Le sentiment anti-Français existe bel et bien en Afrique. Il est parti crescendo au fil des ans comme partout où il y a présence des forces d’interposition ou d’intervention qui piétinent et pataugent sur place. Depuis l’ouverture de la boite de Pandore en Libye, en 2011, l’embrasement s’est généralisé au sud du Sahara. Mais si « Serval » et « Sangaris » ont stoppé les avancées terroristes au Mali et en Centrafrique, ils n’ont pas réussi à ramener le calme qui régnait avant les insurrections. L’enlisement a fait naître des ressentiments divers.
Sans tenir compte de la psychologie et de l’origine de ces ressentiments, l’on s’est laissé emporter pour sommer les présidents, qui ne sont pas tous des adulés et adorés de leurs peuples, soit dit en passant, de venir trancher sur la nécessité ou non de la présence des forces françaises sur leurs territoires. Manque de bol !
Pour ceux qui se considèrent comme des seigneurs et monarques, chez eux, le dilemme est agaçant à plus d’un titre, pourtant ils se soumettront et répondront à cette convocation pour ne pas scier la branche sur laquelle ils sont confortablement installés, à moins qu’on ne se trompe.
La cause réelle de ce sentiment anti-Français, ce sont ceux-là mêmes que Emmanuel Macron a sommé de venir s’expliquer.
Le président français est-il conscient que dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, il dépend de certains pouvoirs qu’il soutient contre la volonté de leurs peuples, c’est-à-dire de ceux qui lui vrillent les portugaises, actuellement, autrement dit les oppositions politiques ?
On entend le cri de cœur des Maliennes qui ont perdu un mari, un fils, de voir leur président aller se recueillir devant la dépouille des Français tombés au même titre que les leurs, mais qui n’ont pas bénéficié des mêmes traitements et égards. On peut, à la limite, comprendre IBK, mais pour ces veuves et orphelins, doit-on placer un sentiment au-dessus de l’autre ?
Ce qui est encore cuisant, c’est quand elles parlent du manque d’équipement des forces armées maliennes : des hélicos mal reformés achetés à prix d’or, on entend des choses sur la mal gouvernance jusqu’à cette tentative de détournement des cotisations à l’ONU, des emmêlements du fils du président dans certaines affaires louches et d’un autre tas de nominations de faveur dans les états-majors et commandements militaires…
Ce qu’il faut mettre en relief pour les gouvernements africains ; c’est que le népotisme dans l’armée est une arme à double tranchant : Un neveu à un poste de commandement en période de guerre…
En Centrafrique, les rebelles venant du nord et soutenus par le Tchad avaient balayé les quelques centaines de « mercenaires » d’Afrique du sud postés pour la défense de François Bozizé, mais ils ont été stoppés par l’intervention de la France, qui a fini par s’enliser depuis 4 ans, et ses militaires qui ont été taxés de pédophilie n’ont pas été jugés sur place.… Cela n’a rien fait en faveur de la présence française.
On se souvient de la pression et des menaces à mots à peine couverts sur Idriss Déby par François Hollande, et comment, pour se faire pardonner, le président tchadien avait accepté de participer au déploiement de « Barkhane », alors qu’il ne voulait pas, prétextant qu’il n’était pas de la CEDEAO, mais de la CEMAC. Déjà qu’auparavant, ce même Déby avait été tiré des griffes de l’opposition noyautée par des terroristes venant du Soudan par une intervention nette, propre et définitive des forces françaises. Et dans cette affaire, l’histoire de « l’Arche de Zoé » avait fait du bruit dans un trafic d’enfants. Le dénouement arrogant et arbitraire de cette affaire : « J’irai les chercher, quoi qu’ils aient fait ! » de Nicolas Sarkozy avait indigné plus d’un Africain, mais aucun « nègre-noir d’Afrique » au pouvoir n’a été ému.
Comme on le voit, Idriss Deby Itno était redevable vis-à-vis de la France. Qu’ont dit ses opposants et leurs militants ?
Au Niger, Emmanuel Macron avait mis le doigt sur la plaie en parlant de la démographie. Cela avait été considéré comme une atteinte aux mœurs… Voilà un autre départ de feu non négligeable, qu’il ne semble même pas considérer…
Au Burkina Faso, l’exfiltration de Blaise Compaoré n’était pas du goût des insurgés contre son troisième mandat. Depuis cela, le Burkina n’a plus connu de répit. Des attentats partout. Actuellement, le nord est un romands-land. Plus d’école, plus d’église, plus d’administration, même les terroristes ne l’occupent pas. Le K.O est total. Le nouveau pouvoir en place est impuissant. Ces populations se demandent, à juste raison, à quoi sert la présence militaire française au Sahel.
Au Mali, sans l’intervention française en 2012, le pays était déjà sous la férule de la charia. Les populations ne savaient plus à quel Saint se vouer. Mais pourquoi Serval s’était arrêté à mi-chemin et pourquoi Barkhane et la MINUSMA n’avaient pas continué jusqu’à la reddition totale des envahisseurs ? Cette question se pose avec acuité à chaque attaque terroriste par les parents des victimes et par l’opposition, qui cherche à tirer le tapis sous les pieds du pouvoir. Mais cette question est profonde et sans fond.
Le bénéfice de cette intervention, de leur point de vue, n’a servi qu’à favoriser la mise en place et à l’affermissement d’un pouvoir décrié par des milliers d’opposants politiques sous éteignoir dans les rues de Bamako. A ceux-là se sont jointes les familles des soldats tombés dans la lutte contre le terrorisme.
N’est-ce pas ces échos qui ont vrillé les portugaises de Emmanuel Macron ?
D’un certain avis, ce sentiment anti-Français n’est qu’animosité par procuration. Mais ce qu’il faudrait craindre de cette situation, c’est que les oppositions sous les chapes de plomb choisissent de pactiser avec les terroristes pour changer la donne dans la sous-région.
Le sentiment de néo-colonisation s’est déteint totalement sur le franc CFA, qui a pourtant la caution de la stabilité bien connue. Quelle sera la caution de l’Eco ? Sera-t-elle supportable pour tous ?
Quant aux biens mal acquis, la France se doit de réinvestir ces fonds dans les pays d’origine quand les gouvernants prévaricateurs ne seront plus là, à condition qu’elle veille au respect des règles du jeu démocratique, sans faire comme la Françafrique. Elle doit s’imposer ce devoir historique. Le XXIème siècle sera de toute concurrence pour l’Afrique qui, si elle connait par coeur la France, elle ignore tout des nouveaux partenaires…
Tous les griefs énumérés ici effacés, la France et l’Afrique ne s’entendront pas si mal que ça !
Et on n’a pas tout dit, aussi.
Moïse Sidibé