Ce mardi de la dernière semaine de mars, je devais me rendre à Kaloum pour y travailler. Ce matin, je n’ai pu travailler à cause d’une panne technique. Pour ne pas rentrer d’aussitôt à la maison, je décide de faire une virgule dans un petit café exposé sur la ruelle menant au palais présidentiel en passant devant la bâtisse abritant le ministère de l’enseignement supérieur.
Si vous voulez savoir comment marche le pays, fréquentez les bars café et magbanas après avoir écouté les médias. Quelques minutes après mon installation pour observer ce mouvement humain qui inspire la démarche des fourmis magnats, arrive sur une veille KTM mon ami lichar ; puis, tour à tour s’installent trois autres concitoyens pour être finalement à cinq autour d’une table ronde de café bar. Pour taquin qu’il soit, lichar une fois fait sa commande de café commence à me harceler de questions. Sa première fut de savoir mon avis sur une éventuelle révision constitutionnelle. Je me rappelle lui avoir dit ceci :
La constitution est un texte sacré dans la vie d’une nation, d’elle dépend toutes les autres dispositions normatives. C’est elle qui détermine la nature du régime et la relation qui lie les individus à l’institution étatique. La constitution est pour l’Etat ce qu’est la bible et le coran pour le christianisme et l’islam. En tant que telle, la question la concernant ne saurait être abordée avec légèreté. L’homme est capable de défaire tout ce qu’il fait, à condition qu’il y’ait un maximum de consensus. Ce qui veut dire que je suis plutôt favorable à une éventuelle révision constitutionnelle.
Donc en claire, tu cautionnes la révision constitutionnelle par le président actuel ? Relance-t-il. Non, lui réponds-je. Si je suis favorable à une révision de la constitution actuelle, je suis systématiquement opposé à sa révision par le régime actuel pour la simple et unique raison qu’il ne vaut que ce que vaut cette constitution.
Entre cette constitution et ce régime, c’est comme l’eau et le corps qui se lave. En claire, la constitution est l’eau qui lave ce régime et non le contraire. Le prochain régime aura la mission dès ses premiers jours de proposer au peuple une révision. Cela empêcherait toute velléité de confiscation du pouvoir.
Comme tiqué par mon dernier propos, le concitoyen octogénaire qui était en notre compagnie récupéra la parole et s’exprima en ces termes : pourquoi ne voulez-vous pas laisser ce président terminer ses chantiers ? Parce que nous savons par expérience que les Guinéens sont forts dans le sabotage des initiatives de leurs prédécesseurs.
Doyen, lui réponds-je, c’est comme cela que nous fabriquons nos dictateurs. Ce qu’il a fait ou est en train de faire, toi et moi à sa place ferions peut-être mieux que lui, personne n’est indispensable. S’il a le souci d’achèvement de ses chantiers, qu’il désigne dans son camp quelqu’un pour qui sa majorité va voter pour accomplir ses désirs. Ne tuons pas la compétition, nous sommes près de douze millions d’âmes ; chacun peut quelque chose pour ce pays.
Pour terminer, retenons que ceux qui luttent pour un troisième mandat n’aiment point ce pays. Ils ne connaissent que leur intérêt égoïste, c’est comme des gens qui craignent que la fin du régime soit la fin de leur progrès individuel. Et pire, lorsque le projet sera exposé au grand jour, des Guinéens vont s’exposer, du sang sera versé, des âmes seront ôtées et inévitablement le pays va connaître sa guerre civile. Guinéens, le pire est évitable !
Mamoudou Mariam Tounkara, sociologue