Lutte contre les embouteillages dans la capitale Conakry : un vrai challenge pour nos autorités (Par Safayiou Diallo)
Face à la recrudescence sans précédent des embouteillages dans la capitale Conakry, il nous est venu à l’idée de revenir sur ce sujet d’actualité que nous avons développé tout récemment afin d’attirer l’attention des autorités politiques et de l’opinion publique sur les véritables enjeux des réformes à entreprendre dans ce domaine afin de pallier à cette problématique dont les effets ne sont pas sans conséquence sur le déroulement de l’activité économique.
D’entrée de jeu, il faut souligner que la circulation explose dans notre capitale Conakry. A certaines heures (entre 9h et 10h, à la sortie des classes dès midi ou en fin de journée dès 17h jusque parfois 22h) il est pratiquement impossible de circuler dans la ville. A notre humble avis, les problématiques de congestion risquent de s’aggraver de manière exponentielle si rien n’est fait. C’est pourquoi, bon nombre des guinéens optent pour les motos, moyen très simple de se faufiler entre les véhicules. Ils offrent ainsi une très grande fluidité dans les déplacements contrairement aux automobilistes qui passent plusieurs heures dans la circulation entrain de suffoquer les gaz d’échappement des véhicules amortis et toxiques en raison du fait que les fenêtres restent ouvertes faute de climatisation.
Les principales causes des embouteillages :
Un trop plein de voitures pour quelques routes très souvent en mauvais état :
Selon la Direction des transports terrestres, il y a 38 394 voitures immatriculées à Conakry dont 28 917 en circulation (cf. enquête démographique de 2016). Bien que ces chiffres semblent marginaux, ils vont en grandissant chaque jour. Des vendeurs de voitures d’occasion que l’on trouve à tous les coins de rue proposent des centaines des voitures, à tous les prix. L’émergence de la classe moyenne aurait mécaniquement entraîné un doublement du parc automobile entre 2005 (où l’on était à la série K, 11eme lettre de l’alphabet) et 2015 (fin des 15 autres lettres de l’alphabet et recommencement des Z et A). Ce qui n’est pas sans incidence sur la situation que nous vivons aujourd’hui dans la capitale Conakry.
A cela s’ajoute le mauvais état dans lequel nos routes se trouvent. Si la circulation est en train de tourner au cauchemar, c’est aussi parce que les infrastructures et les solutions de mobilité ne suivent pas le développement du pays. Nul besoin d’être un expert pour se rendre compte que l’Etat prend des décisions d’investissements sans que cela n’obéisse à un calcul économique rationnel lui permettant d’amortir les sommes engagées le moment venu et de faire ainsi à la détérioration des routes en raison de l’usage.
L’indiscipline :
L’indiscipline est la première cause des embouteillages à Conakry. Chacun croit avoir raison et personne ne cède le passage à l’autre. Personne ne respecte la priorité, et, tout le monde force le passage. Chacun se fait passer pour le plus pressé et le plus important. Parfois, en plein bouchons tu entends des sirènes des véhicules des personnes d’opportunité les moins importantes de la République avec des véhicules de policiers ou des motards devant forcer le passage et ainsi ouvrir la pagaille à d’autres usagers impatients. Résultat des courses, personne n’avance. Parfois, l’on passe au niveau des carrefours/ronds-points sans même voir la cause principale des embouteillages qui fait que tout le monde restait cloisonné en un même endroit.
Des agents de la circulation qui au lieu de résoudre les problèmes en multiplient :
Face à la faiblesse des revenus et l’’extrême pauvreté (55% des guinéens vivent avec moins de 2 dollars par jour) pousse le plus souvent les policiers chargés de réguler le trafic routier à s’occuper à verbaliser la population et parfois même sans infraction. Ils réagissent que lorsqu’une personnalité se retrouve dans la file d’attente.
Les pires c’est aussi les jeunes engagés comme agent de sécurité (qui n’ont vraiment pas de formation dans le domaine) et qui se retrouvent à faire la circulation. Ces derniers mélangent très souvent les pédales en donnant la priorité à une file de voitures au détriment d’une autre qui reste longtemps arrêté au même point sans bouger. Une telle situation démultiplie l’embouteillage.
Quelques conséquences des embouteillages :
Les embouteillages peuvent occasionner la baisse de la productivité de l’économie, la réduction du temps du travail, l’augmentation du coût des transports mais aussi et surtout, les coûts liés au gaspillage de temps et de carburant qui seraient bien mieux employés ailleurs.
Pour échapper aux bouchons et éviter les retards qui peuvent résulter de mesures disciplinaires sur les travailleurs ou des rendez-vous manqués, la plupart des gens (en particulier ceux qui vivent loin de leur lieu de travail) quittent leur maison à 5 heures du matin. Malheureusement, certaines de ces personnes finissent par être volés, violés ou tués par des criminels. Cette situation risque d’entraîner l’absentéisme et le retard qui, réduisent également le volume du travail. Pour répondre à cette situation critique dont les enjeux sont importants, des solutions adéquates devront être mise en œuvre.
Pistes de solution :
L’augmentation du parc roulant, le surpeuplement, la transformation des routes en dépotoirs d’ordures, et l’indiscipline pour ne citer que ceux-là, ne sont pas les seuls responsables de la dégradation des conditions de circulation. Certaines mesures annoncées (interdictions de la rentrée dans le port de Conakry des véhicules ayant circulé en Europe plus de 5 ans) peuvent permettre de diminuer le trafic et la pollution de l’environnement. Nous ne saurons terminer cette analyse sans prétendre apporter quelques pistes de solutions. Au nombre de ses solutions nous proposons les points ci-dessous :
- Instaurer le partenariat public-privé : une telle expérience a été mise en place à Dakar à travers la construction de l’autoroute à péage. Les retombées sont extrêmement importantes pour l’Etat sénégalais et les usagers y trouvent leur compte. A titre d’illustration, la durée du trajet a été réduite de 80% pour une durée minimale de 3h auparavant dans les bouchons. La mise en place d’une telle stratégie consistera pour un début à identifier le trajet par lequel passera la route, assurer le déplacement de la population en leur mettant à disposition des terrains de même surface et de même valeur. Cela permettra à moyen et long terme d’améliorer la mobilité des personnes et des biens à Conakry et à l’intérieur du pays, accroitre le gain du temps et la sécurité du réseau et la réduction des couts de transports.
- Assurer le développement des transports en commun et covoiturage : l’expérience a démontré que l’utilisation de ces modes de transports prennent moins de temps que l’on puisse penser dans les déplacements si l’on met de côté le temps d’arrêt à certains stops pour prendre des passagers. S’agissant du covoiturage, c’est un mode transport qui est beaucoup utilisé par les travailleurs qui utilise le même itinéraire de nos jours. C’est non seulement un moyen qui permet non seulement d’économiser sur les frais de déplacements mais aussi il donne un côté social très agréable avec les échanges en cours de route.
- Désengorger Conakry : en créant une nouvelle ville à l’image de Diamniadio ou en développant les villes existantes l’on réduira ce trafic pendulaire où tout le monde descend à Kaloum le matin et remonte dans la banlieue le soir.
- Installer les panneaux de signalisation : à notre avis, cette mesure n’aura de succès que si l’on parvient à éduquer/sensibiliser les conducteurs sur les bonnes pratiques de conduite via des spots publicitaires, dans le but d’instaurer la culture de conduite chez la plupart des guinéens. Une telle mesure devra permettre de respecter les règles essentielles du code de la route qui consiste à : signaler son changement de voie avec les clignotants, ralentir à proximité des passages piétons, vérifier l’angle mort pour les dépassements, stationner dans les zones autorisées et enfin, respecter les priorités…
Analyste Economiste
Enseignant-Chercheur.