Accusé par le président brésilien Jair Bolsonaro d’exagérer l’ampleur de la déforestation en Amazonie pour faire le jeu des ONG, Ricardo Galvao, le directeur d’un organisme public de référence dans ce domaine, a annoncé qu’il serait finalement destitué.
« Ce que j’ai dit au sujet du président a causé un malaise, donc je serai limogé », a affirmé vendredi à Brasilia le directeur de l’Institut national de recherche spatiale (INPE), qui avait notamment taxé le chef de l’État de « lâcheté » pour avoir publiquement remis en cause les chiffres officiels.
« Bolsonaro sait que son gouvernement est le principal responsable de l’état de dévastation actuelle de l’Amazonie. Le limogeage du directeur de l’INPE est juste un acte de vengeance contre ceux qui révèlent la vérité », a réagi Márcio Astrini, un responsable de Greenpeace Brésil.
La polémique a commencé le 19 juillet, au cours d’un petit déjeuner du président Bolsonaro avec des journalistes de médias étrangers, dont l’AFP.
Le chef de l’Etat avait multiplié les déclarations fracassantes, niant par exemple que des Brésiliens souffrent encore de la faim.
Mais ce sont ses propos sur l’environnement qui ont finalement eu le plus de répercussions.
« Nous avons la sensation que les données que l’INPE a fournies à la presse ne correspondent pas à la réalité, qu’elles sont au service des ONG », avait affirmé le chef de l’Etat, qui a pris ses fonctions en janvier.
Il faisait référence à des chiffres reposant sur des données satellite faisant étant d’une augmentation de 88% de la déforestation en Amazonie en juin par rapport au même mois de l’année en 2018.
« Si toute cette dévastation dont vous nous accusez était réelle, la forêt amazonienne serait déjà un grand désert », avait poursuivi M. Bolsonaro, un climato-sceptique notoire.
– « Psychose environnementale » –
Le lendemain, Ricardo Galvao, 71 ans, avait rétorqué dans un entretien avec le journal Estado de S. Paulo que le président avait « fait preuve de lâcheté en s’exprimant ainsi ».
« Peut-être qu’il s’attendait à ce que je présente ma démission, mais je ne le ferai pas », avait-il ajouté.
Cela n’a pas empêché M. Bolsonaro d’en remettre une couche, laissant entendre que le gouvernement souhaiterait contrôler le timing de la diffusion des données sur la déforestation pour éviter de faire « de la mauvaise publicité au Brésil » et toute « psychose environnementale ».
« Si des données sont alarmantes, il (le directeur de l’INPE) devrait, par patriotisme, prévenir le ministre et lui dire que les chiffres seront diffusés, pour qu’il se prépare. Cette façon de rendre publics ces chiffres nous fait du tort », avait-il souligné.
La polémique a repris de plus belle jeudi, quand Jair Bolsonaro a répété que les données de l’INPE ne correspondaient « pas à la réalité » et portaient « préjudice à la réputation du Brésil », faisant notamment allusion aux engagements de ce pays dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat.
« Si Ricardo Galvao perd notre confiance, il sera destitué », a-t-il conclu.
Entretemps, l’INPE avait diffusé de nouvelles données montrant un augmentation de 40% de la déforestation sur les 12 derniers mois.
– « Du jamais vu » –
Jair Bolsonaro a bénéficié au moment de son élection du soutien appuyé du puissant lobby de l’agroalimentaire.
Au Brésil, les ONG dénoncent depuis des décennies le fait que de grands propriétaires terriens repoussent sans cesse les frontières des terres agricoles, le plus souvent au détriment de la forêt, empiétant entre autres sur des zones censées être réservées aux tribus autochtones.
« Nous sommes en présence d’une grande offensive de secteurs qui font du profit sur le dos de l’Amazonie et le président de la République montre son ignorance totale en ce qui concerne les questions environnementales », déplore Joao Paulo Capobianco, un ancien vice-ministre de l’Environnement de l’écologiste Marina Silva.
Pour lui, l’intervention présidentielle sur l’INPE est « du jamais vu dans l’histoire du Brésil ».
Jeudi, M. Bolsonaro a subi une défaite importante sur la question foncière : la Cour suprême a bloqué un décret présidentiel qui transférait au ministère de l’Agriculture, défenseur des intérêts de l’industrie agroalimentaire, la délimitation des territoires indigènes.
Cette compétence retourne donc sous le giron de la Fondation de l’Indien (FUNAI), un organisme qui se consacre à la protection des tribus autochtones.
AFP