Une attitude qui a pu paraître à certains comme un manque de courage après les attentats islamistes. Mais le dessinateur belge trouve « contre-productif de continuer à brandir ces caricatures devant des personnes qui les prennent pour une insulte ».
Lorsque Samuel Paty, cet enseignant français, a été décapité en rue pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, certains ont fait circuler sur les réseaux sociaux, une vidéo datant de 2015 où l’on voyait Philippe Geluck expliquer qu’il ne ferait pas des dessins semblables. Une attitude qui a pu paraître à certains comme un manque de courage.
Le dessinateur belge s’en explique. “Je dois rappeler que les dessinateurs de Charlie étaient des amis. Ce qui leur est arrivé est horrible, indicible, insupportable. Ce que je voulais exprimer dans cette interview réalisée juste après l’attentat contre Charlie, c’est que le monde a changé depuis les années 70 où il était possible de tout critiquer, du moins dans nos démocraties. La liberté de rire de tout, l’esprit de dérision, tout cela a reculé ces derniers temps. Internet a profondément changé le monde. Un dessin réalisé chez nous se retrouve à l’autre bout de la planète en quelques secondes. Moi, je continue à faire des dessins sur toutes les religions. Je dessine des barbus et des intégristes. J’ai parlé avec de nombreux musulmans qui étaient horrifiés par les attentats mais qui se sentaient aussi blessés dans leur foi par les caricatures. »
Et Philippe Geluck de continuer : « Je n’ai pas envie d’en rajouter en ‘tapant sur ce clou-là’. Je pense très sérieusement qu’il faut faire de la pédagogie et expliquer l’importance de la liberté d’expression avant d’évoquer le droit au blasphème. Il m’est arrivé d’aller dans des écoles pour en parler à des adolescents mais je trouve contre-productif de continuer à brandir ces caricatures devant des personnes qui les prennent pour une insulte. Est-ce pour autant de la lâcheté ? Lorsque j’explique mon point de vue à des journalistes, la plupart, hors micro, me disent qu’ils partagent mon point de vue et ajoutent ‘mais on ne peut pas le dire’. Et ça, ça me sidère. On évoque la liberté d’expression, mais il y a des choses ‘qu’on ne peut pas dire’! Alors, certes sur les réseaux sociaux circulent des commentaires peu aimables, mais je ne les fréquente pas. Je préfère la vraie vie. Et vous n’imaginez pas le nombre de gens qui viennent me parler et me disent ‘merci pour ce que vous avez dit”.
Source : dhnet