements.
« On a assez vu comment en Afrique souvent à l’instigation d’acteurs extérieurs, des récits malveillants s’implanter, être démultipliés par des jeux de miroirs, des bots, des trolls », a accusé Emmanuel Macron.
L’exigence de « convaincre »
« L’influence sera désormais une fonction stratégique, dotée de moyens substantiels », a-t-il expliqué, précisant que cela se ferait au niveau interministériel, avec « pour sa déclinaison internationale, un rôle central du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ».
La France devra savoir « détecter sans délai » ces formes de guerre hybride, les « entraver » et « à notre tour, mais à la manière d’une démocratie, la devancer, en user à notre profit », a déclaré M. Macron.
Paris met donc en ordre ses moyens, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le ministère des Affaires étrangères se dote d’une sous-direction de la veille et de la stratégie, et l’État-Major des Armées a nommé un général en charge de ces problématiques.
Sur le théâtre interne français, le gouvernement a créé l’an dernier Viginum, une instance chargée de détecter les ingérences dans la vie démocratique, et les différents services de sécurité de l’État ont des moyens alloués à ce sujet. Hors de France, outre le volet défensif, Paris veut aussi développer une politique active de promotion de son action.
« Convaincre fait partie clairement des exigences stratégiques », a déclaré le président français. « Il nous revient ainsi de penser la promotion » de l’action de la France, « sans orgueil, mais sans inhibition malvenue », a-t-il ajouté. En revanche, les différentes sources interrogées par l’AFP ont toutes assuré que l’action de la France resterait toujours dans le strict respect de l’État de droit.
Et sans recourir aux mêmes moyens que les Etats illibéraux accusés d’être derrière cette guerre hybride, ce « bestiaire digital » mis en place par « nos rivaux pour contester notre sécurité et notre rayonnement et propager, outre de faux récits, un appétit de violence, manipuler les populations civiles », selon les termes du président.
« On ne va pas créer des fermes à trolls » pour artificialiser la propagation de certaines informations, affirme une source sécuritaire.
AFP